TEST – Ghost of Yotei n’est pas une simple suite : c’est un nouveau chapitre d’une lutte ensanglantée entre vengeance et honneur. Cinq ans après Ghost of Tsushima, Sucker Punch nous ramène dans le grand Nord japonais, là où les légendes respirent, où la neige se teinte de rouge, et où une chasseuse de primes solitaire, Atsu, affronte les fantômes de son passé. Un voyage méticuleusement mis en scène, d’une beauté brutale, sur la ligne de crête entre mort et rédemption.
Sur les terres reculées d’Ezo, au nord du Japon, on murmure l’existence d’un esprit vengeur qui n’épargne pas les innocents, mais frappe les caïds les plus redoutés de la région. On raconte qu’il y a seize ans, une famille entière s’est évanouie en une nuit ; mythe et réalité se rejoignent ici : c’est l’histoire d’origine d’Atsu. L’héroïne a juré de ne pas rengainer sa lame avant que chaque membre des Six de Yotei ait payé pour le massacre.
Quand le passé s’accroche : sang et ombre sur la route du cœur du Japon
Le récit de vengeance n’a rien de nouveau en soi, mais Ghost of Yotei happe dès les premières minutes par une signature audiovisuelle affirmée. L’ouverture déclenche immédiatement la mécanique : montage nerveux, pulsation musicale, compositions amples — l’atmosphère se met en place et fixe d’emblée la barre haut. Au début, on croit voir naître une aventure majeure ; plus tard, l’histoire s’appuie sur des ressorts familiers et l’ultime acte n’assène pas de grande surprise. Malgré tout, le rythme tient, porté par le modelage des personnages, les conséquences des conflits et quelques virages bien sentis. Combat, infiltration et courtes séquences d’éclaireur/enquête alternent avec davantage d’équilibre, ce qui profite au tempo général.
Le pays du Soleil-Levant rarement aussi somptueux
Yotei ne cherche pas un photoréalisme brut : palette saturée, effets de particules denses, éclairages millimétrés — il compose des images plus poétiques. La caméra use souvent de bandes cinématographiques et de forts contrastes ; à cheval, les espaces s’ouvrent et le paysage « respire ». Techniquement, Tsushima paraissait souvent plus stable, mais ici le travail du micro-détail se révèle plus délicat : l’ondulation de l’herbe, la brume qui stagne dans les vallées, l’ombre qui accroche le bord d’un masque — tout sert la dramaturgie. La direction visuelle de la campagne principale s’en ressent : plus cohérente, plus intentionnelle.
Cette ronin peut (presque) tout faire…
L’exploration mise sur la lecture du monde plus que sur une tempête d’icônes : la carte est épurée, et ce que l’on voit ou entend in situ — traces au bord du chemin, fumée à l’horizon, remarques lâchées par les locaux — met en mouvement. Qui veut vagabonder quitte le sentier par curiosité, pas parce qu’une icône l’ordonne. Les indications des villageois livrent tantôt une direction précise, tantôt des rumeurs — une ambiguïté qui sied bien au rythme. L’objectif principal reste épinglé, mais le contenu annexe émerge organiquement : contrats, rencontres fortuites, quêtes ancrées dans la légende et — pour la première fois dans la série — une filière premium de chasse à primes qui donne une identité propre aux activités secondaires.
Les scènes de mémoire narrative n’accompagnent pas toute la durée ; lorsqu’elles s’effacent, on peut regretter ce contrepoint intime. Les quêtes secondaires gagnent en variété structurelle, même si la mise en scène demeure souvent conservatrice. Avec le temps, certains classiques deviennent routiniers — nettoyage d’avant-postes et escalades verticales peuvent lasser dans la seconde moitié —, mais les concepteurs bousculent parfois les attentes (tous les animaux guides ne mènent pas à la même récompense), ce qui évite les vrais temps morts.
Sortez le katana ! (et bien d’autres choses…)
Atsu n’est pas samouraï mais chasseuse de primes — son arsenal de mouvements s’en ressent. À la katana de base s’ajoutent des lames jumelles, le yari à long manche, la kusarigama (faux à chaîne) et l’odachi, katana géant. Les trois derniers ne sont pas obligatoires, mais ce serait dommage de s’en priver : chacun impose une lecture du combat différente et s’apprend auprès de maîtres dédiés, insufflant de l’air frais dans la progression. Les forces/faiblesses des armes face aux types d’ennemis se lisent clairement ; en mêlée, on alterne sans cesse pour garder l’avantage. La jauge « Spirit » revient, alimente les techniques spéciales et permet une gestion avisée de la santé — un trait de saké bien placé peut même relancer l’élan au cœur de l’échauffourée. Duels, défis et exécutions d’un seul geste répondent aussi à l’appel.
