L’Intermédiaire – Un thriller rétro tendu, hérité de la grande école

CRITIQUE DE FILM – Après Outlaw King en 2018, David Mackenzie revient avec L’Intermédiaire : un thriller dense, imprégné de paranoïa, qui ressuscite l’atmosphère de l’âge d’or des années 1970. Dans cet univers, la technologie moderne s’efface au profit de la bibliothèque, de la poste et d’un service de relais téléphonique. Riz Ahmed impose sa présence même en silence, épaulé par Lily James et Sam Worthington. Si la romance se révèle maladroite, la dramaturgie minutieusement construite, la tension constante et la nostalgie feutrée font de ce film une véritable expérience de cinéma.

 

Lorsque Ash (Riz Ahmed) travaille, on a l’impression qu’il appartient à une autre époque. Fixeur new-yorkais, il communique avec ses clients via un service de relais pour masquer sa voix. Il utilise très peu Internet – et uniquement à la bibliothèque – tandis que son outil principal reste le bon vieux service postal. Rien d’étonnant à ce qu’Ash semble être un homme du passé : avec L’Intermédiaire, Mackenzie rend hommage aux grands thrillers conspirationnistes. Ash aurait parfaitement sa place dans À cause d’un assassinat ou Les Trois jours du Condor. Le soin obsessionnel porté aux détails et l’exécution patiente de ses plans donnent au film sa rigueur et son intensité.

 

 

Un thriller old school sous un nouveau jour

 

L’Intermédiaire accroche dès sa scène d’ouverture. Hoffman (Matthew Maher) rencontre McVie (Victor Garber), le PDG d’Optimo Pharmaceuticals. Hoffman avait envisagé de dévoiler les secrets de la société, mais s’est ravisé : il veut seulement retrouver sa vie d’avant. Il remet des documents à McVie, mais a pris soin de déposer une copie chez un tiers en guise d’assurance. C’est là qu’intervient Ash, chargé non seulement de surveiller les dossiers, mais aussi de veiller sur Hoffman pour qu’il reste en sécurité et retrouve sa tranquillité.

Figure énigmatique, Ash protège ses clients autant que lui-même. Il utilise une machine initialement conçue pour les malentendants : ses messages tapés sont relayés par le service. Ses méthodes sont d’une précision implacable ; aucun détail n’est laissé au hasard. L’affaire Hoffman en témoigne : rien n’est confié à la chance, et c’est ce qui fait de lui un véritable maître dans son domaine.

Lorsque la situation d’Hoffman semble réglée, Ash reçoit une nouvelle mission : protéger Sarah Grant (Lily James), une scientifique qui a alerté son ancien employeur, Cybo Sementis, à propos d’un produit chimique potentiellement dangereux pour des milliers de personnes. Sarah voulait à l’origine dénoncer la société, mais après avoir subi pressions et filatures, elle préfère aspirer à une vie tranquille. Cybo et ses agents – incarnés notamment par Sam Worthington et Willa Fitzgerald – refusent toutefois de la lâcher. Sarah finit par demander l’aide d’Ash, qui se retrouve face à l’un des défis les plus redoutables de sa carrière.

 

 

L’esprit des années 1970 ressuscité

 

Le scénario de Justin Piasecki et la mise en scène de Mackenzie brillent surtout lorsqu’on observe les plans d’Ash se déployer – ou s’effondrer à cause du moindre grain de sable. Mackenzie avait déjà démontré, avec Les Poings contre les murs (2013) et Comancheria (2016), sa maîtrise de la tension dramatique. Dans L’Intermédiaire, chaque détail, chaque bifurcation est pensé. Durant la première demi-heure, Ash reste quasiment muet, opérant depuis l’ombre – un choix de mise en scène qui cloue le spectateur à son siège. Ce qui semble confus pour ses clients se révèle, in fine, d’une implacable cohérence.

Le film applique rigoureusement le principe du « montrer plutôt que dire » – non seulement dans ses moments de tension, mais aussi dans le portrait des personnages. Ash se dévoile par fragments, à travers des éclats de sa vie solitaire. Même lors des réunions des Alcooliques Anonymes, il reste fermé. Mais peu à peu, son passé se recompose et éclaire ses choix.

 

 

Riz Ahmed, au sommet de son art

 

L’Intermédiaire offre à Riz Ahmed l’un de ses plus beaux rôles depuis Sound of Metal. Comme Ash parle très peu, l’acteur transmet l’essentiel par ses gestes et ses regards. Dans la scène d’ouverture, lorsque deux hommes de main s’en prennent à Hoffman, la peur qui traverse son regard confère toute sa force à la séquence. Ses réactions fulgurantes et sa capacité d’adaptation rendent les scènes d’action d’autant plus captivantes. Le scénario et la mise en scène sont précis, mais sans Ahmed, le film perdrait une grande partie de sa puissance.

Lily James brille également, souvent seule à l’écran, traduisant la peur et l’incertitude de son personnage. L’évolution de Sarah est passionnante et permet à l’actrice de révéler toute la finesse de son jeu. Quant à Sam Worthington, il s’amuse visiblement dans le rôle du chef impitoyable des agents de Cybo Sementis : une occasion rare de camper un méchant assumé, dont il profite pleinement.

 

 

Quand la romance sonne faux

 

La faiblesse de L’Intermédiaire réside dans l’histoire d’amour entre Ash et Sarah. Si la chimie entre Ahmed et James est bien réelle, le scénario peine à rendre crédible cette idylle, surtout au regard de la personnalité d’Ash, solitaire endurci habitué à travailler dans l’ombre. Alors que le film excelle sur le terrain du thriller paranoïaque, la romance apparaît forcée, en particulier au moment où la tension atteint son paroxysme.

L’Intermédiaire est de ces thrillers que l’on voudrait revoir dès la première séance terminée. Sa narration dense et tendue se déploie couche après couche, et Ahmed comme James trouvent parfaitement leur place dans cet univers. À une époque où les blockbusters trustent les salles tandis que les œuvres plus modestes migrent vers le streaming, L’Intermédiaire rappelle que ce type de thriller intelligent et haletant a encore toute sa place sur grand écran. Même si plus rares, ces films existent encore – pour notre plus grand plaisir.

– Gergely Herpai “BadSector” –

L’Intermédiaire

Direction - 8.2
Acteurs - 8.1
Histoire - 7.8
Visuels/Musique/Sons/Action - 7.8
Ambiance - 8.4

8.1

EXCELLENT

L’Intermédiaire est un thriller tendu et nostalgique, porté par une interprétation brillante de Riz Ahmed. Si la romance constitue son point faible, la mise en scène, le scénario et le jeu des acteurs en font une expérience cinématographique remarquable. Un rappel éclatant des raisons pour lesquelles nous aimons tant les grands thrillers conspirationnistes.

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BadSector is a seasoned journalist for more than twenty years. He communicates in English, Hungarian and French. He worked for several gaming magazines – including the Hungarian GameStar, where he worked 8 years as editor. (For our office address, email and phone number check out our impressum)

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