Nioh – Pirate Anglais avec une prouesse de samouraï

TEST – Nioh a eu de la chance de ne pas être le hara-kiri même au cours du développement. Presque aussi vieux que The Last Guardian et Final Fantasy XV, le dernier jeu de Koei Tecmo est passé par toutes les étapes du développement problematique, entre projet de RPG avorté, un essaie de beat’em pas très réussi et aussi un sujet de moquerie rituel à chaque Tokyo Game Show. On a du attendre 2015, quand Koei Tecmo a finalement montré le projet devant une assemblée qui ne l’attendait même plus.

 

“Comme dans Dark Souls”. La Team Ninja ferait une bêtise de s’en cacher : l’influence du jeu de Hidataka Miyazaki est évidente, en ce qui concerne Nioh. Pareillement á Dark Souls, le jeu a été développé, comme un crash-test de manettes à grande échelle, où les petites victoires à l’arraché, même les moins honorables, viennent effacer l’ardoise des morts à répétition.

Aussi, identiquement a Dark Souls, vous devrez mémoriser chaque chemin de cette route des enfers, en mémorisant la position exacte de chaque ennemi, jubilant chaque feu de camp sanctuaire entrevu ou le moindre raccourci débloqué.

La mort à vos trousses

Aussi, similaire a Dark Souls, n’importe quel duel peut précipiter votre mort. Oui : duel, l’un face à l’autre, car les chances de survie s’atténuent quand il y a un troisième ou plusieurs monstres, qui joignent la fête. Et pourtant pour les mobs moyen, la difficulté est à peu près la même pour tout le monde, même si la dureté de certains Yôkai, qui encaissent sans sourciller (le fameux “Super Armor”) incite bien souvent à craquer amulettes et talismans pour enchanter son arme avant de croiser le fer.

La mécanique d’endurance, ou « Ki », s’appose aussi bien à William qu’a ses ennemis ; c’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle est affichée en permanence sous leur barre de vie. Si vous êtes à bout de souffle, c’est le mort presque certain, une ou belle blessure.

En ce qui vous concerne : il ne faudra jamais hésiter à contrer ou frapper un adversaire dans le rouge pour l’embrocher… ou le décapiter même. Bref, c’est un rythme, auquel vous devrez vous accoutumer, entre des replis stratégiques ou un assaut frontal. En fait, même les Yôkai les plus terribles, y compris la majorité des boss, peuvent finir hors d’haleine. Un coup critique ou un contre dans le bon timing, et la jauge se vide immédiatement. Mais en étant leur Ki beaucoup plus fort, que le péon de base, il faudra régulièrement les éviter pour les voir frapper dans le vide et ronger peu à peu leur barre de santé. Ou mourir, crier et recommencer.

Le deuxième souffle

Liée au Ki, le système d’impulsion fera bien souvent la différence entre un guerrier victorieux ou un pauvre type, qui revient chercher pour ne pas perdre tout le bénéfice de l’XP. Ainsi que dans Gears of War, une recharge rapide, qui doit être fait avec un timing bien précis, pour accélérer la régénération, aussi en dissipant les nuages toxiques des Yôkai qui entraveraient vos mouvements. Ce qui semble peut-être vu au départ comme une obligation, deviendra bientôt une seconde nature ; nous n’avons pas le choix, de toute façon, il faudra mémoriser chaque “sortie d’animation”, sinon c’est votre garde qui se fracasse, l’écran “Libéré de ce bas-monde”, le temps de chargement et tout le bazar.

On ne veut pas entrer dans les détails mais certains talents de l’arbre de talents hâtent la récupération de Ki, avec aussi des bonus pour ceux qui changent de stance durant l’impulsion. Parce que en effet, les cinq armes de corps à corps disposent leur propre “gardes” (au minimum trois), avec dans tous les cas des palettes d’animations qui leur sont propres, donc autant de recharges à timer et de manuscrits à débloquer. Du reste certains rouleaux, grisés, ne pourront être lus qu’à la suite d’un long entraînement, si tant est qu’on ait atteint le palier de stats correspondant. Pareillement à Dark Souls” (aie), vous n’avez pas fini de passer votre vie sur les Wikis.

