EA va-t-elle replonger du côté obscur ? – Les microtransactions pourraient retourner

OPINION – La question revient sans cesse, et ce n’est pas un hasard : EA pourrait bien renouer avec ses pratiques les plus « sombres » maintenant que ses nouveaux propriétaires affichent ouvertement leur intention d’orienter l’entreprise vers les microtransactions. Les principaux groupes d’investisseurs n’ont jamais caché leur objectif : consolider leur dernière acquisition sur le marché du jeu mobile.

 

L’annonce du rachat de Electronic Arts — pour la somme astronomique de 55 milliards de dollars — a provoqué un véritable séisme dans l’industrie vidéoludique, dont les répliques se font encore sentir, tant au niveau des entreprises que dans l’espace médiatique. Si l’acquisition d’Activision-Blizzard par Microsoft avait déjà profondément bouleversé l’équilibre du secteur, cette deuxième méga-opération — par son ampleur et son calendrier — pourrait avoir des conséquences tout aussi radicales pour l’avenir d’EA, anciennement le plus grand éditeur occidental coté en bourse.

Mais derrière ce vent de changement plane une vieille menace bien connue : le retour des microtransactions. Et inutile de se voiler la face : il y a de quoi s’inquiéter. Si le fonds souverain PIF d’Arabie Saoudite et les géants américains du capital-investissement Affinity Partners et Silver Lake appliquent les mêmes recettes que par le passé, une entreprise déjà fortement liée à ce modèle économique pourrait bien redoubler d’efforts pour l’imposer encore davantage.

L’histoire parle d’elle-même. Contrairement à d’autres acquisitions saoudiennes — comme celles de Niantic et Scopely par Savvy Games, ou encore de SNK par MiSK et EGDC —, cette opération réunit beaucoup plus d’acteurs autour de la table, et aucun d’entre eux ne cherche à dissimuler ses intentions. Leur plan est limpide : utiliser les licences sportives phares d’EA comme tremplin pour conquérir le marché du jeu mobile.

 

Un avenir plutôt incertain

 

Dès l’annonce officielle, les analystes ont commencé à spéculer sur l’impact que cette acquisition pourrait avoir sur les joueurs. Forbes, citant l’analyste Michael Pachter via Kotaku, écrivait que « cette opération pourrait donner à EA un coup de pouce majeur sur le marché mobile, où l’entreprise peine encore à s’imposer. » Et ce n’est pas faute d’avoir essayé — mais nous y reviendrons plus tard.

Une différence majeure avec les précédentes acquisitions réside dans la participation de deux fonds d’investissement américains. Affinity Partners se démarque notamment en jouant un rôle de « pont » entre l’Orient et l’Occident (avec PIF comme partenaire), dirigé par nul autre que Jared Kushner, gendre du président américain Donald Trump, connu pour son style de négociation agressif et calculateur.

Les chroniqueurs du New York Times ont également souligné un autre point clé : « Les investisseurs privés voient un potentiel inexploité dans le portefeuille de licences d’EA et prévoient d’adapter certaines de ses franchises phares sur mobile, en les proposant gratuitement tout en monétisant certaines fonctionnalités. » Une stratégie qui pourrait élargir l’audience d’EA, mais aussi aliéner une base de fans fidèle, farouchement opposée à ces pratiques de monétisation agressives.

 

EA et les microtransactions : une longue histoire

 

Pour comprendre comment nous en sommes arrivés là, il faut remonter à 2009. La poule aux œufs d’or d’EA a toujours été FIFA (aujourd’hui EA Sports FC), et c’est FIFA 09 qui a introduit le mode Ultimate Team — la fonctionnalité la plus rentable de l’histoire de l’entreprise. Grâce aux loot boxes — désormais appelées « packs » —, les joueurs pouvaient obtenir aléatoirement de nouveaux athlètes pour leurs équipes. D’abord proposé comme DLC payant, Ultimate Team a ensuite été pleinement intégré au jeu de base, devenant l’élément central de chaque nouvel opus.

