Hellblade : Senua’s Sacrifice – Le batailles les plus durs sont combattus dans l’esprit

TEST – Après Heavenly Sword, Enslaved et DmC : Devil May Cry, le studio de Cambridge de s’est lancé dans un projet très différent, très spectaculaire concernant les graphismes, mais moins « frimeur », concernant la grandeur du projet. Intitulé Hellblade : Senua’s Sacrifice, développé en petit comité sans le soutien d’un éditeur prestigieux, ce jeu ne manque tout de même pas d’ambitions, ni de moyens pour les assouvir. Mais le talent et l’expérience ont-t-ils démontré leur pouvoir ?

 

Senua est préparée et déterminée. Son voyage, qui commence seulement maintenant qu’elle s’est débarrassée de sa barque de fortune, n’aura pas de retour. Elle en est conscient, mais elle est quand même résolue. La cause : elle n’accepte pas le massacre de son amant, Dillion, par les nordiques. Son objectif est bien clair : comme c’est la déesse Hela qui détiens son âme, elle ira à Helheim, le pays des morts, pour qu’elle rend la vie a Dillion. Le passage qui la mène à la déesse de Enfers est extrêmement difficile. Elle rencontrera des pièges, des ruses, des affrontements, et aussi “ses ténèbres” : c’est de cette façon qu’elle appelle les voix qui l’assaillent en permanence, qui sont toujours là, à chaque pas, chaque action, chaque combat, elles la commentent, l’approuvent, la réprimandent… Un sifflement permanent s’accompagnant d’hallucinations visuelles qui vont rester aux côtés de Senua jusqu’au bout de sa folle quête, que vous allez vous-même diriger.

Deux histoires en parallèle

En fait, Hellblade a deux histoires qui se produisent en parallèle. Le premier, celui mentionné dans les bandes-annonces, le synopsis et les images promotionnelles, est celui de Senua, un guerrier celtique qui entre dans le territoire viking à la recherche de l’entrée d’Helheim: le «royaume de la mort» dans la mythologie nordique. Dans cet enfer, gouverné par la déesse Hela, Senua aspire à retrouver l’âme et la vie de Dillion, son bien-aimé décédé.

La deuxième histoire, cependant, est celle du joueur. Notre protagoniste, le personnage que nous avons traité à travers l’histoire, souffre de graves effets de psychose. Dans le documentaire vidéo qui s’ajoute au jeu et auquel nous pouvons accéder par le biais du menu principal, les créateurs expliquent que la prémisse était de créer un voyage du héros classique, mais qui mettait l’accent sur la présentation de l’univers tel quel perçu par l’esprit du protagoniste, établissant sa maladie mentale comme le noyau du travail. Le jeu vidéo, par conséquent, utilisera tous ses éléments pour créer une atmosphère capable de transmettre au joueur la façon dont les personnes touchées par le trouble psychotique vivent et se sentent lorsqu’ils coexistent avec la maladie.

Un sujet difficile

C’est un sujet difficile à aborder. Il existe des stigmates associés à des personnes souffrant de troubles mentaux, en particulier ceux qui ont des symptômes liés à la psychose. C’est un sujet tabou, représenté dans la fiction d’une manière rare et mal informée et d’autre part, une maladie compliquée à comprendre pour ceux qui ne le souffrent pas, car ses symptômes sont si variés et difficiles à mesurer. Pour obtenir une représentation respectueuse et réelle, l’équipe Ninja Theory a travaillé avec une multitude de professionnels de la santé mentale et des patients de la maladie ci-dessus. Senua écoute les voix, et nous les entendrons aussi: des voix qui nous font douter de nos capacités, qui nous incitent à faire face au danger, nous donner des conseils erronés ou nous faire craindre de nous-mêmes. L’excellent travail des acteurs de la voix et l’utilisation du système sonore binaural sont l’un des éléments clés que le jeu utilise pour créer l’atmosphère.

En effet, à la faveur d’une spatialisation du son maîtrisée, et qui méritera qu’on appuie sur le fait qu’il est indispensable de jouer casque sur les oreilles, on se retrouve rapidement immergé dans l’expérience proposée par Ninja Theory. Le sound design, pour lequel on retrouve crédité David Garcia, qui avait déjà fort bien travaillé sur RiME, inspire un profond respect. Et une grande paranoïa, puisque, outre les bruitages environnementaux “classiques”, il y a ces chuchotements, ces cris, ces vibrations, ces crépitements qui ne cessent de se balader autour de vous pour rappeler que l’Enfer n’est pas pavé de bonnes intentions.

