TEST – Sur le papier, le nouveau RPG de Fire & Frost et tinyBuild ressemble au fantasme secret de n’importe quel fan de Gothic : un monde ouvert low-fantasy, une exploration sans marqueurs, et un cartographe malchanceux dont la vie est mise en péril dès qu’il pose le pied sur l’île. En réalité, Of Ash and Steel donne l’impression d’un proto-euro-jank de 2002 recraché sur nos PC modernes, en espérant que la nostalgie suffirait à masquer les coutures apparentes. À chaque fois que le jeu laisse entrevoir ce qu’il pourrait être – un RPG rétro sombre et atmosphérique –, une nouvelle panne, un énième freeze ou une idée de gameplay absolument aberrante vient écraser l’illusion.
Of Ash and Steel se présente comme un action-RPG en vue à la troisième personne, inspiré des classiques du début des années 2000 et agrémenté de mécaniques de survie. Vous débarquez sur Greyshaft, une île techniquement rattachée au Kingdom of the Seven, mais qui ressemble surtout à une frontière oubliée où la loi ne s’étend jamais plus loin que la pointe d’une lame. L’intention est limpide : pas de marqueurs de quête, pas de guidage constant, pas de didacticiels rassurants. Le monde est censé vous résister, et ce sont votre curiosité et votre obstination qui doivent tracer votre chemin.
Une philosophie séduisante, mais qui s’effondre dès qu’on joue. Les personnages manquent d’épaisseur, Tristan – votre héros involontaire – possède le charisme d’un petit pain mouillé, le monde manque d’identité visuelle et le rythme finit par se transformer en une corvée fatigante. Le tout est enveloppé dans un état technique si fragile qu’on se demande si l’on joue vraiment à une version finale, ou à un prototype égaré qui aurait accidentellement trouvé son chemin sur Steam et GOG.
Ambiance rétro, mannequins de cire et moteur au bord du collapse
Dès les premières minutes, le ton est donné. Des cinématiques trop longues, montées avec raideur, accompagnées d’une narration plate et générique, vous plongent immédiatement dans une série de quêtes FedEx sans âme dans un campement si oubliable que vous aurez du mal à vous en souvenir plus tard. Les personnages affichent une peau brillante façon cire, des yeux vitreux et des expressions figées qui trahissent l’absence totale de priorité donnée à l’animation.
Un style stylisé peut fonctionner. Ici, il n’y en a tout simplement pas. Les textures sont délavées, les environnements interchangeables, les équipements se ressemblent tous. Même pousser les réglages au maximum sur un PC costaud ne fait que mieux révéler les faiblesses. Les cheveux ressemblent à des filaments translucides, et l’éclairage ne parvient qu’exceptionnellement à créer quelque chose de réellement évocateur.
En mouvement, c’est pire. Les chutes de framerate sont constantes, les plongeons sous les 20 FPS fréquents, les micro-arrêts de sauvegarde brisent le rythme, et les temps de chargement peuvent durer des minutes. Même une RTX 4080 Super n’y change rien. Et ce n’est que la surface : jouer avec les menus ou les formats d’image peut rendre une partie de l’interface littéralement inaccessible, le curseur refusant d’atteindre le tiers droit de l’écran.
Tristan, héros-petit-pain et prologue interminable
Le récit n’améliore rien. Après de longues cinématiques hachées par des chargements incessants, le jeu tente d’expliquer les liens politiques entre Greyshaft et le Kingdom of the Seven. Le résultat évoque surtout un maître du jeu trop enthousiaste racontant son lore à une tablée qui n’attend qu’une chose : jouer. Tristan, cartographe de son état, débarque avec une poignée de chevaliers dans une terre où la dureté du quotidien dépasse encore celle de ses habitants.
Le premier camp – censé servir de hub – n’est qu’un marécage tutoriel ennuyeux. Quêtes sans relief, allers-retours insignifiants, rythme plombé. Tristan se fait assommer et laisser pour mort à deux reprises, traité davantage comme un figurant jetable que comme un protagoniste d’action-RPG. Le fermier qui vous ramasse dans la boue vous accable ensuite de nouvelles corvées qui allongent artificiellement un début déjà poussif.
En théorie, c’est la progression classique du héros faible qui finit par s’accomplir. Mais la lenteur est telle qu’il faut plus d’une heure avant d’avoir l’impression que l’histoire se met enfin en route. Tristan lui-même est désespérément inexpressif : aucun dialogue marquant, aucune réaction notable, aucune identité visuelle autre que celle d’un PNJ générique sorti d’un générateur aléatoire. Aucune alternative de personnage n’existe : vous êtes condamné à lui.
Pire encore, Tristan ne sait à peu près rien faire. Trop faible pour manier correctement une hache, maladroit avec un arc, incapable d’utiliser la majorité des armes. La progression est lente, laborieuse, et nécessite une combinaison de statistiques, d’or, de ressources et d’entraîneurs. Ce n’est pas du “hardcore” gratifiant, juste de la frustration maquillée.
Un système de combat qui lutte contre vous
Dès que vous quittez la ferme, le système de combat vous tombe dessus – et c’est là que les problèmes éclatent vraiment. Tristan se déplace comme s’il traversait de la boue avec des bottes en plomb : lent, lourd, vidé de son endurance après deux coups. Les bandits les plus basiques ressemblent à des éponges à PV tandis que vous vous débattez pour faire descendre leur barre de vie centimètre par centimètre.