Mais FIFA n’a pas été le seul terrain d’expérimentation. Mass Effect 3, conclusion de la célèbre trilogie de science-fiction de BioWare, a lui aussi servi de banc d’essai pour la monétisation. Son mode multijoueur exigeait un investissement de temps conséquent pour débloquer les « vraies » fins, et des loot boxes y ont également été introduites — offrant des personnages et des armes aléatoires nécessaires à la progression.

Plants vs. Zombies a marqué l’une des premières incursions d’EA dans le marché mobile. Initialement développé par PopCap, le studio a été racheté après le succès colossal du jeu original, ouvrant la voie à Plants vs. Zombies 2: It’s About Time. De nombreux observateurs ont surnommé cette suite le « laboratoire de monétisation mobile » d’EA. Bien accueillie dans l’ensemble, elle s’est distinguée par des microtransactions beaucoup plus agressives et intrusives, ce qui a provoqué des tensions avec la communauté. En 2013, alors que les règles du marché mobile n’étaient pas encore établies, EA n’a pas hésité à tirer le maximum de sa nouvelle poule aux œufs d’or.

 

La polémique Star Wars Battlefront II

 

En 2017, EA est allée encore plus loin. Avec Star Wars Battlefront II, l’entreprise a verrouillé des personnages emblématiques, des armes et des fonctionnalités clés derrière des paywalls. Certes, tout pouvait théoriquement être débloqué via le gameplay — mais la quantité de temps requise était si démesurée que le modèle censé être « pay-to-progress » s’est transformé en « pay-to-win » flagrant. Même des géants comme Blizzard ou Gaijin Entertainment (War Thunder) ont vivement critiqué cette approche — avant d’adopter eux-mêmes des modèles similaires par la suite.

Face à la polémique, EA a été contrainte de faire marche arrière. Les loot boxes ont été modifiées pour ne contenir que des éléments cosmétiques, et des pays comme la Belgique ont légiféré pour interdire leur vente pure et simple. Pourtant, ni EA ni les autres éditeurs n’ont complètement abandonné ce modèle. Il continue de prospérer dans des franchises comme The Sims, et Apex Legends — qui l’a adopté dès le premier jour — a rencontré un immense succès à son lancement, même s’il a depuis perdu un peu de sa superbe.

 

La tempête va-t-elle s’apaiser… ou ne fait-elle que commencer ?

 

Maintenant qu’EA est devenue une société privée, l’acquisition a deux conséquences immédiates pour les joueurs. D’abord, les nouveaux propriétaires chercheront presque à coup sûr à renforcer la présence et la rentabilité d’EA sur le marché mobile. Pour paraphraser Gollum dans Le Seigneur des Anneaux : « Ils l’ont fait une fois… ils peuvent le refaire. » Parmi les titres susceptibles de soutenir cette expansion figurent EA Sports FC, Apex Legends Mobile, The Sims ou même un retour de Plants vs. Zombies, malgré la réputation désormais ternie de la franchise.

La deuxième conséquence — plus inquiétante — est qu’en tant qu’entreprise privée, EA n’est plus soumise au même niveau de surveillance des autorités nationales et internationales lorsqu’elle met en œuvre ses stratégies de monétisation. Compte tenu de son passé — et des objectifs clairement affichés de ses nouveaux propriétaires —, il est tout à fait possible que des jeux autrefois exempts de microtransactions (comme la série Battlefield, dont un nouvel opus est imminent) soient bientôt monétisés à nouveau.

Tout n’est pas noir pour autant. Après les rachats de Niantic et SNK, les microtransactions n’ont pas explosé dans des titres comme Pokémon GO ou The King of Fighters XIII Global Match. Mais l’expérience passée et les acteurs impliqués dans cette opération laissent peu de place à l’optimisme. Tout indique qu’EA adoptera des stratégies de monétisation encore plus agressives — sur mobile comme sur consoles. Cela peut sembler cliché, mais au final, seul l’avenir nous le dira.

-theGeek-

Source : 3djuegos

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