Presence – Un drame familial hanté par un regard spectral

CRITIQUE DE FILM – Presence explore la déliquescence d’une famille dysfonctionnelle à travers le regard d’une entité invisible. La mise en scène de Steven Soderbergh prouve que l’histoire de ces parents et de leurs enfants serait tout aussi captivante, même sans l’élément surnaturel.

 

Avec Presence, Steven Soderbergh signe un film audacieux et immersif qui, paradoxalement, fonctionnerait tout aussi bien sans son fantôme. L’ensemble du récit est raconté du point de vue d’une présence invisible qui erre dans la maison, mais ce qui capte véritablement l’attention du spectateur, ce n’est pas le surnaturel : c’est l’implosion lente et étouffante d’une famille en crise. Si Soderbergh et le scénariste chevronné David Koepp (Jurassic Park, Panic Room, Mission: Impossible) avaient opté pour une narration plus conventionnelle, le résultat aurait été tout aussi percutant.

 

 

Une maison témoin du drame

 

Presence se déroule entièrement entre les murs d’une majestueuse maison centenaire, située dans une banlieue américaine anonyme. (Elle pourrait tout aussi bien être voisine de celle de Here, le projet ambitieux de Tom Hanks et Robin Wright.) Soderbergh—qui endosse ici les rôles de réalisateur, chef opérateur et monteur—plonge le spectateur dans la conscience d’une entité invisible qui plane dans la maison à travers des plans-séquences fluides et hypnotiques, avec des fondus au noir marquant le passage du temps. (Le souci du détail est tel qu’on croirait presque qu’Hitchcock lui-même est à la caméra.)

La séquence d’ouverture nous permet de parcourir librement cette demeure vide, nous laissant admirer ses boiseries sombres, sa cuisine chaleureuse et spacieuse, son majestueux escalier menant aux chambres et la vue imprenable depuis les fenêtres du salon. La maison est à vendre, et Julia Fox y fait une apparition éclatante en agent immobilier déterminée, qui conclut rapidement la vente avec le premier couple de visiteurs.

C’est bien entendu la mère, Rebekah (Lucy Liu), qui prend la décision finale, en grande partie parce que la maison se trouve dans un excellent district scolaire, parfait pour son fils adoré, Tyler (Eddy Maday), nageur de compétition. Dès les premières scènes, il devient évident que son mari, Chris (Chris Sullivan), est un élément quasi-inexistant dans la dynamique familiale. Pire encore, Rebekah privilégie sans détour Tyler au détriment de leur fille, Chloe (Callina Laing), une adolescente sensible, qui peine à surmonter la mort de sa meilleure amie, victime d’une overdose.

 

 

Secrets inavouables et famille en perdition

 

Très vite, on comprend que cette famille est totalement dysfonctionnelle. Rebekah occupe un poste à haute responsabilité dans la finance et il devient évident qu’elle est impliquée dans des affaires plus que douteuses—qu’elle justifie en se disant qu’elle fera tout, absolument TOUT pour offrir à son fils les meilleures chances dans la vie. Chris, de son côté, est un homme à bout de nerfs, invisible aux yeux de sa propre famille. Rebekah l’ignore complètement, Tyler affiche une arrogance méprisante qui confine à la cruauté, et Chloe, quant à elle, s’enfonce dans une détresse émotionnelle grandissante. (Dans une scène révélatrice, Tyler raconte, hilare, une histoire de harcèlement dont il a été le témoin. Ce moment souligne à quel point Rebekah encourage, voire alimente, les pires penchants de son fils. Chloe, écœurée, ne cache pas son mépris envers son frère, tandis que Chris, figure passive et soumise, laisse Rebekah imposer son autorité, convaincu qu’il n’a jamais été à sa hauteur.)

David Koepp—qui avait déjà collaboré avec Soderbergh sur l’angoissant et réussi Kimi (2022)—distille avec habileté des détails subtils sur le quotidien de cette famille. Un exemple révélateur : ils ne cuisinent jamais. Chaque repas provient d’une commande à emporter. Chloe est la première à ressentir une présence étrange dans la maison et se persuade rapidement qu’il s’agit de l’âme de sa meilleure amie disparue.

Le fantôme, d’abord facétieux, commence par déplacer des objets dans la chambre de Chloe, refermer des portes, faire trembler les meubles comme si un léger séisme secouait la maison, ou encore souffler un air glacial sur la nuque de l’adolescente. Mais quelque chose bascule. La présence devient protectrice, surtout lorsque Chloe entame une relation avec Ryan (West Mulholland), un jeune sportif charismatique et ténébreux, qui lui répète inlassablement qu’elle a le contrôle sur leur couple—tout en la manipulant d’une manière de plus en plus insidieuse. Et l’entité spectrale, elle, ne semble pas disposée à laisser faire.

 

 

Où se cache la véritable horreur ?

 

À ce stade, on pourrait se demander : comment un film peut-il être véritablement angoissant lorsque tout est montré du point de vue d’un fantôme ? Presence ne manque pas de moments de tension, et réserve même quelques scènes de terreur particulièrement efficaces—dont une, vers la fin, qui vous glacera le sang. Mais plus le film avance, plus nous avons le sentiment étrange de comprendre cette présence. Oui, cela peut sembler absurde, mais d’une certaine manière, nous apprenons à la connaître.

Tout comme la Bête de La Belle et la Bête ou le Fantôme de L’Opéra, ce spectre est une figure tragique, coincée dans une demeure qu’il ne peut quitter, condamné à observer la déliquescence d’une famille moderne qui, en apparence, a tout pour être heureuse, mais qui, de l’intérieur, se désagrège inexorablement. Et c’est précisément là que réside la véritable horreur de Presence.

–Gergely Herpai « BadSector »–

 

Presence

Direction - 7.6
Acteurs - 7.2
Histoire - 7.1
Visuels/Musique/Sons - 7.1
Ambiance - 7.5

7.3

BON

Avec Presence, Steven Soderbergh livre un film atypique et envoûtant, où le surnaturel n’est qu’un prétexte pour révéler les fissures profondes d’un drame familial poignant. Le duo Soderbergh-Koepp orchestre avec finesse un équilibre subtil entre le thriller psychologique et l’horreur. Il ne s’agit pas ici d’un film à jumpscares classiques, mais d’une œuvre bien plus insidieuse, un récit troublant et dérangeant, qui hante longtemps après la fin de la projection.

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BadSector is a seasoned journalist for more than twenty years. He communicates in English, Hungarian and French. He worked for several gaming magazines – including the Hungarian GameStar, where he worked 8 years as editor. (For our office address, email and phone number check out our impressum)

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