La Chine tient son propre Call of Duty et vise le Japon dans un FPS de guerre particulièrement brutal

La Chine investit massivement dans un jeu de tir solo que beaucoup surnomment déjà son propre Call of Duty. Baptisé Fourteen Years of Flames, ce titre revient sur la seconde guerre sino-japonaise avec un réalisme cru, un choix qui inquiète certains au Japon tandis que Pékin y voit une manière de raviver une mémoire historique longtemps minimisée.

 

Pendant des années, Call of Duty a été synonyme de grandes fresques militaires vidéoludiques : batailles spectaculaires, mise en scène hollywoodienne et héros fictifs plongés au cœur de conflits bien réels. Mais, comme l’ont souligné plusieurs journalistes – dont Alan MacLeod – l’implication croissante des institutions américaines autour de la franchise a renforcé son caractère propagandiste, avec des campagnes où les États-Unis apparaissent presque toujours comme les sauveurs incontestés. La communication militaire, toutefois, ne connaît ni frontières ni monopole. La preuve en est Fourteen Years of Flames, surnommé par certains le « Call of Duty chinois », qui raconte la seconde guerre sino-japonaise du point de vue de la Chine, en mettant l’accent sur les crimes commis par l’État japonais.

Pour certains observateurs, un tel projet relève de l’exercice anti-japonais assumé. Pourtant, l’histoire est jalonnée d’épisodes honteux, dérangeants et riches d’enseignements, et ce conflit en fait incontestablement partie. La seconde guerre sino-japonaise, officiellement datée de 1937 à 1945, trouve ses racines dans l’invasion de la Mandchourie par le Japon en 1931. Elle s’étend sur près d’une décennie et est aujourd’hui considérée comme un pan majeur de la Seconde Guerre mondiale, l’un des chapitres les plus sanglants et controversés du théâtre asiatique.

Le conflit s’est caractérisé par des combats prolongés, des bombardements massifs, des violences systématiques contre les civils et une guérilla omniprésente. Le bilan humain est vertigineux : on estime à environ 21,3 millions le nombre de morts côté chinois, dont 17 millions de civils. La brutalité a été telle que des historiens comme le Britannique Laurence Rees parlent d’un « holocauste asiatique », cette guerre concentrant plus de 90 % des victimes de l’ensemble du front pacifique.

 

Un jeu de guerre pensé comme un rappel historique implacable

 

Dans ce contexte, Fourteen Years of Flames se veut à la fois divertissant et pédagogique. Les développeurs n’annoncent pas seulement un récit de guerre spectaculaire, mais aussi un outil de transmission d’une mémoire collective chinoise que le reste du monde connaît mal. Dans un pays où le jeu vidéo est un phénomène culturel de masse, ce type de projet peut contribuer à forger une narration nationale propre autour du conflit et à sensibiliser une nouvelle génération, là où les films ou les livres peinent souvent à toucher un public aussi large.

En Chine, cette période reste une plaie ouverte qui a déjà inspiré de nombreux films et séries sur les atrocités de l’occupation japonaise. Désormais, le studio Fenghuo entend porter ce récit sur le terrain du jeu de tir à la première personne. Dans Fourteen Years of Flames, le joueur incarne sept personnages principaux au fil de seize missions inspirées d’événements historiques réels, sur des fronts variés : des campagnes rurales du nord-est à Chongqing, capitale provisoire en temps de guerre et l’une des villes les plus bombardées de la Seconde Guerre mondiale.

Le studio affirme vouloir proposer la représentation la plus réaliste possible : armes, équipements, véhicules et décors sont recréés à partir de sources historiques, en utilisant ce qu’il décrit comme un modèle à « 1:1 scale model », c’est-à-dire à l’échelle réelle. Les protagonistes sont fictifs, mais leurs trajectoires s’inspirent directement de témoignages de vétérans qui ont vu de leurs yeux la brutalité de l’armée japonaise, mais aussi la violence parfois extrême des guérillas. Selon l’équipe, cette approche doit permettre de proposer un récit plus nuancé, qui ne se résume pas à une opposition manichéenne entre bons et méchants.

 

Un « Call of Duty chinois » sur un front rarement exploré

 

Ce n’est donc pas un hasard si de nombreux joueurs qualifient le projet de « Call of Duty chinois ». Sur le papier, le jeu reprend la recette classique du FPS narratif : mise en scène cinématographique, action militaire spectaculaire et campagne solo très dirigiste. La vraie originalité réside dans le choix du théâtre d’opérations. Au lieu de revenir une énième fois sur l’Europe ou sur les batailles du Pacifique popularisées en Occident, le jeu met en lumière un conflit que le grand public international connaît très peu.

C’est là que Fourteen Years of Flames pourrait se démarquer : en combinant la structure familière d’un grand FPS de guerre avec un front presque absent de la culture vidéoludique mondiale. Ce choix soulève inévitablement la question de la frontière entre mémoire historique et propagande contemporaine, mais les débats qui en découleront ne feront sans doute qu’attiser la curiosité autour du titre.

Pour l’heure, Fourteen Years of Flames ne dispose ni de date de sortie, ni de séquence de gameplay publique, et le jeu ne semble pas prévu dans d’autres langues que le chinois. Malgré tout, il s’annonce déjà comme une rareté dans le paysage actuel : un projet qui ose s’attaquer à l’un des conflits les plus sanglants de l’histoire moderne en choisissant un angle et un terrain que le jeu vidéo avait, jusqu’ici, largement délaissés.

Source : 3djuegos

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