En portant ses exclusivités sur Steam, Sony a déjà encaissé plus d’un milliard de dollars, pourtant l’intérêt des joueurs PC s’essouffle clairement. Ce qui ressemblait autrefois à un événement à chaque nouveau portage PlayStation passe de plus en plus inaperçu, et les derniers jeux n’approchent même pas l’impact de la première vague.
Il y a environ cinq ans, Sony a décidé de ne plus réserver ses jeux first party au salon, et de les proposer aussi sur PC. Le lancement de cette stratégie a été exemplaire. Arrivé sur Steam, Horizon: Zero Dawn s’est vendu à près de cinq millions d’exemplaires. Pris dans son ensemble, le projet est très rentable. PlayStation a conservé sa position dominante sur le marché des consoles tout en se taillant une place lucrative sur la plateforme de Valve. Les estimations évoquent déjà plus de 1,5 milliard de dollars de chiffre d’affaires brut réalisés sur Steam. Derrière ces chiffres flatteurs se cachent pourtant des réalités moins confortables.
La première est un chiffre aussi impressionnant que dérangeant: près d’un tiers des revenus Steam de Sony provient de Helldivers 2. D’après le rapport d’Alinea Analytics, le shooter coopératif d’Arrowhead Studios s’est écoulé à 12,7 millions d’exemplaires et a généré plus de 400 millions d’euros sur PC. PlayStation profite évidemment de ce succès, mais ce n’est pas une victoire stratégique à long terme. Sa vache à lait principale n’est plus un jeu dont il détient totalement la destinée. Le PDG du studio a déjà annoncé publiquement que leur prochain projet serait développé de manière indépendante. Il ne s’agit pas d’un divorce conflictuel – ils continuent de qualifier Sony de partenaire formidable –, mais c’est tout de même un signal très clair en faveur de l’indépendance.
Heureusement, d’autres titres PlayStation se sont aussi bien comportés sur PC. God of War (2018), Days Gone et Marvel’s Spider-Man Remastered ont, à eux trois, dépassé les dix millions d’exemplaires vendus et généré environ 375 millions de dollars de revenus. Ce sont de beaux résultats, en particulier pour Days Gone, qui a largement dépassé les prévisions les plus optimistes. Le road trip de Deacon St. John n’avait pas non plus démérité sur console – les jeux first party de Sony font rarement un flop – mais il restait en retrait des plus grandes exclusivités PS4. Sur PC, l’histoire est différente, au point qu’il a même réussi à dépasser le remaster de Spider-Man.
Où est donc le problème? Essentiellement dans le fait que les meilleurs résultats PC de PlayStation concernent des jeux anciens. Si l’on compare les 427 premiers jours de commercialisation, God of War (2018) a vendu presque deux fois et demie plus que God of War Ragnarök. On observe la même tendance en confrontant Marvel’s Spider-Man Remastered à Marvel’s Spider-Man 2 – le premier a vendu deux fois plus d’exemplaires durant ses 294 premiers jours. La saga Horizon illustre encore plus crûment cet écart: en 608 jours, Horizon: Forbidden West n’a atteint qu’environ un tiers des ventes PC de Horizon: Zero Dawn sur la même période.
Statistiques trompeuses ou stratégie mal calibrée?
L’étude d’Alinea Analytics a le mérite de mettre en lumière une tendance nette, mais elle demande aussi une certaine mise en perspective. Depuis 2022, Sony a sorti plus de quinze jeux PlayStation sur PC. Au lieu d’étaler les sorties pour laisser respirer chaque titre, l’éditeur a privilégié un rattrapage rapide de son catalogue. Ce choix explique en partie la situation de la saga Marvel’s Spider-Man. Sur consoles, cinq ans séparent le premier épisode du second. Sur PC, à peine deux ans et demi. Dans ces conditions, difficile de faire du sequel un événement, ce qui pèse forcément sur ses performances commerciales.
Le recul de l’intérêt pour les portages PlayStation se voit aussi sur des jeux comme The Last of Us Part I, Until Dawn ou Returnal. Chacun traîne sa propre histoire – lancement technique compliqué, public plus restreint, arrivée tardive – qui permet d’expliquer en partie leurs chiffres en demi teinte. Reste que ces titres n’ont pas atteint le niveau espéré. La seule véritable exception se nomme Ghost of Tsushima. Même si Sony n’a pas communiqué de données précises de ventes ou de revenus, on sait que c’est le jeu solo PlayStation qui a atteint le pic d’utilisateurs simultanés le plus élevé sur Steam, et qu’il a conservé cette base mieux que n’importe quel autre portage. De quoi alimenter les spéculations sur une éventuelle sortie future de Ghost of Yōtei sur PC.
Avant de sortir les fourches, il faut le répéter: les résultats de PlayStation sur PC sont loin d’être catastrophiques. Les ports sont rentables et ont élargi le public des licences. La vraie question est ailleurs. Au vu de son catalogue et de sa puissance de feu marketing, Sony pourrait faire beaucoup mieux sur ce segment. Désormais, la plupart des gros hits ont déjà rattrapé leur retard sur Steam et l’éditeur n’est plus dans une logique d’urgence. Cela place la marque face à un carrefour étrange. Faut il renforcer encore la stratégie PC avec un calendrier plus fin et des lancements mieux pensés, ou au contraire resserrer les rangs pour redonner à l’exclusivité console un rôle central dans l’identité de PlayStation?
Source : 3djuegos
