ARC Raiders – Une mission de sauvetage commerciale?

TEST – Les extraction shooters ont fait parler d’eux il y a presque dix ans, via un mode du premier The Division. Depuis, le concept « loot and scoot » a pris de l’ampleur et plusieurs titres connus se sont bâtis sur cette idée en apparence simple – pensez à Hunt: Showdown de Crytek ou à Escape From Tarkov, qui arrive enfin sur Steam après de longues années. Si d’autres exemples vous échappent, ce n’est pas un hasard : jusqu’ici, ces jeux n’ont tenté – ou réussi – qu’à toucher un public assez restreint. Ainsi, malgré deux références notoires, la niche paraît déjà saturée. Avec ARC Raiders, Embark Studios – l’équipe derrière le très inégal The Finals – affiche clairement une autre ambition : démocratiser le genre et l’amener vers le grand public. Voyons ce qui a réellement pris.

 

ARC Raiders a été annoncé initialement aux Game Awards 2021 avec une bande-annonce de gameplay impressionnante, sans la moindre trace de PvP ni d’éléments d’extraction : le studio développait alors un looter-shooter tout ce qu’il y a de plus classique. Malgré tout, son esthétique dite de « cassette futurism » avait déjà attiré l’œil de nombreux joueurs. Le projet a ensuite changé de cap – avec à la clé près de deux ans de retard – car, selon les développeurs, il devenait tout simplement ennuyeux et réclamait quelque chose pour redonner des couleurs à une boucle qui s’aplatissait trop vite. D’où la décision d’étendre l’ossature PvE vers le PvP. Cette trajectoire explique aussi pourquoi le nouveau jeu d’Embark a gagné en visibilité et en popularité dès les tests serveurs d’avant-lancement.

 

 

Sous la surface

 

C’est assez simple : quand Hunt met en avant le passé et un enrobage fantasy, et que Tarkov se concentre sur un réalisme militariste contemporain, ARC Raiders occupe le troisième sommet du triangle avec son approche science-fiction à base de robots. Sa principale différence ne tient pourtant pas qu’à cela, mais aussi à des traits hérités de son ancienne identité de looter-shooter. D’abord, les zones explorables sont plus crédibles et ressemblent à de vrais lieux plutôt qu’à des arènes multijoueur parsemées de butin – qu’il s’agisse d’une ville de gratte-ciel à moitié ensevelis sous le sable ou d’une station spatiale abandonnée, vestige des ambitions passées de l’humanité. C’est l’un des ingrédients de la formule. L’autre, c’est que les ennemis mécaniques représentent souvent un danger au moins aussi grand – parfois plus grand – que les autres joueurs, surtout si l’on s’aventure hors de l’abri souterrain avec l’équipement de départ.

Speranza, la cité souterraine qui relie les zones explorables, est le dernier refuge de l’humanité après l’effondrement environnemental de la surface, le changement climatique et la menace des machines ARC retournées contre leurs créateurs. L’abri joue un rôle narratif – fait rare dans le genre – puisqu’on y accepte et valide les missions, et qu’on y visionne de brèves cinématiques offrant un aperçu un peu plus profond du monde. Au-delà, Speranza est le nœud central de la progression : on y interagit avec divers marchands, on y développe l’arbre de compétences, on gère et agrandit son inventaire, on fabrique armes et équipements, et on construit ou améliore des ateliers dédiés. Il y a même une poule qui nous récompensera de ressources grattées après chaque sortie, histoire d’avoir quelque chose à ramener même quand on rentre bredouille de la surface.

 

 

Il vaut la peine de s’attarder un peu sur ces systèmes avant de remonter. L’arbre de compétences se divise en trois grandes branches : condition générale, mobilité et survie. Étant donné qu’il devrait constituer un moteur de motivation, il paraît plutôt minimaliste. Les branches de gauche et du milieu sont presque entièrement remplies de nœuds quasi inutiles – hormis des basiques comme davantage d’endurance ou une pénalité de mouvement réduite avec un bouclier – et, dans les faits, seule la branche survie mérite vraiment qu’on y investisse. On y débloque de nouvelles fonctions – par exemple la fabrication en surface – on y augmente la charge transportable et on y améliore la quantité potentielle de butin trouvée. Pire encore, le jeu ne fournit pas d’informations précises sur l’ampleur des bonus de compétences : on peut donc ruiner son personnage sur le long terme, les respecs étant liés aux remises à zéro bimensuelles des serveurs.

