TEST – Le retour d’Age of Empires après plus de 16 ans marque un moment charnière pour l’industrie du jeu vidéo. L’une des séries de stratégie les plus acclamées et les plus célèbres revient, décidée à conquérir à la fois les fans de longue date et une nouvelle génération de joueurs. A-t-elle réussi ? Vous le découvrirez dans notre test d’Age of Empires IV. Nous avons mis à jour cet article après avoir pris en main la version PlayStation 5, avec des impressions détaillées sur l’expérience console, les performances et le retour haptique de la DualSense.
Lorsque Microsoft a fermé Ensemble Studios en 2009, de nombreux fans ont pleuré la disparition de cette équipe de renom et, semblait-il, la fin d’une franchise STR adorée, Age of Empires. Entre-temps, Microsoft s’est solidement installée sur le marché des consoles et a connu un grand succès avec la Xbox 360. Pendant longtemps, il y avait peu de place pour ses vieilles marques PC sur la feuille de route des développeurs. Heureusement, les choses ont changé ces dernières années : Microsoft revient à ses racines et relance plusieurs séries PC. Dans ce test, nous passons aussi la version PS5 au microscope.
Expérience PlayStation 5
La mouture PS5 est étonnamment confortable à jouer à la manette. Des menus radiaux, une interface remaniée et l’automatisation intelligente de certaines tâches rendent la construction de base, la gestion des unités et les manœuvres sur le champ de bataille rapides et précises. La DualSense délivre de subtiles vibrations haptiques lors des combats, des destructions et des passages d’Âge, donnant un poids tactile aux moments clés ; la disposition des boutons devient naturelle après une courte prise en main.
Côté performances, le jeu vise un 60 images/seconde stable, avec des chargements brefs et une tenue générale solide même lors des affrontements les plus fournis. Les visuels sont nets et homogènes sur console, tandis que le panoramique de la caméra et le zoom se montrent remarquablement fluides, ce qui facilite l’exploration rapide de la carte et la lisibilité des combats.
Il y a quelques compromis : dans les affrontements extrêmes avec des armées massives, de légères chutes peuvent survenir, et la densité d’informations à l’écran peut paraître chargée sur un téléviseur en plein jour à distance de canapé. Malgré tout, le support DualSense, le rythme soutenu permis par le SSD et un mapping soigné des commandes offrent une expérience console convaincante.
Seize ans pour revenir au Moyen Âge
Les éditions remastérisées des trois premiers volets sortent par vagues depuis 2018. Le moment tant attendu depuis plus de 15 ans est enfin arrivé : avec Age of Empires IV, la série signe son premier épisode entièrement inédit depuis 2005. Le jeu est développé par Relic Entertainment, studio fort de plus de vingt ans d’expérience en STR grâce à Homeworld, Warhammer 40,000: Dawn of War et Company of Heroes. Reste à voir si ce pedigree suffit à faire rayonner de nouveau une marque vénérable.
Si Age of Empires IV avait été continuellement développé sous la houlette d’Ensemble Studios, nous livrerions sans doute des batailles des XIXe et XXe siècles. Le plan initial était de clore le voyage historique de l’humanité avec ce quatrième opus. Relic n’a pas suivi cette voie avec le nouvel Age of Empires IV et revient au Moyen Âge, l’ère qui faisait déjà le cœur du deuxième jeu.
L’équipe a voulu représenter cette période avec le plus d’authenticité possible. La collaboration étroite avec des spécialistes se ressent dans tous les aspects. Le jeu regorge de cinématiques et d’animations illustrant de façon vivante l’armement et la vie quotidienne de l’époque. L’objectif est clair : faire d’Age of Empires IV non seulement un jeu, mais aussi un support à vocation pédagogique.
Cela vaut également pour les quatre grandes campagnes. Chacune s’étend sur huit à dix missions et raconte des conflits réels du Moyen Âge : de la lutte de Guillaume le Conquérant et de ses héritiers pour la couronne d’Angleterre, à la guerre de Cent Ans entre Anglais et Français, aux conquêtes de la horde mongole, jusqu’à l’ascension de la petite Moscou en centre politique de toute la Rus’. Entre les missions, de courts films mêlant lieux réels, animation et reconstitutions posent le cadre historique du prochain affrontement – une manière efficace de contextualiser des missions sinon assez indépendantes.
Un choix dessert l’ensemble : enchaîner les campagnes anglaise et française. Vers leur fin, nombre de missions tournent autour de l’assaut ou de la défense de forteresses, et les deux factions se jouent de façon similaire. Pour être franc, le début des deux premières campagnes paraît répétitif et un peu terne. Heureusement, les deux suivantes ramènent de la variété.
