CRITIQUE DE SÉRIE – Le dernier thriller politique de Netflix oppose deux femmes de pouvoir dans un bras de fer tendu entre diplomatie, secrets d’État et enjeux personnels. Mais au lieu d’explorer les zones grises du pouvoir et de la morale, la série se contente de clichés usés et d’un emballage trop lisse pour être honnête.
« Je veux juste que rien ne vienne gâcher ça… tu sais, nous trois », murmure Abigail Dalton, interprétée par une Suranne Jones pleine de gravité, dans la scène d’ouverture de Hostage, série signée Netflix. Avec son mari Alex (Ashley Thomas), elle débat de la possibilité de briguer la tête du parti, ce qui ferait automatiquement d’elle la Première ministre. Dès le départ, elle redoute ce que cette ascension pourrait coûter à sa famille. « Si tu dois choisir, tu feras le bon choix », répond Alex avec assurance — ce qui sonne comme un flingue dramaturgique à la Tchekhov : il est évident qu’Abigail devra trancher entre son foyer et son ambition bien avant la fin du premier épisode.
Scandales, joutes diplomatiques et guerre des tailleurs
Cette tension est au cœur de la série, qui met en scène deux dirigeantes en pleine guerre froide feutrée. Jones partage l’affiche avec Julie Delpy, impeccable en Vivienne Toussaint, présidente française aussi élégante que redoutable. La question centrale : que faire lorsque les devoirs publics entrent en collision frontale avec la loyauté familiale ? Et jusqu’où ces femmes sont-elles prêtes à aller pour préserver ce pouvoir qu’elles ont chèrement acquis ?
Comme le titre l’indique, Abigail se retrouve rapidement plongée au cœur d’une crise d’otages. Tandis qu’une pénurie de médicaments anticancer agite le Royaume-Uni, la visite d’État de Toussaint ajoute à la pression. Alex, son mari, est enlevé en Guyane française alors qu’il travaille pour Médecins Sans Frontières. Une seule exigence de la part des ravisseurs : qu’Abigail démissionne de ses fonctions. Et tant pis pour les collègues d’Alex, qui servent surtout de figurants pixelisés dans ce scénario — à peine plus développés qu’un groupe de PNJ dans un jeu d’infiltration PS2.
Vivienne n’est pas épargnée non plus. Un scandale du passé ressurgit, la forçant à marcher sur des œufs dans les coulisses du pouvoir. Pendant ce temps, Abigail tente de tenir bon au sein d’un gouvernement en vrac : un cabinet réfractaire, un chef de cabinet aussi sarcastique que passif-agressif (Lucian Msamati), une ado en rébellion ouverte (Isobel Akuwudike), et un père mourant (James Cosmo) forment une galerie de défis aussi personnels que politiques. Et là, la série passe en pilote automatique : agents dormants, trahisons internes, bunkers brumeux, documents top secrets, et explosions gratuites à la Michael Bay, comme si un générateur de scénario était aux commandes.
Un duo solide, un script qui vacille
J’avais vraiment envie d’aimer Hostage. Sur le papier, tout était là. Delpy incarne avec brio une présidente glaciale, croisant les bras avec l’élégance d’une stratège en talons Louboutin. Jones fait le boulot, sans éclat mais avec constance. Et oui, en 2025, voir deux femmes mener la danse, donner des ordres et porter la responsabilité d’un monde en crise reste rafraîchissant. Ne serait-ce que pour les tailleurs impeccables et les sourires glacés échangés dans les couloirs du pouvoir, la série vaut parfois le coup d’œil. C’est un peu Le Diable s’habille en Prada à l’heure du G7, version thriller géopolitique.
Mais derrière cette façade bien repassée se cachent des fissures béantes. Le script manque souvent de crédibilité. Sérieusement, n’importe qui peut entrer dans la salle de crise du Premier ministre britannique ? Même une crèche est mieux sécurisée. Les motivations des antagonistes sont tellement minces qu’on a l’impression de regarder une parodie. On attend le fameux moment de bascule, le twist qui ferait tout basculer… mais il ne vient jamais. On reste avec des retournements lourdauds et une intrigue qui ne tient pas debout.
Les questions qu’on espérait – mais que la série esquive
Le plus grand échec de Hostage ? Ne pas oser affronter les vraies questions. Abigail est-elle une héroïne mue par un sens du devoir, ou juste une accro au pouvoir prête à sacrifier les siens pour son poste ? Que devient un couple quand l’un découvre qu’il ne sera jamais prioritaire ? Et une famille peut-elle survivre en sachant qu’elle est devenue secondaire face aux impératifs politiques ?
« J’ai d’autres priorités maintenant », lâche Abigail à son père, qui l’exhorte à tout faire pour sauver Alex. « Alors je ne sais plus qui tu es », rétorque-t-il. Et c’est peut-être là que le bât blesse : à la fin de la série, nous non plus, on ne sait toujours pas qui est vraiment Abigail Dalton.
-Gergely Herpai „BadSector”-
Hostage
Direction - 6.2
Acteurs - 6.4
Histoire - 6.6
Visuels/Musique/Sons - 7.1
Ambiance - 6
6.5
CORREKT
Porté par un duo d’actrices impeccables et un sens certain du style, Hostage veut jouer dans la cour des grands du thriller politique. Mais à force de rester en surface et de fuir les vraies questions, la série finit par ressembler à une coquille vide bien habillée.