La gestion d’inventaire et la lisibilité générale des menus appellent, elles aussi, des critiques. En dépit des fusillades et du pillage en surface, une large part du temps de jeu se passe dans les sous-menus de l’abri. Dommage, alors, que – fidèle à une certaine « tradition » des looter-shooters – le clinquant du design passe avant la fonctionnalité et l’ergonomie. Le jeu guide peu sur la catégorisation des objets, si bien qu’on démonte facilement un composant qui aurait pu servir tel quel à fabriquer une arme de rang supérieur. Impossible également de filtrer par type de matériaux récupérables – composants mécaniques, câbles, etc. – ce qui oblige à parcourir chaque objet un par un dès qu’il nous faut quelque chose. Pour couronner le tout, l’espace d’inventaire à la base est extrêmement limité. On peut l’agrandir avec la monnaie du jeu, mais seulement jusqu’à 280 emplacements – terriblement peu, même pour les débutants.

Cela dit, le temps passé à Speranza a aussi ses satisfactions : mettre son butin à l’abri, construire ou améliorer des ateliers (médical, scientifique, armement, etc.), et débloquer l’accès à du matériel plus sérieux. En revanche, les missions disponibles se résument au triptyque classique – va là-bas, élimine ceci, récupère cela – et les dialogues associés comme les rares vidéos servent surtout de liant. N’attendez pas un grand récit. Ce à quoi on peut s’attendre, en revanche, c’est à une expérience sensiblement différente selon qu’on foule la surface post-apocalyptique seul ou épaulé par d’autres. Dans tous les cas, on ne pourra pas éviter les joueurs adverses. Heureusement, on peut entrer avec un « free loadout » – un équipement gratuit de base – pour ne pas risquer le matériel chèrement acquis, au lieu de partir désarmé.

 

 

Au-dessus de la surface

 

Une fois dehors, un compte à rebours de 30 minutes démarre. C’est le temps dont on dispose pour remplir son sac à dos sur l’une des quatre cartes actuellement disponibles – Dam Battlegrounds, Buried City, Spaceport et Blue Gate – et idéalement s’extraire en sécurité avant l’averse de roquettes qui clôt la manche. Si la plupart des opposants sont les machines ARC terrestres et aériennes – capables de suivre nos déplacements avec une adresse inquiétante – on croise souvent des joueurs hostiles. Grâce au chat de proximité, des alliances temporaires ne sont pas exclues – pour se rassurer ou faire tomber un robot géant – mais, globalement, en équipes de trois, la plupart des rencontres tournent à l’échange de balles. Ironie du sort, le solo – où, sur le papier, on est le plus vulnérable – devient l’option la plus sûre, chacun protégeant tellement son butin qu’on aborde autrui avec courtoisie afin d’éviter la confrontation et la perte de loot.

Chaque approche a ses atouts. La coop à trois est plus dangereuse mais aussi plus prévisible, compte tenu de l’agressivité générale des autres, et les ARCs y inquiètent moins. En solo, on n’est jamais sûr à 100 % des intentions d’autrui, et les ARCs représentent une menace bien plus grande : on peut finir au sol très vite, sans coéquipier pour aider. Les développeurs y ont pensé : si l’on ne peut pas se relever seul, on peut tout de même s’extraire avant l’hémorragie, à condition d’avoir appelé un ascenseur à temps. Beaucoup des moments les plus mémorables se jouent d’ailleurs là – par exemple lorsque trois escouades s’éliminent mutuellement, puis abandonnent la bagarre pour filer toutes ensemble vers la sécurité de l’abri.

 

 

Le plaisir que l’on tirera de la fouille, des escarmouches et des risques afférents dépend du tempérament. La vue à la troisième personne, l’option d’équipement gratuit et la possibilité de s’extraire même à terre sont autant de réglages qui rendent ARC Raiders plus abordable que ses pairs. Cela reste toutefois un extraction shooter, où une seule mauvaise décision – ou un événement externe – peut faire reculer la progression de plusieurs heures. Certains recherchent précisément ce pic d’adrénaline, et il est vrai que sans composante PvP l’expérience paraîtrait fade. La procédure de pillage peut sembler glaciale – surtout quand on traque un objet depuis des heures – et, si les ARCs sont réussis, leur variété reste assez limitée.

