TEST – Dans un paysage free-to-play bourré de pièges aigris, entendre qu’une fresque wuxia chinoise promet que ta légende sera écrite par tes réflexes et ta ténacité plutôt que par le plafond de ta carte bleue ressemble presque a un conte de fées. Where Winds Meet te balance pourtant gratuitement un immense morceau de Chine médiévale teintée de fantasy, ou tu cours sur les murs, sautes de sommet en sommet, épée ou lance a la main, en découpant des boss en lambeaux. Le souci, c’est que le vent ne souffle pas toujours dans le bon sens : entre deux duels jubilatoires et quelques affrontements de boss vraiment mémorables, tu te prends en pleine face un UI chaotique, des mini-jeux dispensables et un scénario bringuebalant, ce qui donne au final un action-RPG tres attachant, mais tout aussi paradoxal.
Sur le papier, le point de départ de Where Winds Meet relève du fantasme pur et simple : un action-RPG en ligne free-to-play version wuxia, situe pendant la période mouvementée des Dix Royaumes, ou tu incarnes un jeune épéiste qui tente de recomposer son identité pendant que les empires s’effondrent autour de lui. Des les premieres minutes, le jeu te répete que ta légende n’est pas censee dépendre de l’épaisseur de ton portefeuille, et dans l’ensemble il respecte cette promesse : tu ne peux pas acheter d’armes, d’armures ou de niveaux dopés aux statistiques avec de l’argent réel, la monétisation se concentre sur les skins, les tenues, les montures et un season pass.
Du coup, la colonne vertébrale de l’expérience n’est pas la boutique, mais le combat, l’exploration et la progression de ton personnage. La plupart des armes, competences et matériaux d’amélioration se récupèrent naturellement sur le terrain, dans les donjons, via les quetes ou les evenements, donc si tu acceptes de te mettre sérieusement au farm, tu peux vraiment monter un personnage solide sans jamais te sentir pousse vers la caisse. Dans un marché ou une grosse partie des free-to-play flirte sans complexe avec le pay-to-win ou te harcele de microtransactions, rien que ca, c’est un énorme point positif.
Monde ouvert wuxia ou il se passe toujours quelque chose
Le monde ouvert est l’un des plus gros atouts de Where Winds Meet. Tu disposes d’une carte gigantesque faite de montagnes, de rizières, de marécages brumeux, de villages et de grandes villes animées, et a chaque virage tu peux tomber sur un truc bizarre : un village en ruines enveloppé de fumée avec sa petite enquete a mener, un monastère ou les moines continuent a t’attaquer bien apres leur mort, ou encore des oies sauvageonnes beaucoup trop agressives qui démontent les épéistes distraits. Par moments, on a l’impression que le jeu veut te verser sur la tete tout le best of d’un marathon de films wuxia en quelques heures, avec plus ou moins de réussite.
Ce qui maintient le plaisir de l’exploration, c’est surtout la sensation de mouvement. Tu cours sur les murs, tu grimpes en flèche sur les falaises, tu enchaines doubles et triples sauts en l’air, tu glisses sur des coussins de vent avant de t’écraser au milieu des ennemis avec une attaque de type choc au sol. L’escalade repose sur une jauge d’endurance qui fait clairement un clin d’oeil a Breath of the Wild, mais le jeu se montre plus indulgent – en échange, certaines zones te retirent d’un coup une partie de tes capacités de déplacement les plus stylées, ce qui ressemble plus a une contrainte artificielle qu’a un vrai choix de level design. La carte est truffée de coffres, de collectibles et de recoins secrets, donc si tu fais partie de ceux qui aiment nettoyer un monde de fond en comble, tu peux y disparaître pendant des heures.
Les énigmes, en revanche, ressemblent davantage a du travail bien fait qu’a de vraies fulgurances de game design. La plupart du temps, tu observes l’environnement, les leviers, les symboles, puis tu fais exactement ce que le jeu attend discrètement de toi. Les solutions sont presque toujours uniques, il y a peu de place pour l’expérimentation ou les détours malins, donc meme si ces passages restent agréables sur le moment, tu n’as quasiment jamais le sentiment d’avoir réellement pris le jeu de vitesse.
Spectacle visuel qui dévore ton espace disque
Vu de loin, Where Winds Meet n’a aucun mal a se placer a côté des gros action-RPG AAA. Les modèles de personnages sont tres détaillés, les armures et tenues sont richement décorées, les coups d’épée font jaillir des gerbes d’étincelles, les arbres se découpent sous une lune rouge, et des villages entiers émergent de nappes de brouillard, créant ce genre de moments qui te donnent envie de dégainer le mode photo toutes les cinq minutes. Les animations claquent elles aussi, surtout quand le héros passe en mode wuxia complet, en courant sur les murs, en bondissant sur les ennemis ou en bloquant des salves de fleches avec une simple ombrelle.
