Convoy – La parodie d’action de Peckinpah s’attaque à la résistance contre un pouvoir corrompu et incompétent

CRITIQUE RÉTRO – Sam Peckinpah, réalisateur controversé surtout connu pour ses westerns violents et mélancoliques, s’est aventuré dans le domaine de la comédie et de la politique avec Le Convoi, son film de 1978, qui a indéniablement traversé l’épreuve du temps. À la lumière du récent mouvement de la Freedom Convoy des camionneurs canadiens, le film de Peckinpah met en lumière l’art autrefois florissant de la désobéissance civile, pratiqué lors de la Révolution américaine, du mouvement des droits civiques et des manifestations contre la guerre du Vietnam, mais désormais apparemment oublié à l’ère des confinements et des mandats obligatoires. Avec la récente disparition de Kris Kristofferson, il est pertinent de réfléchir à ce classique de la comédie d’action routière.

 

Le Convoi est une comédie western moderne, où l’antagonisme entre le camionneur Rubber Duck (Kris Kristofferson) et le shérif Lyle (Ernest Borgnine) de la patrouille autoroutière de l’Arizona reflète les conflits de classe actuels entre la classe ouvrière et les élites gouvernementales. Cependant, il renvoie également au thème fondamental du western : l’affrontement entre la civilisation et la nature sauvage, entre le bien et le mal. L’histoire du Sud-Ouest est basée sur la chanson à succès Convoy de C. W. McCall, une ballade country qui a popularisé la frénésie des radios CB – une forme de média social bien avant Internet. Le film de Jonathan Demme, Citizen Band (également connu sous le titre Handle with Care, 1977), a saisi la signification sociale de ce phénomène, mais Peckinpah a adapté l’histoire exagérée de McCall pour en faire une allégorie du conflit de classe aux États-Unis : les camionneurs contre l’establishment autocratique.

 

 

Les héros de la route se rassemblent

 

Travaillant à partir d’un scénario de B. W. L. Norton, Peckinpah célèbre la diversité culturelle américaine, élargissant le concept de film de poursuite populaire introduit par Cours après moi, shérif pour représenter les camionneurs comme un groupe aux origines ethniques variées, offrant ainsi une réévaluation du caractère national américain – un des traits marquants de la renaissance du cinéma américain des années 1970. Le cynisme qui a suivi le mouvement des droits civiques, la guerre du Vietnam et le scandale du Watergate se manifeste dans les plaintes des camionneurs diffusées par radio CB, alors qu’ils rejoignent Rubber Duck dans sa fuite face au shérif corrompu Lyle. Ils forment un convoi d’un kilomètre de long, parcourant les autoroutes et les déserts, offrant des vues à couper le souffle sur les paysages américains – tout aussi impressionnantes que lorsque John Ford a envoyé une diligence à travers Monument Valley.

Les superbes panoramas en cinémascope de Peckinpah sur la route procurent le même plaisir visuel que les cortèges automobiles dans Sugarland Express de Spielberg – une autre histoire de renégats contre l’autorité, mais issue d’une époque où le libéralisme hollywoodien était encore humain. Les scènes nocturnes de camions et de paparazzi de Peckinpah rivalisent avec l’univers fantastique de Roma de Fellini, mais ce qui élève vraiment Le Convoi, c’est l’esprit de résistance collective parmi le peuple.

Une odyssée routière américaine qui célèbre la liberté résonne avec la mission du Freedom Convoy au Canada. Bien que les médias d’entreprise aient largement occulté l’événement, le film poétique d’action de Peckinpah offre un moyen de mieux comprendre ce mouvement.

 

 

L’autoritarisme des médias

 

Les médias d’aujourd’hui tendent à favoriser l’autoritarisme, tandis que les images des manifestations des années 1960 inspiraient résistance et empathie. Peckinpah avait prévu cette déformation, illustrant dans sa satire comment le convoi attire l’attention d’un politicien opportuniste (Seymour Cassel) et d’une icône de la mode de la côte Est (Ali MacGraw), tous deux désireux de profiter de la rébellion des “péquenots” – symbolisée par la flirtation entre la Jaguar XKE de MacGraw et le camion Mack de Kristofferson.

Le Convoi souligne que la survie de la démocratie dépend de la manière dont les médias manipulent l’information sociale – sans accès à la vérité et à la liberté d’expression, nous ne pouvons pas communiquer nos droits collectifs, nos choix individuels ou notre volonté commune. Le film de Peckinpah de 1966, Major Dundee, explorait les conflits de la guerre civile, tandis que Le Convoi examine la nature politique moderne des griefs sociaux – la protestation des camionneurs contre la limite de vitesse de 55 mph (le “double nickel”) est en soi une question politique.

L’idéologie de Peckinpah s’exprime le plus clairement dans la réplique de MacGraw : “Ils te suivent.” À laquelle Rubber Duck répond : “Non, ils ne me suivent pas. Je suis juste devant.” Il ajoute ensuite : “La seule raison pour laquelle ils sont derrière nous, c’est parce qu’ils n’ont personne d’autre à suivre.” C’est ici que Le Convoi résonne vraiment avec le message du Freedom Convoy, en soulignant les échecs du leadership (les mandats imposés) des responsables des États-Unis et du Canada.

La culture cinématographique romantise souvent les soulèvements de mai 68 (tant en Europe qu’en Amérique), mais revenir à Le Convoi corrige ce biais culturel et politique. Les discours diffusés par radio CB servent de métaphore continue pour l’expression cinématographique unique de Peckinpah – un élan esthétique distinctement américain, capturé lorsqu’un camionneur solitaire rejoint la caravane, déclarant : “Je t’ai entendu à la radio et j’ai pensé que tu méritais des félicitations.”

 

 

Un héros camionneur qui défie le pouvoir

 

Peckinpah affine sa romantisation du western lorsque le hit de McCall est accompagné par Okie from Muskogee de Merle Haggard. C’est pendant ce moment que Rubber Duck se lance dans une mission de sauvetage, libérant Spider Mike (Franklyn Ajaye), un camionneur noir battu par des flics corrompus. Rubber Duck fait irruption dans la prison en réponse à l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire américaine – les lynchages racistes qui hantaient encore l’époque pré-Covid. Pourtant, même le libéralisme hollywoodien des années 1970 de Peckinpah est à des années-lumière de la manipulation actuelle de la race par le gouvernement et les médias.

Le convoi de libération sociale et raciale de Peckinpah culmine dans un triomphe de klaxons de camions – des avertissements que le gouvernement canadien a depuis interdits, et des signaux que le Hollywood moderne ne sait plus honorer. Le Convoi rend hommage à ce que les militants des droits civiques appelaient autrefois “le bon trouble”. C’est un film réjouissant sur la camaraderie américaine, luttant contre l’injustice et la tyrannie abusive. Étrangement, c’est aussi un film plutôt pertinent dans le contexte de la Hongrie de 2024.

-Gergely Herpai “BadSector”-

 

 

Convoy

Direction - 8.4
Acteurs - 8.2
Histoire - 8.1
Visuels/Musique/Sons/Action - 8.6
Ambiance - 8.8

8.4

EXCELLENT

Le Convoi est un film divertissant qui célèbre l'unité et la lutte contre l'injustice – un mélange d'action camionnière et de satire politique mordante.

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BadSector is a seasoned journalist for more than twenty years. He communicates in English, Hungarian and French. He worked for several gaming magazines – including the Hungarian GameStar, where he worked 8 years as editor. (For our office address, email and phone number check out our impressum)

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