RÉTRO – Je m’y suis complètement perdu. C’est le sentiment qui m’a le plus envahi après avoir passé plusieurs jours à tester Oblivion. Il y avait tant de choses à essayer, tant de possibilités pour faire évoluer mon personnage, que j’ai fini par abandonner l’idée de finir le bijou de Bethesda de manière “classique”. J’aurais pu me concentrer uniquement sur la quête principale, bien sûr — après tout, c’est l’avenir de tout un empire qui est en jeu — mais j’aurais alors manqué une multitude de quêtes secondaires, je ne serais pas entré dans les différentes guildes et sectes, et je n’aurais jamais pu façonner mon héros tel que je l’imaginais vraiment.
Et puis franchement, qui peut résister à une quête proposée par un PNJ en détresse, surtout quand la récompense est alléchante et qu’on meurt d’envie de savoir ce qui va se passer à la fin ? Cela faisait très longtemps qu’un RPG solo ne m’avait pas autant happé : Oblivion m’a totalement, littéralement absorbé, aspirant tout mon temps libre comme dans un vide intersidéral. Pendant que j’y jouais, plus rien d’autre n’existait — ni personne, sauf mon personnage et le monde imaginé par Bethesda.
Je viens de m’évader…
Après la magie de World of Warcraft, j’avais du mal à imaginer qu’un autre RPG solo parviendrait à m’en détacher. Et pourtant, c’est sans doute ce qu’il me manquait : un RPG 100% offline, avec des quêtes à foison, des montées de niveau, et un scénario riche et structuré. Un monde où tu peux façonner ton héros à ton image, et pas simplement choisir entre mage ou guerrier.
Comme souvent dans ce genre, on commence misérable, famélique, anonyme — un simple prisonnier dans une cellule crasseuse du palais impérial. Après s’être échappé, tuer un premier rat relève déjà du défi. Mais très vite, on devient plus puissant, on déniche des armes et artefacts magiques de plus en plus destructeurs, capables de réduire en miettes les créatures les plus féroces… ou les civils innocents, si on préfère jouer sale.
Mais la force brute ne suffit pas. On peut se spécialiser dans plusieurs guildes : mages, guerriers, voleurs, ou la sinistre Confrérie Noire. Chacune propose ses propres quêtes, pouvoirs et objets. Et si tu es assoiffé de sang, tu peux même participer à des combats dans l’arène de la Cité impériale. La vraie force d’Oblivion, c’est cette liberté totale : tu fais ce que tu veux, comme tu veux.
Dès les premières minutes, tu explores le monde à ton propre rythme. Tu peux foncer dans la quête principale, te plonger dans les missions de guilde, résoudre les petits soucis des villageois, ou juste flâner dans les paysages incroyablement variés : forêts denses, montagnes majestueuses, prairies paisibles… tout est là pour t’hypnotiser.
Mais au fait, de quoi ça parle ?
La liberté c’est bien, mais il faut un fil rouge, une trame narrative pour structurer l’aventure. Sinon, ça ressemble plus à un MMORPG déconnecté ou à un clone de The Sims. Ceux qui ont joué à Morrowind se souviendront sûrement : trop de liberté, pas assez d’histoire. Le scénario principal était si discret qu’on pouvait passer des heures sans s’apercevoir qu’il existait. Il finissait par devenir intéressant, mais beaucoup avaient déjà décroché.
Bethesda a retenu la leçon. Oblivion propose une intrigue captivante et maîtrisée, avec un héros immédiatement plongé au cœur des événements. Tout commence dans une cellule crasseuse de Cyrodiil, où tu croupis seul… jusqu’à ce qu’un étrange groupe approche dans le couloir.
En tête : l’empereur Uriel Septim, doublé par Patrick Stewart. Ses gardes tentent de le faire fuir par un tunnel secret, qui passe — coup de bol — pile par ta cellule. Évidemment, tu les suis, trébuchant dans des souterrains sombres (qui servent aussi de tutoriel intégré), pendant que le groupe est régulièrement attaqué par des fanatiques. Jusqu’au moment où Uriel est assassiné.
Mais juste avant de mourir, l’Empereur confie une prophétie : il a vu ces événements arriver, et il est persuadé que tu joues un rôle central dans ce qui va suivre. Le cœur de l’intrigue tourne autour d’un mystérieux médaillon et du dernier fils vivant d’Uriel, Martin — doublé par Sean Bean. Ensemble, vous devrez affronter un culte de plus en plus puissant qui veut ouvrir toujours plus de portes d’Oblivion dans tout le royaume, et invoquer un dieu païen.
