CRITIQUE CINÉMA – Depuis plus de trente ans, James Cameron ne se contente pas de signer des succès commerciaux : il façonne des événements cinématographiques qui redéfinissent les standards de l’industrie. Avec Avatar : De feu et de cendres, le cinéaste propose une nouvelle fresque spectaculaire pensée pour la salle, tout en confirmant une évolution plus prudente du récit, désormais chargé de motifs familiers et d’un pathos appuyé.
La filmographie de James Cameron se confond presque avec l’histoire moderne du blockbuster. Terminator 2 : Le Jugement dernier a marqué une rupture décisive dans l’usage des effets numériques, Titanic a incarné l’apogée du grand mélodrame hollywoodien, tandis que Aliens : Le Retour a transformé une suite en manifeste d’action à grande échelle. À plusieurs reprises, Cameron a dominé le box-office mondial, imposant son nom comme synonyme de spectacle total.
Ses films se distinguent par une ambition technique constante et une volonté affirmée de repousser les limites de l’immersion. La saga Avatar cristallise cette approche : elle n’est pas seulement une série de films, mais un univers cohérent, pensé dès l’origine pour se déployer sur le long terme, avec sa mythologie propre et ses enjeux écologiques et humains.
Pandora, d’une découverte à un territoire connu
Lors de sa sortie en 2009, Avatar avait provoqué un choc visuel inédit, donnant l’impression au spectateur de fouler pour la première fois le sol d’une planète étrangère. Treize ans plus tard, Avatar : La Voie de l’eau avait prolongé cette expérience en enrichissant la narration, en densifiant les relations entre les personnages et en franchissant un nouveau seuil technologique.
Avatar : De feu et de cendres, tourné en parallèle du deuxième volet, s’inscrit dans cette continuité directe. James Cameron a lui-même reconnu que ces deux films formaient à l’origine un seul récit, scindé pour des raisons de rythme et de structure. Cette genèse commune demeure perceptible dans la construction du troisième épisode.
Pour la première fois dans la saga, l’effet de rupture se fait toutefois moins sentir. Pandora reste somptueuse, mais elle n’est plus une terre inconnue. Le film impressionne par son ampleur, sans retrouver pleinement la sensation de découverte qui faisait la force des précédents volets.
Le deuil des Sully et l’élargissement du conflit
L’intrigue reprend directement après La Voie de l’eau. La famille Sully demeure profondément marquée par la mort de Neteyam. Jake Sully (Sam Worthington) et Neytiri (Zoe Saldaña) affrontent cette perte de manière radicalement opposée. Là où Jake cherche à contenir la violence à venir, Neytiri laisse sa colère et sa méfiance envers les humains s’exacerber, en particulier face à la présence de Spider (Jake Champion).
Jake est convaincu que la menace humaine n’a pas disparu. La RDA et le colonel Miles Quaritch (Stephen Lang) restent des adversaires actifs, poussant l’ancien marine à se préparer méthodiquement à un affrontement qu’il juge inévitable. Cette anticipation constante pèse sur l’équilibre du clan.
Les enfants Sully traversent également leurs propres lignes de fracture. Kiri (Sigourney Weaver) se sent de plus en plus distante d’Eywa, tandis que Lo’ak (Britain Dalton) vit dans la crainte silencieuse d’être tenu pour responsable de la mort de son frère. Ces tensions intimes renforcent un climat familial déjà fragilisé.
À cette instabilité s’ajoute l’émergence d’un nouvel ennemi. Le clan Mangkwan, surnommé le Peuple des Cendres, est dirigé par Varang (Oona Chaplin), une cheffe Na’vi consumée par la perte et la vengeance. Son rapport destructeur au feu introduit une dynamique inédite et élargit le conflit bien au-delà de l’opposition classique entre humains et Na’vi.
Un cinéma conçu pour la salle
En 2025, rares sont les films qui défendent avec autant de conviction la nécessité du grand écran. Avatar : De feu et de cendres est pensé comme une expérience sensorielle totale, où chaque plan et chaque effet sonore prennent leur pleine mesure dans l’obscurité d’une salle de cinéma.
La 3D, souvent galvaudée ces dernières années, retrouve ici une véritable justification artistique. Cameron en fait un outil d’immersion, soutenu par un travail sonore d’une précision remarquable. Les paysages de Pandora, les scènes de combat et les moments contemplatifs s’enchaînent avec une maîtrise technique indiscutable.
Le film s’impose ainsi comme un spectacle au sens classique du terme : une œuvre qui enveloppe, submerge et impose son rythme.
Un scénario solide, mais saturé de clichés
Entouré de Rick Jaffa, Amanda Silver, Josh Friedman et Shane Salerno, James Cameron livre un scénario structuré et lisible. L’univers gagne en densité, mais l’écriture repose de plus en plus sur des schémas narratifs éprouvés.
Le deuil, la vengeance, la perte de foi et la quête de rédemption sont abordés de manière souvent démonstrative. Les dialogues appuient lourdement les intentions émotionnelles, et certaines scènes basculent dans un pathos appuyé, multipliant les effets musicaux et les situations conçues pour provoquer l’émotion.
Cette surenchère affaiblit parfois l’impact dramatique. Là où l’image et le jeu des acteurs pourraient suffire, le film choisit d’expliquer et de souligner, donnant l’impression d’un récit qui ne fait pas pleinement confiance à son spectateur.
L’ensemble reste cohérent et efficace, mais rarement surprenant. De feu et de cendres avance sur des rails solidement posés, sans chercher à les quitter.
Répétitions et déséquilibres persistants
Les séquences d’action, impeccablement chorégraphiées, rappellent néanmoins celles du film précédent par leur structure. Le conflit central entre humains et Na’vi peine à se renouveler pleinement, malgré quelques variations de contexte.
Le personnage de Spider cristallise ces limites. Très présent, il fonctionne souvent davantage comme un ressort narratif que comme une figure pleinement incarnée, au risque de lasser une partie du public.
Varang et la force des interprètes
L’introduction de Varang constitue l’un des apports les plus marquants du film. Oona Chaplin lui confère une intensité et une menace réelles, offrant à la saga une antagoniste crédible et mémorable.
Zoe Saldaña continue d’habiter Neytiri avec puissance, tandis que Sam Worthington donne à Jake Sully une gravité plus mûre. Malgré l’emphase de certains dialogues, leurs scènes communes comptent parmi les moments les plus convaincants de l’œuvre.
Un souffle intact, malgré la prudence
Avatar : De feu et de cendres ne provoque pas la rupture du premier film, ni l’élan spectaculaire de La Voie de l’eau. Il s’impose néanmoins comme un jalon solide d’une saga toujours ambitieuse.
Si l’écriture semble désormais plus frileuse, James Cameron démontre une fois encore qu’il demeure l’un des rares cinéastes capables de concevoir un spectacle d’une telle ampleur. Un film à voir en salle, pour ce qu’il révèle encore du pouvoir du cinéma.
-Herpai Gergely « BadSector »-
Avatar: De Feu et de Cendres
Direction - 7.2
Acteurs - 6.4
Histoire - 5.5
Visuels/Musique/Sons - 9.2
Ambiance - 7.4
7.1
BON
Avatar: De feu et de cendres est une suite visuellement renversante qui mise avant tout sur le spectacle plutôt que sur l’audace narrative. Son récit reste cohérent, mais s’appuie souvent sur des conventions bien connues, des passages mélodramatiques et des dialogues explicites. Une expérience incontournable au cinéma, même si son écriture ne marque plus autant que par le passé.