Un monde magnifique, mais inquiétant

La folie de l’héroïne, admirablement interprétée par Melina Juergens très investie par son rôle est retranscrite avec justesse et se vit pleinement par l’ouïe. Mais pas que – et la vue aussi, bien sûr. Les développeurs ont également su tirer parti de l’Unreal Engine 4 pour offrir à nos yeux un monde inquiétant. Le jeu est Anxiogène à souhait – rappelant le Valhalla Rising de Nicolas Winding Refn par ses extérieurs décrivant toujours des lieux grisâtres, désolés, dévastés, jonchés de cadavres, parfois sous une pluie battante et dans une nuit flippante, et ses intérieurs où la clarté a été dévorée par la pénombre – Hellblade se montre aussi soigné artistiquement que techniquement.

Sûrement parce que les zones à explorer ne sont jamais très vastes dans cette aventure très linéaire et cloisonnée – et bourrée de murs invisibles qui restreignent l’exploration – la grande majorité des textures jouit d’un rendu agréable, auquel s’ajoutent des jeux de lumière des éclatants et différents filtres ou distorsions de l’image qui savent parfaitement quand venir se loger sur l’écran. Quant à Senua, sa modélisation, ses animations et son expressivité lors de cinématiques parfois traumatisantes sont excellents.

Combattez pour votre vie!

C’est en combat où le jeu brille vraiment. Au début du jeu, on nous dit que, pour des raisons liées à l’intrigue, le bras de Senua a une pourriture qui se répandra dans son corps chaque fois que nous échouerons. Cette «malédiction» représente clairement votre trouble psychotique, et chaque fois que nous mourrons et nous devons recharger le jeu, la marque deviendra un peu plus grande. Dans l’une des rares situations où le jeu utilise des éléments au-delà de l’histoire pour transmettre de l’information, on nous avertit, que si la pourriture vient à sa tête, Senua va mourir et nous perdrons tous les progrès. On ne précise cependant pas combien de fois nous pouvons mourir avant que cela ne se produise et, par ailleurs, Senua n’a même pas de compteur de durée de vie qui nous indique combien de coups nous pouvons recevoir avant de périr.

De cette façon, nous ressentons l’importance de tous ces combats. Même les ennemis les plus simples seront attentifs à nous, car toute fausse étape peut avoir des conséquences. Notre coût d’opportunité est élevé dans toutes les combats qui se battent: si nous nous trompons, Senua perdra sa vie et échouera dans son but, et nous perdrons nos progrès et nos efforts. On peut établir un paralléle correct entre la façon dont certaines situations éprouvent des personnes avec des pathologies psychologiques qui doivent faire face à des situations apparemment simples, qui peuvent en fait leur coûter un effort supplémentaire.

Une expérience sans précédente !

Avec ce Hellblade : Senua’s Sacrifice accompli avec moins de moyens que ses précédentes productions, Ninja Theory propose une expérience très prenante, extrêmement oppressante, dérangeante, inquiétante de bout en bout. Impliqué aux côtés d’une héroïne – impeccablement jouée par Melina Juergens – tourmentée et très différente de ce que le média a l’habitude de nous proposer, le joueur s’embarque dans cette quête sombre et personnelle des plus immersives pour en ressortir secoué. Et marqué par les qualités visuelles et sonores, la mise en scène réussie, mais aussi des mécaniques intéressantes. Une descente aux enfers façon Orphée chez les vikings qui constitue peut-être la plus belle surprise de l’été 2017.

-BadSector-

Pro:

+ Ambiance fantastique
+ Des graphismes et des sons exceptionnels
+ Histoire mémorable et mystique

Contre :

– Les puzzles sont un peu ennuyeux
– Extrêmement linéaire
– Le système Save peut se sentir bizarre pour certains


Éditeur: Ninja Theory

Développeur: Ninja Theory

Genres: Hack’n’slash, aventure

Publication: 08.08.2017

Hellblade : Senua's Sacrifice

Jouabilité - 7.1
Graphismes - 9.2
Histoire - 8.2
Son/musique - 9.8
Ambiance - 8.5

8.6

EXCELLENT

Avec ce Hellblade : Senua's Sacrifice accompli avec moins de moyens que ses précédentes productions, Ninja Theory propose une expérience très prenante, extrêmement oppressante, dérangeante, inquiétante de bout en bout. Impliqué aux côtés d'une héroïne - impeccablement jouée par Melina Juergens - tourmentée et très différente de ce que le média a l'habitude de nous proposer, le joueur s'embarque dans cette quête sombre et personnelle des plus immersives pour en ressortir secoué. Et marqué par les qualités visuelles et sonores, la mise en scène réussie, mais aussi des mécaniques intéressantes. Une descente aux enfers façon Orphée chez les vikings qui constitue peut-être la plus belle surprise de l'été 2017.

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BadSector is a seasoned journalist for more than twenty years. He communicates in English, Hungarian and French. He worked for several gaming magazines - including the Hungarian GameStar, where he worked 8 years as editor. (For our office address, email and phone number check out our impressum)