Si l’accord aboutit, les actionnaires recevraient 210 dollars par action en numéraire — soit une prime de 25 % par rapport au cours avant l’annonce. En partie financée par un prêt de 20 milliards de dollars de JPMorgan, l’opération deviendrait la plus grande acquisition d’une société cotée jamais réalisée, sans tenir compte de l’inflation.
Un séisme se prépare dans l’industrie vidéoludique : Electronic Arts pourrait bientôt être rachetée dans le cadre d’un accord record de 55 milliards de dollars, mené par le Public Investment Fund (PIF) d’Arabie saoudite, déjà détenteur de 10 % des parts. Le consortium comprend également le fonds d’investissement Silver Lake et Affinity Partners, la société de Jared Kushner.
Cette acquisition s’inscrit dans la stratégie de Riyad visant à diversifier son économie au-delà du pétrole, en investissant massivement dans les secteurs du divertissement et des technologies. En 2021, le PIF a lancé le Savvy Games Group avec l’objectif d’injecter 38 milliards de dollars dans l’industrie du jeu vidéo. Cet été, le royaume a accueilli l’Esports World Cup, doté d’un prize pool record de 70 millions de dollars.
L’ambition saoudienne dépasse le jeu vidéo : elle englobe également des investissements majeurs dans le sport, allant du LIV Golf à la Professional Fighters League, en passant par des participations dans des clubs de football. Cette orientation stratégique correspond parfaitement à l’activité d’EA, leader mondial des jeux de sport avec des séries phares comme FIFA et Madden.
« Nous sommes idéalement placés pour développer et structurer l’écosystème mondial du jeu vidéo et de l’e-sport », a déclaré Turqi Alnowaiser, directeur adjoint du PIF. Le PDG d’EA, Andrew Wilson, a ajouté : « Je n’ai jamais été aussi enthousiaste quant à l’avenir que nous construisons. »
Des obstacles réglementaires et politiques
Si elle aboutit, l’opération surpassera le précédent record — le rachat de TXU pour 32 milliards de dollars en 2007. Mais elle devra d’abord être approuvée par le Committee on Foreign Investment in the United States (CFIUS), chargé d’évaluer les risques pour la sécurité nationale.
« On n’associe pas souvent jeu vidéo et sécurité nationale, pourtant ces plateformes touchent des millions d’Américains et collectent de nombreuses données personnelles », explique Aaron Bartnick, ancien responsable de l’administration Biden. Selon lui, le CFIUS « examinera attentivement l’accord, même s’il finit par l’approuver. »
La dimension politique pourrait également jouer un rôle. L’administration Trump entretenait des relations étroites avec Riyad, et le fonds souverain saoudien est l’un des principaux investisseurs dans la société de Kushner, qui gère environ 5,4 milliards de dollars. Silver Lake, avec environ 110 milliards sous gestion, a participé à certaines des plus importantes transactions technologiques, notamment la privatisation puis l’introduction en bourse de Dell Technologies.
Vers une nouvelle stratégie pour EA
Si le conseil d’administration d’EA renonce à l’accord, il devra verser une indemnité de rupture d’un milliard de dollars — somme que les investisseurs paieraient également en cas d’échec réglementaire. Certains analystes pensaient auparavant qu’un géant des médias comme Disney pourrait tenter une offre concurrente.
Alors que les habitudes des joueurs évoluent, les titres sur console et PC perdent du terrain face aux jeux gratuits comme Fortnite et aux expériences mobiles. Les analystes estiment que l’objectif des investisseurs saoudiens est de proposer les plus grands jeux d’EA gratuitement ou en modèle freemium sur les plateformes mobiles et de streaming, générant des revenus via les microtransactions et les partenariats avec les influenceurs. Netflix explore déjà cette voie sur ses appareils connectés.
La finalisation de l’opération est prévue pour le deuxième trimestre 2026. EA resterait basée à Redwood City, en Californie, sous la direction de Andrew Wilson.
Source : New York Times