Pat Garrett et Billy le Kid (1973) – Le dernier western révisionniste de Sam Peckinpah: un chef-d’œuvre captivant et réfléchi

CRITIQUE DE FILM RÉTRO – Pat Garrett et Billy le Kid, le dernier western de Sam Peckinpah, n’est pas simplement son film le plus marquant depuis La Horde sauvage (1969), mais aussi l’aboutissement de son approche révisionniste de l’Ouest américain. Peckinpah avait pour ambition de démanteler le mythe romantique de l’Ouest, et ce film est devenu l’un des westerns les plus emblématiques des années 1970, où les thèmes de l’oppression, de la trahison et du passage implacable du temps sont intimement liés. À l’occasion de la disparition de Kris Kristofferson dimanche dernier, nous revenons sur ce classique intemporel du western.

 

Pat Garrett et Billy le Kid s’inscrit également comme le dernier volet de la trilogie officieuse de Peckinpah sur la « fin de l’Ouest », qui a débuté avec Coups de feu dans la Sierra (1962) et La Horde sauvage (1969). Ce film témoigne de la volonté du réalisateur de déconstruire la mythologie de la conquête de l’Ouest tout en clôturant son exploration révisionniste du genre. L’intrigue suit Pat Garrett (James Coburn), un shérif engagé par les barons du bétail du Nouveau-Mexique et le gouverneur pour traquer son ancien ami, le hors-la-loi Billy le Kid (Kris Kristofferson). Garrett accorde à Billy cinq jours pour s’enfuir, mais celui-ci refuse, ce qui conduit à une fusillade et à son arrestation. Cependant, Billy s’évade de prison, et Garrett réunit une équipe pour le poursuivre à travers la campagne. Cette traque se solde par des effusions de sang avant la confrontation finale.

 

 

L’amitié au-delà de la loi

 

La force du film réside dans la richesse des portraits de ses personnages principaux et dans la complexité des relations qu’ils entretiennent. Ces éléments ne se contentent pas d’enrichir l’intrigue, mais renversent également la dynamique traditionnelle de chasse à l’homme si souvent observée dans les westerns, où le hors-la-loi (Billy) est sans relâche traqué par le shérif (Garrett). Bien que Pat poursuive Billy, Peckinpah ne le présente pas comme un chasseur impitoyable. De même, Billy ne se dérobe pas constamment en changeant de cachette pour échapper à Garrett. Au lieu de cela, Billy reste en place, attendant son ancien ami, tandis que Garrett retarde l’inévitable confrontation. Leur relation est à la fois retenue et profondément émotionnelle, rappelant celle d’un père et de son fils ; autrefois proches, leurs parcours respectifs les ont transformés en adversaires.

Le film de Peckinpah explore le thème du changement, et les choix divergents de Pat et Billy les amènent à se retrouver de part et d’autre de la loi. Dans un monde où les hors-la-loi et les chasseurs de primes n’ont plus leur place, et où les intérêts économiques dominent désormais, Billy demeure un rebelle, poursuivant sa lutte contre les grands propriétaires terriens. À l’opposé, Pat choisit la conformité et vend son âme pour se rapprocher des politiciens puissants et des hommes influents. Ces décisions sont compréhensibles et justifiées pour les deux personnages. Pat, qui fut autrefois lui-même un hors-la-loi, décide de devenir shérif et de s’adapter à cette nouvelle ère, déclarant : « Je vieillis, et je veux vieillir avec ce pays. » Billy, quant à lui, refuse de se plier à l’autorité, préférant rester fidèle à sa vie de hors-la-loi, car son expérience passée lui a appris à ne plus travailler pour les autres. Il avait autrefois été au service du baron du bétail John Chisum (Barry Sullivan), mais leur relation s’était détériorée après que Chisum eut refusé de lui verser son salaire.

 

 

“Knock, Knock, Knocking on Heaven’s Door”

 

L’atmosphère mélancolique du film est renforcée par la bande originale envoûtante de Bob Dylan, qui dépeint un monde empreint de tristesse, soigneusement élaboré par Peckinpah et son directeur de la photographie John Coquillon. Dans cet univers en pleine mutation, les personnages luttent pour accepter, s’adapter et avancer. Dans une scène particulièrement mémorable, Pat rencontre un vieux shérif, Colin Baker (Slim Pickens), qui est fatigué de sa vie et rêve de gagner suffisamment d’argent pour construire un bateau et quitter définitivement la ville. Pat demande à Colin de l’aider à retrouver les anciens membres du gang de Billy pour savoir où se cache ce dernier.
Alors que les événements s’enchaînent, Pat et Colin se retrouvent dans une fusillade avec ces bandits, au cours de laquelle Colin est mortellement blessé. Tandis qu’il marche lentement vers la rivière au coucher du soleil, la chanson de Bob Dylan « Knocking on Heaven’s Door » commence à résonner. Colin s’assoit au bord de l’eau, contemplant le paysage grandiose avant de s’éteindre paisiblement. Cette scène incarne parfaitement l’essence du film – une fusion magistrale de profondeur émotionnelle et de tragédie –, en faisant l’un des moments les plus mémorables du long métrage. La chanson de Dylan, spécialement écrite pour cette scène, ajoute une dimension supplémentaire de gravité et de mélancolie.

 

 

Une fin atypique pour un western

 

Contrairement aux finales spectaculaires des westerns de l’époque – souvent marquées par des fusillades impliquant de nombreux personnages –, Peckinpah opte ici pour une conclusion tendue et sobre, où les deux personnages principaux se croisent simplement. C’est une fin à la fois déchirante et parfaitement adaptée à la tension croissante du film. James Coburn offre une performance remarquable dans le rôle de Pat Garrett, un homme vieillissant, épuisé par des années de rébellion contre la loi, mais qui finit par accepter que, malgré son aversion pour le changement, il doit s’y plier pour survivre. Garrett est un homme froid, rongé par la haine de soi et le regret de ses actions passées, et Coburn parvient à transmettre cela avec une subtilité remarquable.

Pat Garrett et Billy le Kid a rencontré de nombreuses difficultés pendant la production et la post-production. Sur le plateau, l’alcoolisme de Peckinpah et ses conflits avec certains acteurs ont rendu le tournage compliqué. De plus, le réalisateur s’est heurté aux studios MGM au sujet du montage final ; sa première version durait 165 minutes, mais les studios ont finalement sorti une version de 106 minutes. En juillet 2024, le film a été réédité par la Criterion Collection en Blu-ray et 4K Ultra HD, incluant une nouvelle version « 50e anniversaire » restaurée en 4K, ainsi qu’une restauration 4K de la version cinéma et un remaster numérique 2K de la version preview.

-Gergely Herpai « BadSector »-

Pat Garrett et Billy le Kid (1973

Direction - 8.2
Acteurs - 8.6
Histoire - 8.1
Visuels/Son (1973) - 8.4
Ambiance - 8.2

8.3

EXCELLENT

Sam Peckinpah signe ici un chef-d’œuvre qui repousse les frontières du genre western. Un récit profondément émotionnel où l’amitié et la trahison s’entremêlent. La musique de Bob Dylan et la beauté visuelle du film renforcent à merveille l’atmosphère de cette œuvre inoubliable.

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BadSector is a seasoned journalist for more than twenty years. He communicates in English, Hungarian and French. He worked for several gaming magazines – including the Hungarian GameStar, where he worked 8 years as editor. (For our office address, email and phone number check out our impressum)

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