The Smashing Machine – L’instant où l’homme le plus fort du monde se fissure de l’intérieur

CRITIQUE DE FILM – Dwayne Johnson a passé sa carrière à incarner une force indestructible, mais dans The Smashing Machine, il laisse enfin apparaître les failles sous la surface. Le film biographique de Benny Safdie, produit par A24, mêle sueur, douleur et chaos émotionnel, préférant explorer les fractures intérieures plutôt que les coups portés dans la cage. Johnson livre un jeu étonnamment fragile et nuancé, mais l’ensemble du long-métrage frappe rarement avec la puissance annoncée par son titre, offrant un résultat solide mais loin d’être exceptionnel.

 

Les biopics ont toujours été un terrain fertile pour les chasseurs de récompenses : d’Oppenheimer à Gandhi, de Lawrence d’Arabie à La Liste de Schindler, le genre a façonné l’histoire des Oscars. The Smashing Machine cherche clairement à rejoindre cette lignée. Sur le papier, tout y est : A24, un Safdie derrière la caméra, un Dwayne Johnson dépouillé de son image de star, l’addiction, les conflits familiaux… un cocktail taillé pour la saison des prix. Pourtant, la critique s’accorde autour d’un honnête 6/10 : un film soigné, parfois percutant, mais qui manque d’intensité. Techniquement irréprochable, émotionnellement inégal, le film impressionne davantage par son ambition que par son impact durable.

 

Un biopic taillé pour les Oscars ou un film trop sage ?

 

Dès les premières minutes, on comprend que Safdie veut coller au plus près de Mark Kerr. La caméra scrute les visages meurtris, les mains qui tremblent, les déchirures de la peau, comme dans un documentaire. Les biopics sont souvent accusés de chercher les prix, et The Smashing Machine n’échappe pas à cette étiquette. L’ascension, la chute, les dérives, le réveil brutal, puis la quête de rédemption : la trajectoire est classique. Plusieurs critiques soulignent pourtant que Safdie aborde ces moments obligés avec une prudence presque excessive, loin de la nervosité qui caractérisait ses films précédents.

Le film ressemble ainsi davantage à un travail appliqué qu’à une œuvre réellement audacieuse. Son mélange de 16 mm, de 70 mm et de séquences à l’esthétique VHS crée une texture sale, brute, immersive, mais une certaine distance demeure. Comme si le réalisateur hésitait à lâcher totalement la bride. Beaucoup de spectateurs regrettent que, en évitant les écueils habituels du film sportif, Safdie évite aussi les risques dramaturgiques qui auraient pu donner davantage de profondeur psychologique.

 

Mark Kerr : invincible dans la cage, au bord du gouffre hors du ring

 

Entre 1997 et 2000, Mark Kerr domine la scène du MMA tout en se désintégrant lentement. Le film s’attache à ce double visage : guerrier mécanique dans la cage, homme brisé dans la vie quotidienne. Dépendance aux opioïdes, douleurs chroniques, anxiété permanente, honte diffuse : Kerr s’effondre sur tous les plans. Chaque victoire ressemble de plus en plus à un sursis.

Sa relation avec Dawn (Emily Blunt) ne fait qu’accentuer la spirale. Colères, crises, jalousie, accusations… leur couple évolue dans un cyclone émotionnel sans fin. Beaucoup de critiques soulignent la répétitivité et la toxicité pesante de ces scènes, qui reflètent certes la réalité de Kerr, mais fatiguent le spectateur. Lorsque les défaites commencent à s’enchaîner, les médias se retournent contre lui, et le public détourne le regard, accélérant sa chute.

Au cœur de ce chaos, Mark Coleman (Ryan Bader) apparaît comme un phare. Ami, coach, figure fraternelle, il est la présence la plus humaine du film. Il relève Kerr, le confronte, l’encourage sans jamais le juger. La manière dont Safdie montre cette amitié masculine — forte, vulnérable, dénuée de cynisme — donne au film certaines de ses plus belles séquences.

 

Un Rock fissuré : une masculinité étonnamment sensible

 

Dwayne Johnson bouleverse son image. Grâce au maquillage subtil de Kazu Hiro, son visage perd son éclat de star, mais le véritable changement vient de son jeu : voix hésitante, regard éteint, corps courbé sous le poids de la honte et de la fatigue. Il joue en retenue, laissant la douleur remonter par vagues silencieuses.

Kerr apparaît comme un homme doux, introverti, presque timide, sauf lorsqu’il est enfermé dans la cage. Dans ses réflexions en voix off, il décrit la violence du sport sans la glorifier, comme un mécanisme auquel il s’est habitué. Cette dualité — machine en surface, être fragile en profondeur — constitue le cœur du film. Beaucoup considèrent qu’il s’agit de la performance la plus délicate et la plus honnête de Johnson à ce jour, et de son premier rôle réellement digne d’un prix majeur.

Le film aborde la masculinité d’une manière rare dans le cinéma sportif. Les hommes y pleurent, s’effondrent, s’étreignent, parlent de leurs blessures mentales, demandent de l’aide sans honte. Safdie filme ces moments avec une bienveillance dépourvue de jugement. Même les critiques les plus froides reconnaissent la force émotionnelle et la sincérité de ces scènes.

 

Une compagne irritante, un final étrange et un film un peu trop long

 

Le personnage de Dawn, interprété par Emily Blunt, divise fortement. La réalisation lui attribue un rôle proche du cliché : la partenaire instable, explosive, enfermée dans des disputes circulaires. Blunt s’investit, mais la caractérisation est simpliste, parfois agaçante. On devine que la véritable Dawn était bien plus complexe.

Visuellement, Safdie maîtrise son sujet. La caméra portée et la musique anxieuse de Nala Sinephro plongent le spectateur dans un état de tension continue. Pourtant, de nombreux critiques pointent une certaine monotonie, un rythme qui s’alourdit, et plusieurs scènes trop proches du documentaire consacré à Kerr en 2002. Comme si le film reproduisait l’existant au lieu d’en proposer une relecture personnelle.

Le final en IMAX, où le vrai Mark Kerr apparaît dans un supermarché avant de saluer la caméra comme dans un ancien épisode de Hawaii Five-O, déroute totalement. Le ton dévie, l’émotion s’éteint, le spectateur décroche. Avec une durée de 123 minutes qui se ressent pleinement, le film semble s’étirer au lieu de se resserrer.

 

Un bon film qui ne deviendra jamais une légende

 

En fin de compte, The Smashing Machine est un film honorable, parfois puissant, souvent mesuré. Les éléments typiques des Safdie sont là, mais sans leur radicalité habituelle. C’est une œuvre à voir, surtout pour la performance surprenante de Johnson, mais qui ne marquera sans doute pas durablement la mémoire du public.

-Gergely Herpai BadSector-

 

The Smashing Machine

Direction - 6.4
Acteurs - 8.2
Histoire - 6.8
Image/Musique/Son: - 7.5
Ambiance - 6.6

7.1

CORRECT

The Smashing Machine est un biopic rugueux mais émotionnellement inégal, porté par la prestation la plus vulnérable de Dwayne Johnson. Safdie signe une mise en scène solide mais trop fidèle à ses sources documentaires, ce qui rend le récit parfois lent et trop prudent. Un film correct, proche du 6/10, dont la valeur repose surtout sur son acteur principal.

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BadSector is a seasoned journalist for more than twenty years. He communicates in English, Hungarian and French. He worked for several gaming magazines - including the Hungarian GameStar, where he worked 8 years as editor. (For our office address, email and phone number check out our impressum)

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