En résumé, on vous ménage du descriptif lassant pour vous donner le nécessaire : le système de combat de Nioh rappelle vraiment les Ninja Gaiden de Team Ninja. Malgré tous ces accidents de parcours, malgré les DOAX, malgré tout ça. Tous les allergiques aux gameplays lourds et aux armures lestées de plomb – bref, ceux qui n’ont jamais pu encadrer Dark Souls (il y en a) – pourront peut-être jeter un coup d’œil à Nioh, qui nous propose une expérience bien plus énergique et viscérale, où l’on charcle son quatre hits en l’espace d’un battement d’aile de papillon.

En garde !

Très durs, mais souvent décisives, les parades-ripostes sont faits avec des animations soignées, et la mise en route des roulades, courses, frappes se fait dans l’instant, sans le moindre temps mort, sauf quand on se retrouve à court de Ki. Il y a vraiment un cœur de Ninja qui bat sous l’armure de samurai de ce pirate anglais de William Adams, sans tomber dans l’excès des Izuna Drop dans tous les coins. Par contre Adams ne saute pas, qui un handicap assez bizarre pour un héros qui roule en armure lourde presque tout son temps. Mais sans doute qu’avec un bouton saut, bon nombre de subtilités du level design passaient à la trappe.

De ce point de vue, Nioh opte pour des chapitres des missions – un peu comme dans Tenchu, pour multiplier les ambiances typiques du Japon féodal, un peu à la Tenchu. Une astuce de développement qui a ses avantages comme ses revers. “Contrairement à Dark Souls” (chaton +1), on n’y éprouvera jamais la même sensation d’isolation face au gigantisme des lieux, le même esprit aventureux qui vous anime à contempler l’énorme bâtisse au loin. Ici la profondeur de champ se limite aux ennemis en contrebas ou à la palissade à peine éclairée, au pire un épais brouillard qui dissimule un Yôkai ; on ne tient pas les 60 fps quasi constants du “mode Action” * sans quelques concessions. A l’inverse, cela autorise au jeu une multitude d’ambiances et de lieux, tout en couvrant par le prisme du voyage les grandes batailles et les événements remarquables de la fin du sengoku.

Autrement dit, vous passerez par tous les états, avec de nombreuses ruses du level design, comme ces murs coulissants dans le palais ninja, ces cristaux de glace à briser pour vaincre l’enchantement de la maîtresse des lieux, ou ces gros aspirateurs antiques à activer pour disperser le poison et remonter jusqu’à la source du miasme. Côté construction et architecture, il est très fréquent de voir le jeu multiplier les mêmes itinéraires pour un même lieu, offrant une multitude de points de vue et de possibilités de contournement, ne serait-ce que pour éviter d’avoir à affronter une énième fois le Tengu qui garde la corniche.

De loin l’un des ennemis de base les plus galères qu’on ait rencontrés dans un jeu qui a malheureusement tendance à beaucoup trop recycler les mêmes modèles, avec deux ou trois piques en plus pour justifier des dégâts alignés sur le niveau théorique du joueur. Pour revenir aux stages, que dire aussi des nombreux palais féodaux construits comme des dédales, avec ce qu’il faut de pièges pour vous renvoyer illico à la cave avec deux ou trois Yôkai mal lunés. Bref, le chapitrage de Nioh brise peut-être le sentiment d’unité, magistral et maîtrisé, d’un Dark Souls, mais permet a contrario d’offrir une multitude de variété d’environnements pour accueillir missions scénarisées et défis annexes. Le cas échéant, la disposition des ennemis change, tout comme celle des sanctuaires. Quand il y en a.

L’enfer à Sekigahara

Rares sont les niveaux désœuvrés, et même les plus linéaires ou les plus courts essaient de trouver un subterfuge pour sortir du lot. Vous allez vivre l’enfer à Sekigahara, un niveau qui peut se boucler en cinq minutes, même si à titre perso on en a rajouté quatre-vingt dix de plus sur le boss qui attendait dans son camp retranché. Les boss, parlons-en. Pour la bio, c’est assez simple. Tous partagent le traumatisme d’une enfance difficile, à trimer au fin fond d’une maison close à la frontière espagnole, la faute aux obligations professionnelles de leur maman. Pour leur avenir, il est tout tracé : le cimetière.

