ACTUALITÉS CINÉMA – Dans le paysage des réalisateurs contemporains, David Fincher s’impose comme l’un des plus grands. Après avoir débuté dans le clip musical puis percé au cinéma avec Alien 3 — une expérience si désastreuse qu’elle faillit mettre fin à sa carrière — Fincher enchaîna des chefs-d’œuvre dont rêverait tout cinéaste. De Seven à Fight Club en passant par Zodiac, il a prouvé être un auteur visionnaire, taillé pour le grand écran.
C’est pourquoi il est frustrant, en tant que spectateur, de le voir enfermé chez Netflix. Depuis une décennie, ses projets sortent exclusivement sur la plateforme, conséquence d’un contrat de longue date. Même si les raisons créatives existent, l’absence de ses films dans les salles de cinéma se fait cruellement sentir.
Le lien entre Fincher et Netflix remonte à 2013, lorsqu’il fut producteur exécutif de House of Cards, dont il réalisa les deux premiers épisodes. Ce fut un tournant pour Netflix, lançant l’ère des créations originales qui allait bouleverser le secteur. Le succès conduisit à d’autres collaborations, comme Mindhunter et Love, Death & Robots, la première étant considérée comme l’une des meilleures séries de la plateforme.
Côté cinéma, Fincher s’est également aligné sur Netflix. Depuis 2019, ses films Mank et The Killer n’ont eu droit qu’à une sortie limitée en salles avant d’arriver sur le service. Son dernier véritable succès en salles reste Gone Girl, preuve éclatante que ses thrillers, même intimes, sont faits pour le grand écran.
Des films Netflix sans l’impact des sorties en salles
Le problème central, c’est que les productions Netflix n’ont pas l’impact durable des films projetés au cinéma. Mank, biopic sur le scénariste de Citizen Kane, Herman J. Mankiewicz, porté par Gary Oldman, reçut 10 nominations aux Oscars, dont Meilleur Film et Meilleur Réalisateur. Mais il reste peu cité face à The Social Network ou L’Étrange Histoire de Benjamin Button, tous deux sortis en salles et auréolés de succès grâce au nom de Fincher.
La situation fut encore plus flagrante avec The Killer en 2023. Le thriller avec Michael Fassbender, écrit par Andrew Kevin Walker (Seven), entra brièvement dans le Top 10 Netflix avant de disparaître presque aussitôt. Malgré un score de 85 % sur Rotten Tomatoes et des critiques positives, le film s’estompa rapidement, victime de son exclusivité streaming. Netflix proclame son poids dans le cinéma, mais n’a toujours pas trouvé le secret pour inscrire ses films durablement dans la culture populaire, même quand ils sont réalisés par un maître comme Fincher.
Plus encore, le style visuel de Fincher perd de sa force hors des salles obscures. The Killer est beau, certes, mais il n’a pas la puissance de ses œuvres passées. C’est pourtant l’homme qui a rendu la création de Facebook cinématographique et les crimes macabres de Seven étrangement fascinants. Netflix n’a pas émoussé son talent, mais l’a limité, empêchant son art de s’épanouir pleinement.
L’avenir de Fincher semble lié à Netflix
Pour l’instant, Fincher reste fidèle à la plateforme. Il développe The Adventures of Cliff Booth, une suite indirecte de Once Upon a Time in Hollywood, avec Brad Pitt reprenant son rôle oscarisé et un scénario signé Tarantino. Il travaille aussi sur une adaptation américaine de Squid Game. Mais l’enthousiasme est retombé dès que Netflix annonça l’exclusivité. Rappelons que le film original de Tarantino avait engrangé 392 millions de dollars et récolté 10 nominations aux Oscars. Fincher pourra-t-il en faire autant ? Peu probable. Quant à Squid Game, le projet semble plus énigmatique qu’inspirant.
Le choix de Fincher s’explique par la liberté artistique qu’offre Netflix. “Soyons honnêtes. J’ai travaillé avec la plupart des grands studios. Quand je leur dis que je dois faire des effets spéciaux en 4K, leur première réponse est : ‘Pourquoi dépenser autant ?’ Ils rechignent à la moindre dépense. Netflix n’a jamais discuté ce genre de décision. Ils ont adopté un standard qui a du sens pour les réalisateurs. Netflix a de loin le meilleur contrôle qualité.”
Ses arguments sont valides, mais cela n’enlève rien au regret de voir un tel maître du cinéma enfermé dans le carcan Netflix. On peut espérer qu’un jour ses films reviendront briller sur grand écran, là où ils ont toujours eu leur place.
Source : MovieWeb