Un creuset de civilisations
Heureusement, la proximité entre Anglais et Français ne reflète pas l’ensemble d’Age of Empires IV. Les campagnes mettent en scène huit civilisations distinctes. C’est moins que les 13 d’Age II à son lancement, mais les factions diffèrent désormais bien davantage. On retrouve un arbre technologique central avec des fondamentaux communs, mais certaines technologies sont exclusives et parfois liées à des Âges différents. Seul le sultanat de Delhi aligne des éléphants de guerre, par exemple, et les archers montés sont largement inconnus en Europe.
Au-delà des unités et techs uniques, la plupart des huit factions embarquent aussi des mécaniques sur mesure. Les Mongols, par exemple, construisent en yourtes et peuvent lever le camp à tout moment pour se relocaliser rapidement. Ces cultures de la steppe misent sur une grande mobilité via leurs masses de cavalerie et leur économie. Si une zone est épuisée ou devient trop dangereuse, on déplace la base sans tout rebâtir. Cette mobilité a un prix : pas de palissades ni de murs. Les amateurs de « turtle » n’y trouveront pas leur compte.
Les Rus’ forment un vrai peuple de chasseurs : au lieu de moulins, ils construisent des cabanes de chasse, autour desquelles on peut toujours placer des fermes, mais qui récompensent surtout l’abattage du gibier. Chaque animal tué augmente une valeur qui débloque des bonus de cadence pour les villageois et, en trois paliers, génère de l’or passif récupéré dans ces cabanes. Leur économie prospère au cœur des forêts, ce que reflète leur architecture, entièrement en bois jusqu’au troisième Âge.
Les dynasties et percepteurs chinois, la culture lettrée et la recherche gratuite du sultanat de Delhi, ou la Maison de la Sagesse des Abbassides apportent des asymétries séduisantes. Beaucoup de factions vous poussent à appuyer sur des leviers différents, ce qui entretient la variété. De ce point de vue, le concept des civilisations prolonge intelligemment celui d’Âge II. Le roster plus réduit se pardonne pour des raisons d’équilibrage, et l’exécution est globalement solide.
Le gameplay AOE classique, intact… mais inchangé
Malgré les différences entre civilisations, le socle général reste très proche d’Age of Empires II. Les vétérans reconnaîtront instantanément la boucle et seront comme à la maison. On entend presque la maxime : ne changeons pas trop le gameplay, de peur qu’on n’y voie plus un Age of Empires. Peu de place ici pour l’expérimentation.
L’économie tourne toujours autour de quatre ressources — bois, nourriture, or et pierre — récoltées par les villageois comme d’habitude. On pose des camps de bûcherons, des mines et des moulins près des gisements pour réduire les trajets, on érige casernes, archeries et écuries pour entraîner les troupes. Les maisons augmentent la population max, tandis que les forges et universités débloquent de puissantes améliorations.
La montée d’Âge, elle, évolue : on ne clique plus sur une simple amélioration du centre-ville. On érige l’un des deux Monuments, différents selon l’Âge et la civilisation. Construire le Kremlin avec les Rus’, par exemple, revient à poser une véritable fortification. Souvent, ces Monuments sont des versions renforcées de bâtiments standards comme la forge, le donjon ou le monastère.
Les murs sont eux aussi retouchés : les troupes peuvent désormais les emprunter, et ils constituent des obstacles bien plus robustes, seules les murailles de pierre cédant face au siège. On peut y adjoindre des tours, mais — bizarrerie — les unités à distance ne profitent pas de ces créneaux, affaiblissant ce qui devrait être une ligne forte.
Rien de tout cela ne change le fait qu’Age of Empires IV se joue beaucoup comme Age of Empires II. Compte tenu de la qualité d’Age II, c’est une base honorable, mais Age IV n’atteint pas tout à fait la fluidité du classique modernisé. De petites lacunes de confort persistent, y compris l’absence de commodités vues dans la Definitive Edition : pas de panneau de production global ni de commande d’auto-éclaireur en un bouton, par exemple.
Plus surprenant, des fonctions présentes dès le tout premier jeu ont disparu : pas de cloche centrale au centre-ville pour mettre instantanément tous les villageois à l’abri. Une fonction similaire existe dans l’UI des villageois, mais elle est plus lourde car tout le monde n’est pas à portée. Les paysans fauchés sont, hélas, monnaie courante. Toute la couche diplomatique est également absente : on peut toujours payer tribut, mais pas changer son statut (hostile, neutre, allié).
Pierre-feuille-ciseaux
Les combats suivent à nouveau une logique limpide de pierre-feuille-ciseaux : les piquiers fixent la cavalerie, la cavalerie découpe les unités à distance exposées, et ces dernières punissent l’infanterie lente. L’effectif d’unités reste resserré : la plupart des armées s’articulent autour de piquiers et d’épéistes, archers, arbalétriers et arquebusiers, plus lanciers et chevaliers. Selon la civilisation, des unités uniques remplacent ou complètent ces archétypes.
