CRITIQUE DE FILM – Bob Odenkirk reprend du service et laisse derrière lui l’ennui étouffant de la vie de père de banlieue pour replonger dans une déferlante de violence sanglante. Dans Moins-Que-Rien 2, la star de Better Call Saul est à nouveau déchirée entre sa paisible vie de famille et ses pulsions d’ancien tueur. Là où le premier film brillait comme une fantaisie de vengeance à la John Wick avec une touche d’ironie, cette suite ressemble plutôt à un niveau bonus dispensable – moins percutant, moins surprenant, et surtout, sans véritable raison d’être.
Le succès surprise de 2021 signé Ilya Naishuller ne reposait pas uniquement sur les scènes d’action ultra-violentes estampillées 87North Productions : c’est Bob Odenkirk lui-même qui faisait toute la différence. Comme son personnage Hutch, l’acteur dévoilait progressivement un autre visage, passant du père maladroit à la machine à tuer redoutable. Ce mariage entre le rôle et l’acteur offrait une mise en abîme savoureuse, comme si la vie imitait la fiction – et inversement.
Un deuxième round bien moins percutant
Moins-Que-Rien 2 s’ouvre sur un Hutch en quête de rédemption, essayant de concilier sa double vie de tueur impitoyable et de père aimant. Sorti en salles le 15 août, le film peine pourtant à retrouver l’énergie et la fraîcheur de son prédécesseur. Le réalisateur indonésien Timo Tjahjanto – connu pour May the Devil Take You et The Night Comes for Us – maîtrise parfaitement l’art du carnage stylisé, et Odenkirk incarne toujours aussi bien le héros improbable. Mais malgré leur talent, cette suite s’enlise dans un récit brouillon et redondant. Les éclairs de génie sont rares, et le charme du premier opus a disparu.
Écrit par Derek Kolstad (à qui l’on doit la saga John Wick) avec Aaron Rabin, le scénario commence par une scène qui sent le déjà-vu : Hutch est interrogé, le visage tuméfié, les poignets menottés, dans une pièce sombre. Pour les flics, il n’est qu’un “Moins que rien”. Flashback : bien que sa femme Becca (Connie Nielsen), son fils Brady (Gage Munroe) et sa fille Sammy (Paisley Cadorath) connaissent désormais sa vraie nature, rien n’a vraiment changé chez les Mansell. La vie domestique reste étouffante et sans relief.
Becca en a assez de ses absences à répétition. Brady, lui, suit l’exemple paternel : un œil au beurre noir en atteste. Mais Hutch est trop occupé à fracasser des têtes avec ses poings, des flingues ou une hache pour réaliser que tout part en vrille à la maison. Toujours redevable envers son contact The Barber (Colin Salmon) après avoir brûlé la caisse de retraite de la mafia russe, il accepte enfin de partir en vacances en famille – juste après un massacre en règle lors d’une mission qui a mal tourné.
Plummerville : des souvenirs, du sang et des cornets de glace
Hutch veut créer de « vrais souvenirs », et choisit Plummerville : un parc d’attractions à l’ancienne, avec hôtel, manèges et toboggans aquatiques. Une vieille pub ringarde n’inspire pas confiance, mais tout le monde accepte, y compris David (Christopher Lloyd), le père de Hutch, en mode touriste permanent : chemise hawaïenne, chapeau de pêche et lunettes de soleil. Odenkirk incarne toujours ce type déchiré entre l’amour familial et ses instincts meurtriers, et le film atteint ses meilleurs moments lorsqu’il affronte des brutes deux fois plus costaudes que lui avec une détermination suicidaire.
Les chambres tiki kitsch font sourire, mais la routine reprend vite. Hutch attire l’attention du shérif local Abel (Colin Hanks), de son supérieur Henry (John Ortiz), et surtout de la grande méchante Lendina (Sharon Stone), cheffe d’un réseau de contrebande opérant depuis le parc. Évidemment, elle n’apprécie pas les perturbations causées par notre héros. Résultat : Hutch y laisse un bout de petit doigt, et son couple vacille à nouveau. Becca ne peut plus croire que son mari puisse passer ne serait-ce qu’un jour sans foutre le bordel.
Il tente pourtant de combattre ses démons et d’être un meilleur modèle pour ses enfants – ou au moins, de leur éviter de devenir aussi dérangés que lui. Mais ces ambitions psychologiques paraissent plaquées, bien moins organiques que dans le premier film. Le récit tourne en rond et les thèmes ne prennent plus.
Des fusillades sans tension
Les scènes d’action deviennent plus spectaculaires, les combats plus violents, mais l’adrénaline ne suit pas. À l’arrivée du climax explosif, tout semble déjà retombé. Les gentils gagnent, forcément, mais les affrontements manquent d’inspiration malgré les effets de style. Christopher Lloyd et RZA (le frère samouraï) font de la figuration. L’humour se fait rare, et le film ressemble à une série B paresseuse, loin derrière un concurrent comme Ballerina.
Sharon Stone compose une méchante de cartoon, qu’elle tente de rendre mémorable par un sourire sadique et une choré improvisée. Ortiz et Hanks font ce qu’ils peuvent avec des personnages plats. Connie Nielsen est plus présente dans les scènes d’action, mais reste en retrait face à Hutch, qui continue de régler les comptes à coups de Tommy Gun et de hache. Tjahjanto propose quelques fulgurances, comme ce plan fixe où Hutch quitte un entrepôt en voiture… avant de revenir pour tout détruire, la caméra glissant alors dans un van pour offrir une vue imprenable sur la boucherie.
Une suite inutile et mal calibrée
Qu’il s’agisse d’une course-poursuite sur toboggan aquatique ou de ralentis absurdes, le réalisateur prouve qu’il a du style à revendre. Mais ce n’est pas suffisant pour justifier l’existence de cette suite sans enjeu. Odenkirk reste excellent, et on pourrait imaginer un Moins-Que-Rien 3 mieux pensé, plus audacieux. Mais si ce film marque la fin de sa parenthèse “action man”, c’est une sortie bien fade. Espérons que la suite de sa carrière sera tout aussi imprévisible – mais plus inspirée.
-Gergely Herpai “BadSector”-
Mise en scène - 5.2
Acteurs - 6.6
Scénario/Humour - 5.4
Visualité/action/son - 6.4
5.9
Moins-Que-Rien 2 ne parvient jamais à justifier son retour. Odenkirk fait ce qu’il peut, mais le récit est creux, l’humour absent, et les bastons recyclées. Quelques éclairs de mise en scène sauvent les meubles, mais l’ensemble ressemble plus à une épilogue poussive qu’à un vrai film d’action.