Ces portails sont des brèches enflammées vers un monde infernal — littéralement, un Doom médiéval. Il ne s’agit pas seulement de les refermer pour sauver le monde, mais aussi d’enquêter sur l’origine du culte, ses membres, ses plans. À un moment donné, tu peux même t’y infiltrer pour mieux le comprendre.
Je ne vais pas spoiler davantage, mais tu l’as compris : le scénario est bien plus construit et mis en avant que dans Morrowind. Et les quêtes secondaires ? Un vrai bijou. Chacune propose une histoire drôle, surprenante ou mémorable, avec des personnages bien plus profonds que dans l’opus précédent. C’est ce qui rend Oblivion aussi addictif : tu t’enchaînes les quêtes annexes comme on enchaîne les chips, au point de laisser tomber l’histoire principale.
L’agence de voyage Elder Scrolls à votre service
Non seulement les quêtes sont meilleures, mais elles sont aussi plus faciles à suivre. Si on te demande de trouver un type au nom imprononçable dans une taverne paumée, tu y arriveras. Et puis il y a le voyage rapide : une fois un lieu découvert, il suffit de cliquer sur la carte pour s’y rendre en un instant. Les grandes villes et leurs quartiers sont accessibles dès le début.
Le temps continue de s’écouler pendant le voyage rapide, donc ce n’est pas de la téléportation magique. C’est juste un excellent moyen d’éviter les longs trajets parfois monotones et sans événements. Et crois-moi, tu vas bénir cette fonction.
Sur mesure, comme chez le tailleur
Comme dans tout bon RPG, le but est de transformer ton héros en champion invincible ou en incarnation du mal absolu. Et la création de personnage ? C’est de la haute couture. Tu règles chaque détail : épaisseur des lèvres, arcades sourcilières, rides, pommettes. Tu peux incarner un Nordique massif, un Breton rusé, un Elfe noir ténébreux, un Argonien amphibien ou un Orque tout vert. L’apparence colle exactement à ton imagination.
Je n’ai jamais pris ce genre de truc au sérieux, genre dans The Godfather, je zappais. Mais là ? J’ai passé une demi-heure à façonner mon Elfe noir jusqu’à ce qu’il soit parfait. Mieux encore : le jeu t’aide à créer ton personnage pendant le tutoriel, en fonction de ce que tu fais. Tu frappes, tu voles, tu lances des sorts ? Le système s’adapte et t’interroge ensuite sur tes préférences.
Tu peux choisir une classe prédéfinie ou créer la tienne de A à Z, nom compris. J’ai inventé une classe “Táltos” : épée dans une main, boule de feu dans l’autre. Et au fil du jeu, ton style évolue naturellement. Tu parles beaucoup ? Tu deviens maître du baratin. Hyper pratique pour vendre tes bricoles à bon prix chez les marchands.
La plupart des compétences sont bien pensées, même si certaines sont inutiles. Acrobaties et athlétisme grimpent toutes seules dès que tu sautes ou cours — pas la peine d’y gaspiller des points. Tu vas de toute façon gambader non-stop.
Des PNJ qui ont enfin une vie
Morrowind, à son époque, c’était magique. Mais soyons francs : ses PNJ étaient des statues parlantes. Debout dans leur boutique ou dans la rue, immobiles, figés. Heureusement, Bethesda ne s’est pas contenté de bricoler : ils ont tout refait avec le système Radiant A.I. Résultat ? Le monde d’Oblivion déborde de vie.
Les gens discutent, mangent, s’entraînent à l’épée, préparent des potions, lisent des bouquins, dorment le soir venu. Les conversations portent sur ce qui se passe : certains parlent des portes d’Oblivion, d’autres de la mort de l’Empereur. Bon, parfois c’est un peu bizarre : genre un mari qui s’adresse à sa femme comme à une inconnue. Ou des répliques qui reviennent trop souvent. Mais dans l’ensemble, c’est bluffant.
Il y a même des moments bien drôles. Une fois, j’ai fui un bandit en entrant dans un monastère : les moines l’ont massacré sans hésiter… puis ont continué leur discussion comme si de rien n’était. Le comportement face aux crimes aussi a évolué : si tu entres dans une zone interdite, on te demande gentiment de partir. Tu tardes ? Ils appellent les gardes. Bon, parfois, tu peux encore piller peinard. Mais globalement, c’est cohérent.
