La statue de cire de Szoboszlai arrive sans doute au pire moment

Alors qu’on dévoile en centre-ville la statue de cire de Dominik Szoboszlai au Madame Tussauds Budapest, le terrain raconte en même temps une histoire bien plus douloureuse : une défaite 3–0 contre Manchester City, un revers en éliminatoires du Mondial face à l’Irlande qui a définitivement enterré les espoirs de Coupe du monde, et une interview de Csernus dressent un portrait nettement moins flatteur du capitaine de la sélection. La nouvelle icône du foot hongrois reçoit ainsi à la fois une forme de « postérité » en cire et une réalité implacable sur la pelouse.

 

Peu de choses symbolisent autant l’accession au statut de star que le fait d’avoir sa propre statue de cire. La nouvelle figure du Madame Tussauds Budapest, Dominik Szoboszlai, a rejoint dans la salle de sport des noms comme Ferenc Puskás, László Papp ou Cristiano Ronaldo. Sauf que le calendrier est, pour rester poli, assez inconfortable : on « immortalise » le capitaine de l’équipe nationale quelques jours à peine après une lourde défaite avec Liverpool à Manchester, et au moment où la Hongrie laisse filer à domicile un match de qualification décisif pour le Mondial contre l’Irlande.

Pendant que les touristes se prennent en photo en ville avec le double figé du milieu de terrain en maillot national, la réalité est faite d’un vestiaire plombé, d’une présence politique très visible dans la tribune VIP de l’Etihad Stadium et d’un psychiatre médiatique qui démonte publiquement la mentalité des stars de la sélection. Il est rare que la machine à hype et la réalité qui refroidit les esprits se percutent à ce point.

 

Déroute à Manchester, avec le Premier ministre en tribune VIP

 

Une partie de cette histoire commence début novembre, lors du déplacement à l’Manchester City, où le Liverpool de Szoboszlai s’incline 3–0. Le match est suivi sur place par Viktor Orbán lui-même, installé, selon la presse britannique, dans la loge VIP du propriétaire de City. Les caméras le montrent à plusieurs reprises pendant que l’équipe de son « garçon hongrois » passe une très mauvaise soirée.

Szoboszlai débute la rencontre, mais tout le milieu de terrain de Liverpool court derrière le ballon. City domine, les pertes de balle et les mauvais choix s’enchaînent, et au bout du compte la défaite est nette, trois buts d’écart. La presse anglaise comme hongroise ne ménage pas ses mots : pour beaucoup, ce match met en lumière à quel point l’axe du nouveau système de Liverpool reste fragile, et montre aussi que le milieu hongrois est très loin de la forme étincelante affichée en début de saison.

Pris isolément, le fait qu’Orbán soit dans la loge pourrait passer pour une simple anecdote, une curiosité politique de plus. Mais à la lumière de la suite, la scène colle parfaitement à une narration où se mélangent politique, statut de méga-star nationale et réalité du terrain. En haut, l’invité d’honneur en costume, en contrebas, une équipe de Liverpool en souffrance et un milieu hongrois à court de solutions – pas vraiment l’image idéale pour quelqu’un qui vient d’obtenir sa statue de cire de « superstar mondiale ».

 

Série noire en sélection et capitaine en larmes

 

Quelques jours plus tard, la soirée est encore plus douloureuse, cette fois sous le maillot de la Hongrie. Lors du match de qualification pour la Coupe du monde disputé à Budapest contre l’Irlande, tout semblait aligné pour une victoire : avantage du terrain, stade plein, et la confiance accumulée grâce aux bons résultats des dernières années. Au lieu de cela, la sélection s’incline 3–2, le but irlandais de la victoire tombant dans le temps additionnel, à la 96e minute. De nombreux commentaires soulignent qu’en fin de match, l’équipe s’est littéralement désagrégée mentalement et a aussi fini à court de jus physiquement.

Capitaine, Szoboszlai reste sur le terrain jusqu’au coup de sifflet final, mais cette fois il ne parvient ni à marquer, ni à peser réellement sur le jeu. Les images télé montrent clairement qu’au moment du coup de sifflet, il enfouit son visage dans son maillot avant de partir, les larmes aux yeux, saluer les supporters. Dans son interview d’après-match, il parle d’une équipe qui « doit encore quelque chose » au public et tente d’expliquer une célébration de but que certains ont très mal interprétée.

La défaite est d’autant plus cruelle que ces dernières années, la sélection avait enchaîné les résultats solides au point que beaucoup finissaient par considérer les exploits comme une forme de normalité. Cet échec, qui a définitivement rayé la participation au Mondial, n’est pas seulement une gifle douloureuse : il pose brutalement la question suivante : la narration autour de la « génération dorée » et du « capitaine superstar » n’a-t-elle pas couru beaucoup plus vite que ce que l’on voit réellement sur le terrain ?

 

Immortel en cire, mal à l’aise dans une attraction du centre-ville

 

Dans ce contexte, le contraste est d’autant plus frappant que, parallèlement à tout cela, on dévoile au centre-ville la statue de cire de Dominik Szoboszlai dans l’exposition du Madame Tussauds Budapest. Le joueur est présent en personne, interrogé sur scène par le commentateur vedette István Hajdú B. sur ce que l’on ressent en étant face à son double en cire. Szoboszlai explique : « C’est un immense honneur pour tout le monde de voir le Madame Tussauds faire une statue de cire à son effigie. C’est une forme d’immortalité et une reconnaissance de ce que vous avez accompli. Ça me touche de porter ici le maillot de l’équipe nationale, surtout à côté de Puskás, Ronaldo et Messi. » Il insiste sur le fait que cela a pour lui une valeur symbolique particulière.