Mais ça, c’est après vous avoir avalé, dépecé, assommé, découpé, piétiné, englouti, lessivé, et bien souvent découragé. Alors oui, on les voit venir les vidéos YouTube de ce mec qui retourne Sakon Shima en deux caresses, c’est le genre même qui invite à partager ses exploits en oubliant la dizaine de morts qui précède, souvent expédiée en deux trois hits. Dans le genre furax, Nioh réserve une farandole de détraqués, en poussant parfois la limite entre combat loyal et sacs à PV. Pour quelques “boss à gimmicks” qui demandent d’illuminer des flambeaux ou de péter des cristaux au préalable, combien de duels remportés à l’arraché, ou perdus parce que l’estocade a refusé de sortir faute de Ki.

Après coup, on remarque que la précipitation est toujours la plus mauvaise des solutions, comme dans Dark Souls. Rares sont les boss qui vous fument à cause d’un lock défaillant, même si on pense à toi, l’artificier qui met le ciblage en PLS au moindre envol. Avec une bonne dose d’Elixirs grindés, un Esprit déclenché au bon moment – la furie élémentaire qui peut vraiment faire la différence, et même vous relever dans le cas du Phénix – et surtout un loot bien optimisé, ça finira bien par passer.

Question loot, Nioh est d’une générosité sans limites, parfois trop. Les développeurs ne s’en cachent pas : à voir les sacoches et armures dégueuler du moindre cadavre, l’influence Diablo est clairement revendiquée. Avec ce que cela induit d’effets aléatoires et de sets d’armure à compléter, pièce après pièce, pour activer d’autres bonus. Certaines font office de récompenses de mission, d’autres sont récupérées à même le boss. D’une manière générale, on croule sous le loot et la limite est assez vite atteinte si on oublie de passer par la Réserve. Et comme toujours dans ce genre de jeu, il n’est pas rare qu’une arme soi-disant ultime soit chassée quelques mètres plus tard par un équivalent avec +8 en Feu (l’élément ultime, trop peut-être), ce qui a tendance à banaliser l’exception.

Problèmes d’interface

Malheureusement, l’interface de Nioh ajoute au fouillis de l’ensemble. Pour le coup, Team Ninja n’était pas obligé de faire similaire à Dark Souls”. Parce qu’entre le menu statut que l’on appelle avec le pavé tactile, les six couches de forge pour le craft, le descriptif des bonus qu’il faut attendre de dérouler et d’une manière générale une traduction française pas toujours heureuse, on nage parfois en plein charabia.

D’ailleurs, si vous n’êtes pas familier avec la période et les différents personnages historiques qui défilent, il va clairement falloir s’armer de patience ou filer dans le glossaire pour ne rien manquer. Le pire est sans doute atteint avec le menu des compétences, un vrai foutoir digne des Guides d’achat de Gamekult. Des parchemins de technique en surcouche que l’on active en appuyant sur L2 / R2, des conditions de déblocage parfois cryptiques (il faut prendre des leçons au dojo), sans même parler des “Jutsus” qui refusent d’apparaître dans la liste d’objets si on les a désactivés dans un autre menu… C’est parfois à désespérer de lourdeur, même si on finira par s’y faire à force de répéter machinalement les mêmes gestes. Si on a survécu à Monster Hunter…

Pépins du multi

Autre souci du jeu, la gestion du matchmaking qui complique le moindre S.O.S. On n’en est pas encore au niveau des clochettes de Bloodborne, d’autant qu’une vraie option “coop” existe hors de la campagne principale, pour mettre assez facilement deux amis en relation avant de rejouer les missions déjà débloquées (avec une jauge commune en plus des barres de vie). Mais dès que l’on cherche du soutien pour sa propre campagne, ne serait-ce que pour fumer un boss, il faut au préalable un item pour ouvrir le portail et mettre un mot de passe pour limiter les rencontres aléatoires, un peu comme chez From Software. Bref, on est encore loin du système d’invitation classique pour l’ergonomie, le genre d’entraves clairement pensées pour limiter “les appels à un ami”. D’un autre côté, Nioh s’articule autour du un contre un ; c’est sans doute ce qui explique que les NPC amis soient si rares, contrairement à un Dark Souls.

