Juré n°2 – Clint Eastwood, toujours au sommet à 94 ans

CRITIQUE DE FILM – Juré n°2, un thriller judiciaire classique en tous points, parvient à maintenir une tension captivante malgré ses rebondissements improbables. Clint Eastwood, à 94 ans, prouve une fois de plus qu’il maîtrise encore l’art de la mise en scène. Ce dernier film du légendaire acteur devenu réalisateur est disponible sur MAX, où nous avons pu le découvrir.

 

Pour sa 40e réalisation, Eastwood propose un mélodrame judiciaire unique qui explore la fragilité de la justice, les limites du système juridique et la question éthique de savoir quand il devient nécessaire de prendre les choses en main. Au cœur de l’intrigue se trouve Justin Kemp (Nicholas Hoult), un homme ordinaire qui se retrouve juré dans un procès pour meurtre avant de découvrir qu’il pourrait être directement impliqué dans l’affaire.

Imprévisible jusqu’à la dernière minute, Juré n°2 maintient l’attention du spectateur grâce au style épuré et sans fioritures propre à Eastwood. Sa narration simple mais percutante s’adresse autant aux amateurs de drames judiciaires qu’à ceux intéressés par des dilemmes moraux profonds et complexes.

 

 

À l’aveugle sur le chemin de la justice

 

Dans la banlieue paisible de Géorgie, Justin Kemp (Nicholas Hoult) et sa femme Ally (Zoey Deutch) attendent avec impatience la naissance de leur premier enfant. Pour surprendre Ally, Justin dévoile une chambre de bébé récemment aménagée, les yeux bandés pour maximiser l’effet de surprise. Plus tard, un incident banal mais symbolique survient : Ally éteint accidentellement les lumières de la cuisine alors que Justin est encore en train de ranger. Ces moments apparemment insignifiants préfigurent subtilement les thèmes centraux du film : la tension entre perception et vérité, incarnée par la figure allégorique de la justice aveugle.

Alors qu’il se prépare à devenir père, Justin doit faire face à une nouvelle source d’anxiété : une convocation pour siéger comme juré dans une affaire de meurtre. Malgré ses efforts pour y échapper, il est finalement sélectionné parmi les 12 jurés chargés de décider du sort de James Sythe (Gabriel Basso), accusé d’avoir brutalement assassiné sa petite amie, Kendall Carter (Francesca Eastwood), après une violente dispute dans un bar par une nuit d’orage.

Faith Killebrew (Toni Collette), procureure, affirme que James, dans un accès de rage, a suivi Kendall dans la nuit, l’a agressée et a jeté son corps par-dessus un pont. Son cadavre a été retrouvé le lendemain par un randonneur. Faith construit méthodiquement son dossier, s’appuyant sur des témoignages et des preuves circonstancielles pour convaincre le jury de la culpabilité de James.

 

 

Entre ambition politique et dilemmes éthiques

 

Pour Faith Killebrew, ce procès ne se limite pas à une quête de justice : c’est une étape cruciale de sa campagne pour devenir procureure générale. Déterminée à obtenir une condamnation, elle ne recule devant rien pour prouver la culpabilité de James. En face, un avocat de la défense (Chris Messina), également un ami proche, croit fermement à l’innocence de James et suggère que les ambitions politiques de Faith pourraient influencer son jugement.

James plaide son innocence au tribunal, offrant une version des faits qui contredit les témoignages à charge, notamment celui d’un homme âgé qui affirme avoir vu James se tenir près du pont où le corps de Kendall a été retrouvé. Alors que les arguments de Faith semblent solides, le film révèle rapidement que James est innocent.

Pendant ce temps, Justin est hanté par ses propres souvenirs de cette nuit fatidique. En rentrant chez lui, il se souvient avoir heurté quelque chose – ou quelqu’un – avec sa voiture. À l’époque, il avait supposé qu’il s’agissait d’un animal, en particulier en voyant un panneau de signalisation pour passage de cerfs à proximité. Cependant, à mesure que le procès progresse, Justin commence à soupçonner qu’il a peut-être renversé Kendall.