Forcément, ce rendu a un cout : sur PC comme sur PS5, le jeu engloutit facilement une centaine de Go, et meme avec une machine costaud tu verras quelques accrocs techniques. Le framerate peut flancher dans les zones urbaines plus denses ou lors des grosses bastons de foule, et il arrive que certaines textures s’affichent avec un léger retard. Ce n’est jamais la cata totale, mais tu sens bien que le moteur a parfois du mal a suivre ses propres ambitions. Sur console, tout est un peu plus stable, mais tu perçois quand meme les sacrifices faits pour tenir l’équilibre entre fluidité et mise en scene.
Ce qui fait vraiment grincer des dents sur toutes les plateformes, c’est l’interface. Les menus donnent l’impression qu’on a fusionné un tableur et un MMO mobile. Une dizaine de monnaies différentes, des arbres d’amélioration séparés, des sous-menus dans les sous-menus, une carte recouverte de petits icones… pas étonnant qu’une bonne partie de la communauté blague en disant que l’UI est le boss le plus dur du jeu. A la manette, c’est encore plus douloureux : tu peux naviguer au D-pad comme au stick analogique, mais a certains endroits l’un des deux cesse soudainement de répondre, et un simple retour en arriere peut te renvoyer tout en haut de la liste. Clavier-souris rend l’ensemble un peu plus supportable, mais tu as toujours l’impression d’avoir une pile de systèmes conçus chacun dans leur coin et collés ensemble sans vision d’ensemble.
Combat wuxia ou ce sont tes réflexes qui mènent la danse
Le combat est, sans grande surprise, le pilier le plus solide de Where Winds Meet. On voit tres bien combien l’équipe a observé les soulslike, et en particulier le rythme de Sekiro, meme si ici le système se montre nettement plus indulgent. Les parades parfaites et les contre-attaques bien timées sont cruciales, mais tu as plus de marge d’erreur, tu encaisses davantage de coups, et tes attaques spéciales a cooldown te permettent de composer des combos vraiment spectaculaires. Tu peux te battre a l’épée, a la lance, avec un éventail ou meme avec une ombrelle meurtriere, chaque arme ayant son propre moveset et ses attaques spéciales, ce qui t’incite vraiment a expérimenter.
Plutot que de t’enfermer dans des classes figées, le jeu te pousse a assembler des combinaisons d’armes et de roles. Tu peux jouer le tank classique avec des competences qui servent de bouclier et attirent l’aggro, ou opter pour un lancier beaucoup plus agressif qui maintient la pression en permanence. En co-op, cette flexibilité fait des merveilles, car l’équipe peut ajuster les roles au fil des combats, décider qui buffe, qui soigne et qui tient la ligne. Au fur et a mesure que tu avances, de nouvelles armes, postures et capacités se débloquent, tu as donc toujours une bonne raison de revenir affronter un ancien boss pour tester un build fraîchement monte.
Face aux ennemis de base, en revanche, l’ensemble peut paraître étonnamment pataud. Les mobs ont souvent des réactions de touche un peu molles, les hitboxes ne sont pas toujours tres lisibles et la caméra te joue des tours dans les endroits exigus. Dès qu’un vrai boss entre en scène, en revanche, tu as presque l’impression de passer dans un autre jeu : combats en plusieurs phases mis en scene comme des set-pieces, difficulté qui monte nettement d’un cran, et ou la gestion de la parade, du placement et de ton build prend toute son importance. Ce sont ces affrontements qui donnent les pics d’adrénaline pour lesquels tu es pret a pardonner beaucoup de choses.
Free-to-play honnête mais systeme de gacha sans frissons
Comme il s’agit d’un titre en ligne free-to-play, la couche gacha est inévitable. La bonne nouvelle, c’est qu’ici tu ne tires pas des armes ou des armures gavées de statistiques, mais des cosmétiques : tenues, skins d’armes, chevaux, montures et autres gadgets visuels. Beaucoup de costumes se débloquent simplement en jouant, en réussissant certains evenements ou en faisant monter ta réputation, donc si tu refuses de dépenser le moindre centime, tu n’es pas condamné a traverser le monde en look de clochard.
La mauvaise nouvelle, c’est que cette partie gacha manque clairement de peps. Le pool de récompenses est rempli de matériaux d’upgrade, d’objets de craft et de jetons divers qui, manette en main, paraissent rarement vraiment précieux, donc lorsque tu finis par réunir assez de monnaie in game pour tenter ta chance sur une bannière, tu as souvent l’impression d’avoir balancé tes jetons dans le vide. On peut saluer le fait que le systeme ne glisse jamais vers un vrai pay-to-win, mais la mécanique de la récompense ne fonctionne pas du tout ici – a l’inverse du combat et de l’exploration, ou chaque nouvelle arme, competence ou zone débloquée donne l’impression d’un vrai pas en avant.