Sorti de ça, Nioh est un jeu extrêmement long, dur, corsé, technique, avec une ambiance Japon féodal savamment mise en valeur par une esthétique soignée et des thèmes musicaux d’une rare élégance. Bref, un rêve mouillé pour tous les orphelins de Dark Souls qui ont gardé des affinités avec le Japon féodal d’Onimusha. En plus la durée de vie flirte tranquillement avec les trente heures en ligne droite (dont au moins un tiers pour les boss, sans mentir), mais peut-être avons-nous trop sous-estimé le “niveau conseillé” qui s’affichait à l’entame de chacune des missions principales.

Qui sait si avec un peu de grind, auquel le jeu aspire, l’expérience n’en aurait pas été adoucie. Quoiqu’il en soit, vu le nombre d’armes et gardes à maîtriser, le nombre de chapitres annexes à débloquer, les missions Crépuscule à rejouer et les builds à optimiser à l’aide des bonus permanents liés aux factions et aux Succès internes du jeu, la Team Ninja a clairement décidé de gaver son jeu comme une oie boulimique, à la limite de l’indigestion. Ce n’est peut-être pas toujours optimal, on a parfois l’impression de suivre à la lettre le parfait manuel du game design par From Software. Mais en définitive, Nioh parvient à trouver sa propre identité et à ouvrir une nouvelle porte dans la crypte SM du jeu vidéo. C’est Catwoman qui va être contente.

Nioh, c’est original

N’y voyez surtout pas un banal clone de Dark Souls croisé avec Onimusha : Nioh opère avec brio la synthèse entre le gameplay vif et nerveux de Ninja Gaiden et les délires masochistes de From Software pour trouver sa propre voie. Celle, implacable, du bushido. Riche et exigeant, le système de combat punira tous les bourrins avec sa mécanique de Ki pointilleuse et ses timings de contres encore moins permissifs. Le sentiment de satisfaction n’en sera que décuplé à chaque nouveau chapitre parcouru, même si certains boss risquent de représenter un challenge insurmontable pour les moins aguerris ou les plus pressés, même en multi.

Avec son loot aussi généreux qu’un Diablo et ses innombrables missions secondaires qui boostent la durée de vie, Nioh apprend aussi la patience, ne serait-ce que pour débloquer le set d’armure approprié ou le sortilège le plus adapté. Dans tous les cas, et en dépit de quelques maladresses côté finition, la Team Ninja offre avec Nioh ce jeu d’action total et viscéral qu’on attendait depuis le premier Ninja Gaiden. Belle coup de samouraï.

-Dante-

Pro:

+ Des combats ardents, techniques et nerveux
+ Environnements et ambiance au top
+ Avec de nombreuses armes à apprivoiser

Contre:

– Les boss absurdement durs
– Problèmes d’interface
– Graphiquement sans plus


Éditeur: Koei Tecmo

Developpeur: Team Ninja

Genre: Action-Adventure RPG

Date de sortie: Février 8, 2017

Nioh

Jouabilité - 9.3
Graphismes - 7.7
Histoire - 7.2
Musique/audio - 7.8
Ambiance - 8.8

8.2

EXCELLENT

Avec son loot aussi généreux qu'un Diablo et ses innombrables missions secondaires qui boostent la durée de vie, Nioh apprend aussi la patience, ne serait-ce que pour débloquer le set d'armure approprié ou le sortilège le plus adapté. Dans tous les cas, et en dépit de quelques maladresses côté finition, la Team Ninja offre avec Nioh ce jeu d'action total et viscéral qu'on attendait depuis le premier Ninja Gaiden. Belle coup de samouraï.

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Bence is a Senior Staff Writer for our site. He is an avid gamer, that enjoys all genres, from Indie to AAA games. He mostly plays on the PS4 or on the laptop (since some indies get a preview build there faster). Loves obscure Japanese games that no one else dares to review on this site.