Cette révélation bouleversante place Justin face à un dilemme moral et juridique. Doit-il se taire pour protéger sa liberté ou avouer et innocenter James ? La tension entre l’instinct de survie et le devoir moral constitue l’un des axes émotionnels les plus puissants du film.

 

 

Un casse-tête moral à la manière de 12 hommes en colère

 

La situation dans laquelle se trouve Justin semble tout droit sortie d’un scénario hollywoodien : Juré n°2 se transforme en une version sombre de 12 hommes en colère. Après avoir consulté un ami avocat (Kiefer Sutherland), qui l’avertit qu’une confession pourrait lui valoir une peine de 30 ans de prison, Justin commence à essayer de convaincre ses collègues jurés de l’innocence de James – tout en gardant son propre secret. Équilibrant précautionneusement ses responsabilités légales et morales, Justin se heurte d’abord à la résistance de jurés convaincus de la culpabilité de James.

Parmi ceux qu’il parvient à convaincre figure Harold (J.K. Simmons), un fleuriste à la retraite dont l’apparence banale cache une carrière passée dans la police. Harold commence à suspecter que James n’est pas le type de personne capable de commettre un meurtre, et un autre juré évoque même la possibilité que Kendall ait été victime d’un délit de fuite.

Le scénario de Jonathan Abrams est précis et efficace, parvenant presque à rendre plausible la situation de Justin. Bien que le comportement de ce dernier frôle parfois la naïveté, son dilemme moral crée une tension palpable. L’enquête officieuse de Harold éveille les soupçons de Faith, compliquant davantage la situation pour James. Pendant ce temps, Nicholas Hoult livre une performance remarquable, exprimant la lutte intérieure de Justin entre son désir de liberté, sa conscience morale et la culpabilité d’avoir potentiellement ruiné la vie d’un innocent.

 

 

L’adieu d’un maître ?

 

Clint Eastwood prouve une fois de plus que peu de réalisateurs peuvent rivaliser avec lui dans l’exploration des questions morales profondes. Évitant les mélodrames et les effets tapageurs, il s’appuie sur des performances sobres mais puissantes de son casting tout en maintenant un focus clair sur les enjeux éthiques et personnels de l’intrigue. La photographie d’Yves Bélanger et la musique de Mark Mancina apportent un cadre élégant mais discret à ce récit captivant.

Juré n°2 illustre avec brio la lutte éternelle entre égoïsme et altruisme, un pilier de toute institution démocratique. Eastwood, qui incarnait autrefois l’archetype du justicier solitaire dans ses films L’inspecteur Harry, a consacré une grande partie de sa carrière à examiner les impacts de la justice, de l’honneur et de la violence sur les individus et la société.

Pour Eastwood, le monde n’a jamais été aussi manichéen qu’il n’y paraît, comme il l’a démontré dans ses westerns révisionnistes des années 60 et 70. Si ce film marque la fin de sa carrière légendaire, il constitue un adieu digne : une œuvre d’élégance, d’intelligence et de complexité qui pose des questions profondes sans offrir de réponses simples.

-GergelyHerpai „BadSector”-

 

 

Juré n°2

Direction - 8.4
Acteurs - 8.2
Story - 8.1
Visuels/Musique/Sons - 7.8
Ambiance - 8.2

8.1

EXCELLENT

Avec Juré n°2, Clint Eastwood réaffirme son talent pour aborder les dilemmes humains au cinéma. Le film équilibre habilement les thèmes de la justice et de l’égoïsme, captivant les spectateurs avec une narration simple mais profondément réfléchie. Si cette œuvre s’avère être son dernier film, elle constitue une conclusion élégante et méritée à une carrière inégalée.

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BadSector is a seasoned journalist for more than twenty years. He communicates in English, Hungarian and French. He worked for several gaming magazines – including the Hungarian GameStar, where he worked 8 years as editor. (For our office address, email and phone number check out our impressum)