CRITIQUE RÉTRO FILM – De nombreux films policiers des années 1980 n’étaient guère plus qu’un mélange de poursuites, de violence, de psychologie de comptoir et de stéréotypes de personnages larges. La Corde raide intègre certainement ces éléments, mais il ajoute bien plus, évoquant les grands films policiers des années 1940, où le héros luttait autant avec sa conscience qu’avec le criminel. Écrit et réalisé par Richard Tuggle, produit par Clint Eastwood, qui joue également le rôle principal, le film a été produit par la Malpaso Company et distribué par Warner Brothers en 1984. Aujourd’hui, La Corde raide célèbre son 40e anniversaire.
Dans le film, Clint Eastwood incarne Wes Block, un détective de la brigade criminelle de La Nouvelle-Orléans, bien loin de son emblématique Dirty Harry Callahan. Block est un flic imparfait mais dévoué, récemment séparé de sa femme, vivant avec ses deux jeunes filles et plusieurs chiens. Il a une particularité étrange : il aime avoir des relations intimes avec des femmes lorsqu’elles sont menottées. Le film suggère que cela pourrait découler de peurs profondes des femmes. Block est bien connu des prostituées les plus audacieuses du Quartier Français, mais ses supérieurs ignorent ce fait lorsqu’ils lui confient une affaire très médiatisée : un fou étrangleur, probablement un ancien flic, assassine des prostituées dans le Quartier. Block fait face à un dilemme unique : il ne peut pas facilement entrer dans ce monde en tant que détective après l’avoir fréquenté en tant que client. De plus, ses anciennes pulsions refont surface lorsqu’il replonge dans cet univers sombre.
Menottes et conscience
Le travail de la police dans La Corde raide suit les schémas habituels : interrogatoires de suspects, paperasse, et les scènes obligatoires où ses supérieurs le réprimandent pour ne pas progresser suffisamment dans l’enquête. Ce qui élève La Corde raide au-dessus des films policiers moyens, ce sont les interactions entre Eastwood et les femmes dans sa vie. Certaines sont des prostituées ; d’autres sont des victimes. L’une d’elles, jouée par Geneviève Bujold, est une féministe qui enseigne des cours d’autodéfense pour les femmes. Block a toujours été attiré par les femmes voyantes, flamboyantes, comme les prostituées les plus excentriques du Quartier. Nous ne savons jamais pourquoi sa femme l’a quitté, et aucun indice n’est donné sur elle, mais il est clair que le personnage de Bujold n’est pas son genre. Elle est dans la trentaine, ne se maquille pas, porte souvent des sweats, et n’est pas facilement impressionnée par les flics. Pourtant, malgré cela, une amitié commence à se former.
Cette relation sert de contrepoint à l’enquête de Block, alors qu’il plonge plus profondément dans le monde souterrain du crime, et que de plus en plus d’indices laissent entrevoir la possibilité inquiétante qu’il puisse être lui-même un suspect. Il est intriguant que le film présente à Eastwood deux défis : résoudre les meurtres et trouver une issue à ses propres compulsions pour atteindre un état émotionnel où il peut faire confiance à une femme forte.
La Corde raide pourrait séduire les fans de Dirty Harry en raison de son mélange de sexe et de violence. Cependant, il est bien plus ambitieux que les films de Harry, et la relation entre Eastwood et Bujold est plus captivante que la plupart des relations homme-femme récentes au cinéma, pour trois raisons : (1) Il y a un enjeu pour les deux parties ; (2) c’est un processus d’apprentissage, où le personnage d’Eastwood doit changer ; (3) cela se concrétise de manière dramatique à la fin, lorsque leur relation en développement se lie au climax de l’enquête. Il est inhabituel pour une grande star masculine de figurer dans un film policier commercial où l’intrigue repose sur sa capacité à accepter et respecter une femme. Outre tous les autres aspects louables de La Corde raide, je l’admire pour avoir pris de tels risques ; Clint Eastwood aurait pu facilement continuer à faire des films de Dirty Harry, mais il a choisi d’évoluer et d’expérimenter, ce qui en fait l’un des géants du box-office les plus intéressants.
Enquête et romance dans l’ombre du quartier Français
L’un des aspects les plus agréables du film est son cadre à La Nouvelle-Orléans. Cela confère au film une atmosphère distincte, capturant l’essence de la culture cajun aux côtés des aspects plus sordides de la ville. Le scénario fait un excellent travail en illustrant à quel point l’environnement est bruyant et bondé, ajoutant une saveur unique à la narration. Bravo au directeur de la photographie Bruce Surtees pour avoir si bien transposé cela à l’écran.
Le film oscille entre un slasher gore et un thriller policier. Bien qu’il ne s’arrête pas vraiment sur un genre, cela ne nuit pas à l’histoire. Clint Eastwood et Geneviève Bujold partagent une forte alchimie à l’écran. Bujold joue une femme qui veut vraiment aider les victimes, et la force et la sincérité de son personnage transparaissent. Eastwood, quant à lui, incarne avec conviction la frustration de Block à ne pas pouvoir attraper le tueur tout en trouvant un certain plaisir sombre dans le mode de vie sordide du Quartier Français. Sa performance correspond parfaitement au ton du film.
Bon père, flic tourmenté
Un autre élément que j’ai apprécié dans le film est la manière dont il dépeint Block comme un père attentionné. D’habitude, les détectives dans ce genre de thrillers sont dépeints comme des parents distants qui privilégient leur travail au détriment de leur famille. Dans La Corde raide, cependant, Block est montré comme un père dévoué qui tient profondément à ses filles, et celles-ci l’aiment en retour. Ce changement de portrait rend le film plus attachant, surtout pendant les moments de tension.
C’est l’un des deux films réalisés par Richard Tuggle. C’est dommage qu’il n’en ait pas réalisé davantage. Oui, le film a quelques problèmes de rythme et de petites imperfections, mais je pense qu’il a fait un travail solide en tant que réalisateur. Lui et Eastwood ont bien travaillé ensemble pour donner vie au produit final. Il aurait été intéressant de voir comment sa carrière aurait pu évoluer.
Serrer la Corde pour le Flic et le Tueur
Dans l’ensemble, La Corde raide est un thriller captivant qui vous tient en haleine. Vous êtes accroché alors qu’Eastwood traque un tueur bien plus proche que notre protagoniste ne pourrait jamais l’imaginer. Ce n’est pas parfait, et le style quelque peu archaïque des années 1980 laisse sa marque, mais pour les fans du vénérable Clint (qui avait déjà 54 ans à l’époque), c’est un thriller essentiel – et aujourd’hui moins connu – qui mérite d’être redécouvert.
-Herpai Gergely „BadSector”-
La Corde raide
Direction - 7.4
Acteurs - 7.6
Histoire - 7.2
Visuels/Musique/Sons/Action - 6.8
Ambiance - 7.4
7.3
BON
La Corde raide est un thriller prenant qui captive par son atmosphère tendue et ses personnages complexes. C'est un incontournable pour les fans de Clint Eastwood, en particulier ceux désireux de voir l'acteur relever de nouveaux défis en expérimentant en dehors de son genre habituel.