CRITIQUE DE FILM – En première position du classement Netflix en France, The Old Guard 2 démontre qu’il est parfois risqué de forcer le destin d’une franchise. L’étincelle du premier opus s’est éteinte, remplacée par un chaos scénaristique et une fatigue créative palpable, malgré la présence d’une Charlize Theron qui redouble d’efforts. Au lieu de redynamiser la saga, cette suite donne surtout l’impression d’un rendez-vous manqué avec son public – le tout dans une ambiance de précipitation et de confusion.

À l’été 2020, alors que le monde vivait reclus, le premier The Old Guard est venu souffler un vent de fraîcheur sur l’offre aseptisée des blockbusters Netflix. Casting cinq étoiles, décors internationaux et ambition affichée de créer une nouvelle saga : le film a rapidement trouvé son public, devenant un phénomène planétaire et un exutoire bienvenu pour des spectateurs en manque d’évasion. C’était bien plus qu’un divertissement formaté : un vrai film d’action, avec de l’âme.

Un feu de paille qui n’a pas pris

Comme beaucoup de succès Netflix, The Old Guard s’est pourtant évaporé aussi vite qu’il était apparu : le buzz d’un week-end, puis l’oubli. La commande d’une suite relevait plus de la routine industrielle que d’un véritable élan créatif. Tournée dès 2022 après un feu vert en 2021, cette suite a connu un parcours cahoteux et se ressent comme un patchwork d’idées recyclées. À tel point que Netflix doit désormais sortir des vidéos-résumés pour raviver nos souvenirs : un symptôme, sans doute, d’une saga qui n’a jamais vraiment marqué les esprits.

Comble de l’ironie, cette suite n’a même pas la simplicité d’un bon film d’action estival. L’univers complexe né du comic de Greg Rucka s’embarrasse de digressions, d’explications interminables et d’un folklore si touffu qu’il faudrait relire Wikipédia pour ne pas décrocher. Est-il normal de devoir « travailler » autant pour suivre un blockbuster popcorn ?

Charlize Theron rame, le scénario s’enlise

Seule lueur dans cette grisaille, Charlize Theron, trop rare à l’écran, qui mérite mieux que ces franchises en pilote automatique. Révélée dans des rôles plus exigeants comme Young Adult de Jason Reitman, elle enchaîne ici les séquences d’action sans réelle intensité dramatique, son dernier rôle marquant hors-genre remontant à Scandale en 2019. Andy, l’immortelle déchue qu’elle incarne, devrait porter l’intrigue sur ses épaules – mais l’écriture brouillonne dilue tout enjeu. Face à elle, le retour d’une ancienne alliée (Ngô Thanh Vân) et une nouvelle ennemie, incarnée par Uma Thurman, n’apportent qu’un vernis d’antagonisme, sans consistance.

Dans une époque où les blockbusters s’éternisent, le format resserré (97 minutes, contre 125 auparavant) aurait pu offrir du rythme. Il n’en est rien : The Old Guard 2 file à toute vitesse vers une conclusion bâclée, en sacrifiant développement, émotion et clarté. Après la déconvenue récente de M3GAN 2.0, on retiendra surtout que rapidité et simplicité sont plus que jamais cruciales à l’ère du zapping. Gina Prince-Bythewood cède sa place à Victoria Mahoney à la réalisation : l’alchimie et l’audace queer du premier film disparaissent, remplacées par des concessions molles. Là où la romance entre Marwan Kenzari et Luca Marinelli osait le grand écart, il ne reste ici qu’un discret effleurement. Andy et son ex-partenaire, qui affichaient ouvertement leur relation dans le comic, ne sont plus que de « vieux amis », comme si le film avait peur de s’assumer, jusqu’à gâcher la Pride Month avec une pirouette embarrassée.

Une suite qui donne le tournis et s’égare

Theron reste irréprochable, même dans la tempête, mais le film gaspille également le talent de Chiwetel Ejiofor et une Uma Thurman réduite à la figuration de luxe. Le dernier acte tente maladroitement de teaser un troisième volet centré sur Thurman – mais sans annonce officielle de The Old Guard 3, le public reste suspendu à une fin abrupte, frustré et sans réponse. Il ne s’agit pas ici de laisser quelques fils narratifs en suspens : c’est toute la trame qui s’effondre, transformant la franchise en nouvelle Divergente – inachevée et, peut-être, déjà oubliée. Peut-être est-ce là la seule issue possible…

– Gergely Herpai « BadSector » –