Les équipes du Tussauds ont travaillé pendant des mois sur la figure : selon les communiqués, tout a été mesuré au millimètre près, de la distance entre les yeux jusqu’aux nuances de la couleur des cheveux. Les tatouages ont été peints à la main pendant six semaines. La statue porte le maillot de la sélection hongroise, comme le souhaitait le joueur. Szoboszlai résume ainsi son rapport au maillot national : « Le maillot de l’équipe nationale compte plus que tout pour moi. Porter les couleurs du pays est un privilège, mais aussi une énorme responsabilité. »

Si tout cela intervenait après une série de victoires, beaucoup se contenteraient sans doute de se réjouir de voir un joueur hongrois rejoindre la galerie des grandes figures du sport mondial. Mais dans la situation actuelle, une partie des supporters ressent plutôt un malaise : l’impression que l’on cherche à figer dans la cire un rôle de héros alors que, ces dernières semaines, la performance sur le terrain a clairement été en dessous de cette image.

 

Csernus : la starisation ne suffit pas, il faudrait aussi du savoir-faire et du sens des responsabilités

 

Le contraste est encore accentué par la prise de parole publique de Csernus Imre. Dans une interview radio après le match contre l’Irlande, le psychiatre explique, en substance, que chez plusieurs joueurs de la sélection, y compris parmi les plus grandes vedettes, « la starisation et l’absence de savoir-faire ne vont pas ensemble ». Selon lui, l’équipe s’est effondrée mentalement et les hommes clés n’ont pas supporté la pression au moment où cela comptait vraiment.

Csernus ne se contente pas de généralités : il cite nommément Szoboszlai comme quelqu’un qui, en tant que capitaine, devrait assumer une responsabilité bien plus grande, et pas seulement au niveau des gestes symboliques. L’interview fait grand bruit, parce qu’il est rare que les stars soient critiquées aussi frontalement, du point de vue psychologique, en Hongrie, et encore moins juste après une défaite aussi récente et aussi douloureuse.

Le tableau se complète ainsi : un joueur que la politique et le marketing traitent déjà comme une icône, pendant qu’un psychiatre connu estime que, mentalement, il est loin du niveau que l’on pourrait attendre d’un capitaine de classe mondiale. D’où cette question qui revient chez beaucoup de supporters : à qui s’adresse vraiment cette statue de cire ? Aux touristes, aux communicants, ou à une carrière qui n’en est peut-être encore qu’à mi-chemin ?

 

Que peut en faire Szoboszlai – et qu’allons-nous en faire, nous ?

 

Sous cet angle, la position de Szoboszlai est double. D’un côté, il est difficile de contester qu’il soit le footballeur hongrois le plus réussi des dix dernières années, titulaire dans un club de tout premier plan, et modèle pour des dizaines de milliers d’enfants. Les buts marqués sous le maillot de Liverpool, les matchs de Ligue des champions, le rôle de meneur assumé en sélection, tout cela le rend très concrètement exemplaire pour une génération entière.

De l’autre, le football est un sport impitoyablement ancré dans le présent. Peu importe ce que vous avez fait l’an dernier si, cette saison, les résultats ne suivent pas. Les éliminatoires de la Coupe du monde ont un enjeu énorme, au club il faut prouver sa valeur semaine après semaine, et pendant ce temps le chef du gouvernement s’affiche en tribune, tandis qu’au centre-ville on inaugure une statue de cire. Le contraste n’en devient que plus violent. Les supporters n’attendent pas une campagne de relations publiques, ils veulent des performances régulières, des buts, des victoires.

Jusqu’à présent, la communication de Szoboszlai après les défaites a davantage été marquée par la prise de responsabilité que par la recherche d’excuses. Sur les réseaux sociaux aussi, il parle plutôt d’une équipe qui « doit encore quelque chose » aux supporters que d’un groupe victime de circonstances extérieures. C’est un point positif. Mais on voit aussi que le poids psychologique du brassard est énorme et peut écraser même un joueur qui, en club, est habitué à partager la responsabilité avec d’autres cadres.

La vraie question est désormais de savoir comment sortir de cette séquence pour que cette « immortalité en cire » ne finisse pas comme une plaque commémorative gênante d’une campagne de qualifications ratée. Cela passera sans doute par moins d’événements protocolaires et plus de travail silencieux sur le terrain, dans la récupération, dans la tête, ainsi que par des retours plus honnêtes du staff technique.

Du point de vue hongrois, on comprend bien sûr l’envie de placer immédiatement sur un piédestal le premier meneur de jeu depuis longtemps à évoluer dans un club de tout premier plan. L’erreur commence lorsque la statue est prête plus vite qu’un niveau de performance élevé et durable. La statue de cire du Madame Tussauds n’est pas un problème en soi – tout au plus un signal un peu bruyant qu’il serait temps d’aligner la réalité sportive sur l’image que l’on construit, afin de ne pas avoir à regarder cette période avec gêne plus tard.

Szoboszlai n’est encore, à l’échelle internationale, qu’au début de sa carrière. Reste à savoir si cette statue deviendra le « buste » d’un footballeur d’exception ou bien le monument un peu trop tôt érigé au-dessus d’une génération qui aura finalement laissé passer sa chance. Ce sont les performances des prochaines années, pas les flashs des appareils photo dans une attraction du centre-ville, qui trancheront.

Source : Index, Nemzeti Sport, 24.hu, Forbes

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BadSector is a seasoned journalist for more than twenty years. He communicates in English, Hungarian and French. He worked for several gaming magazines - including the Hungarian GameStar, where he worked 8 years as editor. (For our office address, email and phone number check out our impressum)

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