Sous un angle, ARC Raiders est donc un looter-shooter monotone sur la durée, qui tente de masquer – ou d’épicer – cette monotonie par un PvP usant, un peu greffé, ralentissant encore une progression déjà posée quand on se lasse d’ébrécher des carapaces de robots. Sous un autre angle, le nouveau jeu d’Embark est un manège d’excitation sans fin qui, à l’image du jeu d’argent ou des roguelites, sait surprendre en continu – assez pour happer et faire oublier chaque instant perçu comme injuste. Pour ma part, selon l’humeur, je me suis retrouvé des deux côtés de la médaille. À noter que les créateurs n’excluent pas d’ouvrir les cartes à d’autres formes et modes plus tard – ce qui trancherait la question de savoir si un mode 100 % PvE serait vraiment aussi monotone que le studio l’a jadis laissé entendre.

Pour finir, ARC Raiders tourne sous le fameux Unreal Engine 5, qui gâche depuis des années le quotidien des joueurs PC – et souvent console – par son manque d’optimisation, ses saccades habituelles et divers écueils visuels. Malgré cela, le jeu file sur ma machine avec un framerate moyen élevé et sans pics de frametime visibles – vraisemblablement parce que le moteur a été fortement personnalisé ici, alors que beaucoup d’équipes l’utilisent aujourd’hui presque en « plug-and-play », sans réglages spécifiques, laissant aux joueurs le soin d’en subir les conséquences. Les problèmes habituels demeurent toutefois : par exemple, la végétation basse exhibe un halo fantomatique violent avec le DLSS, et il est inquiétant que les réglages Faible fassent quasiment disparaître les buissons – un avantage compétitif énorme sur PC face aux joueurs console quand le cross-play est activé.

 

 

Conclusion

 

ARC Raiders franchit des étapes assurées pour rendre le genre extraction shooter agréable au plus grand nombre, et les premiers chiffres de joueurs sur Steam peuvent même laisser penser qu’il a réussi. Malgré ces chiffres et l’opinion populaire, je maintiens que l’ADN du genre – son principe même – est si antinomique avec le goût du grand public qu’il est impossible de le rendre largement digeste sans en ôter l’essence. C’est pourquoi je pense également que le nombre de joueurs chutera nettement une fois passée la lune de miel des débuts. On l’a vu avec Battlefield 6 : un engouement massif, un lancement tonitruant, puis une léthargie profonde et une avalanche d’avis négatifs. Bien sûr, la popularité potentielle n’a rien à voir avec la qualité : la vraie question est donc de savoir si Arc Raiders est un bon jeu. Dans ses meilleurs moments, il offre des instants d’adrénaline quasi cinématographiques et à se ronger les ongles. Mais, dans la plupart des parties, il n’est guère plus qu’un passe-temps un brin au-dessus de la moyenne – au fond, un aspirateur à temps. Ce n’est pas forcément un reproche propre à ARC Raiders, mais une critique plus large des jeux multijoueurs dès lors qu’on tente de les considérer non comme de simples produits, mais comme des œuvres.

-DaemonX-

Pro :

+ Direction artistique marquante et optimisation UE5 solide
+ Croiser d’autres joueurs reste tendu et excitant de bout en bout
+ La boucle « loot and scoot » demeure engageante sur la durée

Contre :

− Menus pauvres en fonctions et peu lisibles
− Arbre de compétences mal pensé ; pas de respec libre
− Progression lente ; monotone sans PvP, parfois frustrant avec


Développeur : Embark Studios
Éditeur : Embark Studios
Genre : Extraction shooter
Date de sortie : 30 octobre 2025

ARC Raiders

Jouabilité - 6.2
Graphismes - 7.8
Univers - 7.3
Musique/Audio - 7.8
Ambiance - 7

7.2

BON

ARC Raiders est un extraction shooter saisissant et tendu, conçu pour toucher un public plus large grâce à une approche plus accessible. Ses points forts incluent un état technique soigné, un univers atmosphérique et des moments d’adrénaline nés des confrontations PvP–PvE, tandis qu’un système de menus lourd, un arbre de compétences sous-exploité et une progression lente mettront la patience de nombreux joueurs à l’épreuve. Il s’adresse surtout à ceux qui apprécient le gameplay fondé sur le risque–récompense et qui acceptent qu’une seule manche puisse influer sur le résultat de plusieurs heures de progression.

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