Histoire qui démarre fort puis se perd en route
Côté narration, Where Winds Meet est aussi inégal que sur le plan du gameplay. Le prologue fait tres bien le job : intro stylée, intrigues de cour, tensions politiques, petite couche de mystere, tout ce qu’il faut pour un bon récit wuxia. L’éditeur de personnage te laisse fignoler ton héros dans les moindres détails, et pendant les premieres heures tu as vraiment l’impression d’entrer dans un grand drame personnel. Une fois passé ce cap et arrivé dans le “vrai” jeu, le rythme du scénario se casse pourtant la figure, les scenes s’enchaînent de facon heurtée et tu as souvent le sentiment que le protagoniste et le monde n’habitent pas tout a fait la meme réalité.
Un moment tu risques ta peau dans une épreuve mortelle, tu pars sur le terrain résoudre un mystere ou abattre un adversaire imposant, et la scene suivante des PNJ importants te parlent comme si de rien n’était, ou te reprochent d’avoir seché tes devoirs. La cohérence en prend un coup, les motivations des personnages deviennent difficiles a suivre, et meme si certains passages isolés fonctionnent tres bien sur le plan émotionnel, l’ensemble ressemble plus a une succession d’épisodes qu’a un vrai fil rouge.
Vu sous l’angle du co-op, le jeu donne aussi l’impression d’etre inachevé. Tu peux bien sur partir en groupe farmer des donjons, chasser des world boss, enchaîner les evenements et les quetes secondaires, mais seul l’hote fait avancer l’histoire principale. Les invités ne peuvent pas parler aux PNJ clés et ne débloquent pas leur propre campagne, ce qui fait qu’en jouant essentiellement entre amis, tu prends tres vite l’habitude de zapper tous les dialogues pour retourner plus vite au grind partagé. C’est exactement le genre de choix de design qui tire la narration dans le pied, dans un jeu qui mise pourtant beaucoup sur ses mecanismes coopératifs.
Oies démoniaques, PNJ bavards et avenir en pointillés
Where Winds Meet fait partie de ces jeux chinois qui n’ont pas peur de tenter des choses. D’un côté, tu as des oies surpuissantes déjà devenues mèmes qui démolissent sans pitié les épéistes distraits tant que personne n’a trouvé comment les pousser dans l’eau. De l’autre, tu croises des PNJ dopés a des systemes de chat IA, censés rendre les conversations plus ouvertes, mais qui pour beaucoup de joueurs brisent surtout l’immersion. Mis bout a bout, ces idées résument bien l’ambition du projet : vitrine technologique d’un côté, bac a sable d’expériences de l’autre, ou l’équipe essaie a peu pres tout ce qui lui passe par la tete.
Le prix a payer, c’est une expérience tres inégale. Quand tu es au coeur d’un combat de boss bien mis en scene, ou simplement perché en silence sur une arrête rocheuse a contempler des vallées noyées de brume, il est tres facile de tomber amoureux de ce monde. Puis tu ouvres un menu, tu te fais happer par un mini-jeu crispant ou tu regardes le scénario s’emmêler les pieds tout seul, et la magie s’évapore instantanement. C’est le prototype meme du sept-sur-dix : quand le jeu joue vraiment sur ses forces, il pourrait sans peine devenir l’une des grosses surprises de l’année, mais tant que les idées bancales ne seront pas élaguées, il restera un wuxia tres prometteur, mais aussi tres chargé en compromis.
-Gergely Herpai “BadSector”-
Pro :
+ Monde wuxia somptueux et atmosphérique, rempli de secrets et de lieux mémorables.
+ Systeme de combat flexible et spectaculaire, qui brille surtout lors des affrontements de boss.
+ Modele free-to-play honnête, sans vrais crochets pay-to-win et avec beaucoup d’armes et de competences a débloquer en jouant.
Contre :
– Interface et menus chaotiques, difficiles a lire, surtout a la manette.
– Histoire inégale, au rythme poussif, qui sabote souvent ses propres moments forts.
– Progression du scénario principal verouillee sur l’hote en co-op, et récompenses gacha rarement vraiment excitantes.
Développeur : Everstone Studios
Éditeur : NetEase Games
Genre : Action-RPG, wuxia, jeu de rôle en ligne en monde ouvert
Date de sortie : 14 novembre 2025
Where Winds Meet
Jouabilité - 7.6
Graphismes - 8.4
Histoire - 6.5
Musique/Audio - 8.2
Ambiance - 7.4
7.6
BON
Where Winds Meet est un immense et spectaculaire jeu de wuxia en monde ouvert, où le système de combat, les affrontements contre les boss et l'exploration peuvent vous faire oublier la plupart des inconvénients des jeux en ligne gratuits. Cependant, ses menus obscurs, son scénario maladroit et parfois illogique, ainsi que son mode coopératif limité risquent de décourager rapidement de nombreux joueurs. Si vous parvenez à passer outre ses défauts et à vous imprégner de son rythme, vous découvrirez une épopée wuxia très attachante offrant un contenu conséquent et gratuit, même si vous n'apprécierez peut-être pas chaque instant.








