CRITIQUE DE SÉRIE – Le tout dernier soi-disant carton de Netflix, The Waterfront, s’est mystérieusement hissé en tête des classements hongrois, alors qu’il est loin d’être indispensable. Kevin Williamson recycle tous ses vieux poncifs : un mélodrame sudiste nappé de criminalité familiale, mais combien de spectateurs se souviendront encore du pilote après coup ? Ici, chaque membre de la famille Buckley trompe l’autre, tout le monde est coupable, chacun creuse sa propre tombe… C’est vraiment ce qu’on attendait ? Spoiler : pas vraiment.
Kevin Williamson, maître des drames adolescents, des méta-slashers et des soaps surnaturels, parie cette fois sur la saga criminelle familiale avec The Waterfront. La Caroline du Nord sert bien de décor, mais côté couleur locale, c’est aussi fade qu’un poisson mariné — l’essentiel, ce sont les magouilles, les maladresses et les fiascos de trafic de drogue en chaîne chez les Buckley. Dès la première scène, on comprend : chacun essaie de sauver sa peau, mais s’enfonce de plus en plus dans la vase.
Feuilleton : sang, larmes et cocaïne à volonté
Chez les Buckley de The Waterfront, on est loin des Corleone du Parrain, même si les emmerdes semblent héréditaires. Sur le papier, ils possèdent des bateaux de pêche, un resto chic et un beau morceau de littoral ; dans la réalité, chacun bricole pour ne pas sombrer. Le patriarche Harlan (Holt McCallany) rêve à ses jeunes années enfumées à la cocaïne, mais se noie surtout dans l’alcool et les aventures extraconjugales, tandis que sa femme Belle (Maria Bello) encaisse tout en silence. En parallèle, Belle et leur fils Cane (Jake Weary), ex-star de lycée, louent discrètement des bateaux à de minables passeurs pour couvrir les dettes familiales. Évidemment, tout dérape : Cane s’enfonce à contre-cœur, Harlan presque avec plaisir — c’est l’occasion rêvée de secouer son fils et de jouer au dur, même s’il n’est plus qu’un fantôme désabusé de lui-même.
Nul n’est innocent, tous ont des secrets
« Je suis plutôt doué pour être “presque” », avoue Cane à son ex, Jenna (Humberly González), revenue soudainement en ville pour tout chambouler — alors même qu’il a une femme (Peyton – Danielle Campbell) et un enfant. « Presque un type bien. Presque un bon mari. Presque un bon père. Presque un bon fils… mais jamais tout à fait. » (Jenna, aujourd’hui journaliste à Atlanta, entend de Cane : « J’ai lu certains de tes articles en ligne. Tu écris très bien ! ») Côté Buckley, Bree (Melissa Benoist) ne commet plus de crime, mais après avoir incendié la maison familiale, elle ne peut voir son fils Diller (Brady Hepner) qu’en présence d’un tiers — sans que ça enthousiasme Diller. « Personne n’a été blessé », tente Bree. « Physiquement », lui balance son fils. Aujourd’hui, Bree est sobre, va aux réunions, travaille au resto familial, mais lorgne toujours vers le bureau : ici, tout le monde cache un plan.
Autour d’eux gravitent Gerardo Celasco (un agent de la DEA bien trop caricatural, Marcus Sanchez), Michael Gaston (un shérif dangereux, Clyde Porter, jaloux pathologique et faux ami d’Harlan) et Rafael L. Silva (Shawn, le barman incapable dont les cocktails ratés font vite douter tout le monde). Sans oublier Topher Grace, annoncé pour un futur épisode.
Pas de couleur locale, juste du crime de supermarché
Williamson a grandi dans ce coin, on aurait pu espérer un souffle authentique de pêche familiale — mais The Waterfront coche tous les clichés du polar balnéaire. Au lieu de personnages vrais ou de culture maritime, on a droit à des magouilles en série, des retournements de situation et des drames familiaux recyclés. Les personnages restent plats et prévisibles (en tout cas dans les trois premiers épisodes vus par la presse). Seule Belle (Maria Bello) paraît vaguement humaine, Bree tire son épingle du jeu en essayant de recoller les morceaux avec un fils qui la déteste. Peyton, la seule vraiment normale, devrait déjà plier bagage avec son gamin — mais ce ne sera pas pour cette fois.
The Waterfront est peut-être aussi insipide qu’une pizza surgelée, mais il y a assez de remous et de dérapages pour qu’on ait envie de regarder jusqu’où la famille va sombrer. C’est le genre de série où « moyen » est un compliment — parfois, “presque correct”, c’est suffisant pour cartonner sur Netflix.
-Gergely Herpai « BadSector »-
The Waterfront
Direction - 5.4
Acteurs - 5.2
Histoire - 5.1
Visuels/Musique/Sons/Action - 5.4
Ambiance - 5.2
5.3
MÉDIOCRE
Résumé : The Waterfront incarne parfaitement la façon dont Netflix transforme du « presque passable » en phénomène. Tout le monde se casse la figure et se salit les mains, mais au moins la criminalité est haute en couleur et la névrose, familiale. L’un des plus beaux ratés de l’année, mais difficile de détourner les yeux : le plaisir coupable de voir la famille sombrer l’emporte sur le reste.