La plupart des armes alternatives sont inutilisables au début, faute de statistiques suffisantes. Les styles avancés, capacités actives et techniques spéciales restent bloqués tant que vous n’avez pas trouvé le bon entraîneur, accompli sa mission pénible et payé le prix demandé. Sur le papier, ça évoque l’école Gothic. En pratique, cela casse le rythme au moment même où vous commencez à progresser.
Un exemple frappant : une quête principale vous confie à un chasseur qui propose de vous escorter vers la ville. Cela pourrait être un moment fort. C’est en fait une démonstration ambulante de tout ce qui ne va pas. Il ne fait que marcher. Lentement. Si vous l’accompagnez, vous piétinez. Si des ennemis attaquent, il les abat avant même que vous leviez le bras – vous privant de l’XP. Si vous allez trop vite, il s’arrête. Si vous restez derrière, vous vous ennuyez. Personne n’y gagne.
La porte de la ville, 300 pièces d’or et l’apogée du jank
Une fois la ville atteinte, vous découvrez que l’entrée principale coûte 300 pièces. Sans l’argent, il faut improviser. Des accès secondaires existent, mais exigent des statistiques que vous n’avez pas encore. Il reste donc les chemins tordus – comme longer les remparts depuis l’eau.
Le jeu semble indiquer que ce n’est pas une vraie entrée… mais il vous laisse suffisamment approcher pour que vous essayiez. Jusqu’à ce que le moteur abandonne tout simplement, vous propulsant à l’intérieur. Là, le jank se déchaîne. PNJ clonés vocalement, textes non traduits, animations qui bondissent de 10 à 60 FPS selon votre distance.
La ville paraît vide. Peu d’ambiance sonore, PNJ errants sans logique, scènes figées. Un forgeron flottant dans les airs, une échelle menant à une géométrie qui vous emprisonne, des boutiques où une simple réplique vend automatiquement des objets sans confirmation : le chaos total.
Un prêtre, un couteau et des systèmes en miettes
L’un des moments les plus absurdes survient lors d’une “expérience” dans un temple. Le tutoriel avait indiqué que le vol avait des conséquences. Alors que se passe-t-il si vous attaquez un PNJ majeur dans son propre sanctuaire ? Une longue rixe mal scriptée s’enclenche, les fidèles formant un cercle autour de vous – passifs, presque curieux.
Un garde finit par arriver. On s’attend à ce qu’il mette fin au combat. Il observe. Rien d’autre. Puis, lorsque vous tuez enfin le prêtre et saisissez son couteau – la première arme réellement adaptée à vos stats –, le même garde vous accuse subitement de vol. Spectateur un instant, procureur l’instant d’après. Rien ne fonctionne ensemble : ce n’est pas de la simulation émergente, mais des scripts qui ne se parlent pas.
Et c’est ça, le cœur du drame. Of Ash and Steel transpire la passion d’une petite équipe rêvant d’un RPG où vos choix ont un poids, où les factions réagissent, où tout se tisse logiquement. Le jeu promet que chaque action compte, mais peine parfois à reconnaître celui que vous avez frappé trente secondes plus tôt.
Un beau rêve sous les cendres
Ce qui rend le tout encore plus amer, c’est qu’on ressent les bonnes intentions. Les développeurs voulaient un RPG old-school, low-fantasy, sans HUD envahissant, basé sur la curiosité et la liberté. Par moments, cela transparaît : un bois brumeux, la silhouette d’une forteresse au loin, une piste musicale bien placée.
Mais l’état actuel ne suit pas. Bugs, performances en berne, combat pénible, héros insipide, quêtes sans relief : autant de murs entre le joueur et l’expérience rêvée. Peut-être qu’avec de la patience, un bon PC et des attentes modestes, certains y trouveront une lueur d’intérêt. Moi, non. Après l’épisode du prêtre, j’ai quitté le jeu – accueilli par le même écran “wishlist the full version” que la démo… sauf que cette fois, c’était la version finale.
-Gergely Herpai BadSector-
Pro :
+ Un véritable hommage aux RPG Gothic-like du début des années 2000
+ Une exploration sans marqueurs au concept séduisant
+ Quelques moments d’ambiance low-fantasy réussis, avec une bonne interprétation vocale
Contre :
– Un état technique catastrophique, rempli de bugs bloquants
– Un système de combat lent, ingrat, et un héros exceptionnellement fade
– Un monde et des quêtes trop génériques, portés par des systèmes incohérents
Développeur : Fire & Frost
Éditeur : tinyBuild Games
Genre : Action-RPG, monde ouvert, low-fantasy
Date de sortie : 24 novembre 2025
Of Ash and Steel
Jouabilité - 3.6
Graphismes - 4.2
Histoire - 4.1
Musique/Audio - 4.2
Ambiance - 3.4
3.9
FAIBLE
Of Ash and Steel est un action-RPG old-school ambitieux, mais enseveli sous une montagne de bugs, de systèmes disjoints et d’un héros dénué d’intérêt. Son exploration sans marqueurs, son ambiance low-fantasy et son monde impitoyable laissent parfois entrevoir un excellent jeu. Mais son état actuel le réserve surtout aux amateurs de jank endurcis, capables de supporter des heures d’agacement pour quelques instants de grâce.