Et attention : les objets volés (affichés en rouge) ne peuvent plus être revendus aux marchands classiques. Il faut passer par les receleurs de la guilde des voleurs. Le système est bien plus crédible que dans les Gothic, et ça fait plaisir.
Un bon PNJ est un PNJ mort ?
On est dans un RPG, donc non, tout le monde ne se laisse pas convaincre par des beaux discours. Le système de combat de Morrowind était franchement bancal, et même si Oblivion s’améliore beaucoup, ce n’est pas encore parfait. Trois styles : corps-à-corps avec armes et boucliers, combat à distance avec arcs, et une tonne de sorts offensifs ou défensifs pour les mages. Une astuce sympa : le coup de bouclier pour faire reculer l’ennemi et l’achever d’un bon coup pendant qu’il vacille.
Évidemment, ça marche aussi contre toi. Si on te repousse, tu perds l’équilibre et tu es vulnérable. Problème si tu affrontes plusieurs ennemis dans un couloir étroit — tu peux te retrouver coincé entre deux stalagmites. La bonne tactique : les attirer dehors, sur un terrain ouvert. En groupe, c’est pire. Si tu touches par erreur un allié, il te le fera payer… au sang.
Un système de ciblage aurait été le bienvenu. En combat, tu dois jongler entre plein d’armes, sorts, potions. Il y a bien une roue de raccourcis avec huit slots… mais c’est largement insuffisant. Quand tu épuises tes potions de soin moyennes, le jeu ne pense pas à sortir les faibles ou puissantes. Heureusement, l’inventaire met le jeu en pause — tu peux chercher tranquillement ce qu’il te faut.
Et le mode troisième personne ? Une blague. Mal fichu, sans réticule, il te pousse à jouer en vue subjective. (Il existe un mod pour corriger ça, ouf.)
La claque graphique
Pour ceux qui attendaient qu’on parle visuels : voilà. C’est simple, Oblivion est à couper le souffle. Le plus beau jeu de son époque, sans conteste. Les forêts foisonnent de feuillages, les arbres ont des écorces détaillées, les pavés sont craquelés, les murs patinés par le temps. Les villes sont des chefs-d’œuvre d’architecture. Le ciel et la météo sont bluffants — la première averse m’a donné la chair de poule.
Bethesda a aussi bossé dur sur les modèles : finie l’armée de clones. Chaque visage est unique. Les morts-vivants sont flippants, surtout ceux à moitié décomposés. Seul défaut : les montagnes lointaines sont floues. Sûrement un choix pour éviter que le jeu ne réclame une centrale nucléaire. Dommage qu’on ne puisse pas booster ça dans les options.
Quand Jeremy joue, on écoute…
Glitchs ou pas, Oblivion met la barre très haut — aussi pour les oreilles. À la BO ? L’inévitable Jeremy Soule. Il recycle des thèmes de Morrowind, mais ça colle toujours aussi bien. Ambiance médiévale, mélancolique, épique. On adore.
Et surprise : tous les dialogues sont doublés, parfois par des acteurs connus. Bon, parfois c’est bizarre d’entendre un ado parler avec la voix d’un vieux… mais dans l’ensemble, c’est réussi. Et les bruitages ? Au top. Épées, sorts, monstres, cris — tout est là pour faire grimper ton adrénaline.
Les sauveurs du genre
On n’a pas été gâtés en RPG ces derniers temps. Mais Oblivion valait l’attente. Malgré quelques défauts, c’est hallucinant ce que Bethesda a accompli ici : un RPG profond, accessible, sublime et incroyablement immersif.
Tellement addictif que même maintenant, en tapant ces lignes, j’ai du mal à ne pas fermer Word pour retourner à Cyrodiil avec mon Elfe noir. Bon, si vous permettez… je reviens vite. Promis.
-Bad Sector- (2006)
Pour :
+ Des centaines de quêtes finement écrites
+ Graphismes somptueux, dignes d’un benchmark
+ Une ambiance magistrale
Contre :
– Bugs
– Plantages
– Ralentissements
Éditeur : 2K Games
Développeur : Bethesda Game Studios
Genre : Jeu de rôle
Sortie : 2006
The Elder Scrolls IV: Oblivion
Jouabilité - 9.8
Graphismes - 9.6
Histoire - 9.1
Musique/audio - 9.5
Ambiance - 9.3
9.5
SUPER
Nous avons affaire à un jeu de rôle d’une complexité stupéfiante et aux graphismes magnifiques : un monde immense à explorer, des milliers de quêtes et des possibilités de personnalisation de personnage incroyables.