Parfois, le chaos s’invite…
Le combat reste la marque de Sucker Punch : tranchant, calé sur le timing, et qui récompense la bonne lecture. Quand trop d’adversaires se referment, la mêlée peut se disloquer — la caméra progresse mais ne maintient pas toujours un cadre parfaitement lisible. Les phases d’infiltration n’ont pas été repensées en profondeur ; elles fonctionnent, sans réelle révolution. Quelques nouveautés font toutefois du bien : armes d’opportunité à saisir et lancer, système de désarmement réciproque, et désormais des armes à feu pour rythmer autrement (le mousquet à dégainer vite s’avère étonnamment pratique).
Le loup aperçu dans les bandes-annonces n’est pas un compagnon permanent. D’abord, il surgit par touches ; plus tard, on peut l’apprivoiser et l’invoquer avant un affrontement. Il dispose même de son propre arbre de compétences, qui progresse à mesure que l’on libère des tanières — une nouvelle forme d’exploration à la clé. Efficace pour briser la foule, il joue surtout un rôle symbolique : reflet du trajet d’Atsu, solitaire mais capable d’apprendre la confiance.
La nouvelle sensation PS5 ?
Ghost of Yotei sait tracer des panoramas qui imposent : grande distance d’affichage, direction artistique homogène, effets météo qui posent l’humeur. De près, quelques coutures apparaissent : qualité inégale de certains modèles PNJ/animaux, intérieurs un peu plats lorsque la lumière se fait moins dramatique. Globalement, on perçoit toutefois un vrai palier : cinématiques plus « ciné », visages plus expressifs, monde plus cohérent.
Sur PS5 « Fat », trois modes d’affichage : Quality (30 FPS), Ray Tracing (30 FPS avec éclairage renforcé) et Performance (60 FPS). Sur PS5 Pro, le Ray Tracing Pro offre un meilleur éclairage et plus de détail à 60 FPS — l’option la plus flatteuse. Même sur PS5 standard, la tenue reste stable et sûre.
La version finale embarque encore quelques accrocs techniques : intitulé de quête qui persiste après validation, PNJ requis qui ne répond pas, et dans la région centrale, des bandes noires « ciné » finissent par disparaître sans option dédiée — de quoi gêner certains. On note aussi des chevauchements d’armure au travers des capes, un bug graphique bien connu qui refait surface ici.
Suite prometteuse ou classique immédiat ?
Ghost of Yotei ne renverse pas tous les piliers posés par son aîné, mais demeure un action-aventure ample et sûr de lui : monde propice à l’exploration organique, paysages qui marquent, système de combat riche et satisfaisant. Sucker Punch progresse clairement dans l’architecture des espaces ouverts, et la région centrale alimente encore des dizaines d’heures en stimuli. Au-delà des 50 heures, on tombe toujours sur des surprises et des rencontres fortuites. Si vous cherchez une valeur sûre sur PS5, Ghost of Yotei mérite sa place sur la short-list.
-Gergely Herpai « BadSector »-
Avantages :
+ Vues grandioses et panoramas mémorables
+ Système de combat dynamique, profond et varié
+ Un monde vivant et organique, riche en découvertes
Inconvénients :
– Quêtes annexes qui finissent par se répéter
– Petits problèmes techniques et bugs ponctuels
– Infiltration sans véritable évolution
Développeur : Sucker Punch Productions
Éditeur : Sony Interactive Entertainment
Genre : Action-aventure
Date de sortie : 2 octobre 2025
Ghost of Yotei
Jouabilité - 8.8
Graphismes - 9.5
Histoire - 8.3
Musique/Audio - 8
Ambiance - 8.9
8.7
EXCELLENT
Ghost of Yotei est une aventure riche et spectaculaire qui succède brillamment à son prédécesseur. Grâce à son univers immersif, son système de combat stratégique et son contenu dense, il s’impose comme l’un des jeux exclusifs les plus marquants de l’année sur PS5.