Le Saint-Empire romain germanique aligne par exemple une troisième ligne d’infanterie, tandis que la France troque les arbalétriers standard contre des arbalétriers d’élite et les chevaliers pour des chevaliers royaux. La plupart des troupes montent en grade (vétéran, élite), mais on ne bifurque pas vers de nouveaux archétypes comme dans Age II (chevalier → cavalier → paladin). Dommage, même si les mêlées médiévales restent gratifiantes, surtout quand on exploite forces/faiblesses, hauteurs et forêts — désormais utiles pour tendre des embuscades.
Le siège est évidemment de retour. Certaines unités peuvent même ériger des béliers et des tours en première ligne. Les tours transportent des troupes et les déposent sur les remparts, tandis que les béliers enfoncent les portes : on se croirait dans Kingdom of Heaven. Face à une vraie forteresse, il faut des ateliers qui crachent du lourd ; à l’attaque, trébuchets et canons réduisent vite en gravats les murs les plus épais.
Visuellement, on est loin de « Kingdom of Heaven »
Abattre de magnifiques bâtiments reste un spectacle qui ravira les empereurs en herbe. Relic utilise ici son Essence Engine maison, mais l’ensemble paraît daté : textures de base plates quand on dézoome, cimes d’arbres artificielles, rendu de l’eau en retrait des standards actuels. Les modèles d’unités sont aussi assez grossiers, surtout en gros plan.
Le zoom pose également question : l’écart entre le plus proche et le plus lointain est faible, et même au maximum, la vue d’ensemble laisse à désirer — surtout face aux niveaux de zoom généreux d’Age II: Definitive Edition. Certes, le 2D coûte moins cher, mais si l’on opte pour la 3D, elle doit servir le jeu. À aucun moment Age IV ne parvient à recréer l’ambiance visuelle qu’Age II: DE offre encore aujourd’hui.
Prêt pour la bataille
Comparer le volume de contenu aux anciens volets n’est pas tout à fait juste : Age of Empires II a accumulé des campagnes, civilisations et modes pendant des décennies. Age of Empires IV ne peut rivaliser, mais ses quatre campagnes substantielles offrent déjà 30 à 40 heures de jeu, sans compter les autres modes contre l’IA.
Si vous avez fini les campagnes ou préférez éviter les joueurs humains, vous pouvez affronter jusqu’à sept adversaires contrôlés par l’ordinateur. Les conditions de victoire incluent la Conquête classique, la Merveille et les Sites sacrés. La difficulté de l’IA va de facile à très difficile, même si des bugs ou des réglages peuvent ternir l’expérience : en « facile », nous avons parfois vu l’IA débarquer avec une grande armée en moins de dix minutes — de quoi dégoûter les débutants. Heureusement, c’est le seul vrai accroc rencontré.
Le multijoueur répond présent pour qui veut de la compétition humaine : salons semblables aux escarmouches, 1v1, 2v2, 3v3 ou 4v4, et coopération contre l’IA. Le classé est arrivé après le lancement pour départager les meilleurs.
Le mode spectateur est pratique : on peut rejoindre des parties en cours ou les revoir depuis le début, avec contrôle total de la caméra, de la vitesse et visibilité sur les ressources de tous les joueurs — idéal pour étudier amis et vétérans et piquer quelques tactiques gagnantes.
L’avenir appartient-il aux mods ?
Si tout cela ne suffit pas, d’autres contenus viendront. Il n’y avait pas d’éditeur de cartes au lancement — un pilier de la série —, avec des plans initialement calés sur le printemps 2022. Un sous-menu Mods est aussi présent. Attendez-vous, à terme, non seulement à des cartes personnalisées, mais à un éventail plus large de créations selon les outils officiels. Avec une scène modding inspirée, Age IV pourrait bien sortir de l’ombre de ses aînés.
Ne pas quitter les sentiers battus ?
Age of Empires IV reste un excellent jeu de stratégie en temps réel. Le genre a peu évolué en décennies, mais cet épisode demeure l’une des meilleures sorties STR modernes à ne pas manquer pour les fans.
Nous aurions toutefois souhaité davantage d’audace créative. Le jeu s’en tient un peu trop à Age of Empires II, jouant la sécurité pour éviter les faux pas, et n’égale jamais tout à fait la magie ou l’atmosphère de ce second volet légendaire.
-BadSector-
Points positifs :
+ De belles petites trouvailles
+ Quatre campagnes variées
+ Sur PS5, maniabilité confortable à la manette et chargements rapides
Points négatifs :
– Visuels datés et moyens
– Problèmes d’équilibrage de l’IA
– Sur PS5, brèves chutes en très grosses batailles et interface parfois chargée
Éditeur : Xbox Game Studios
Développeur : Relic Entertainment
Genre : STR
Sortie : 28 octobre 2021. PS5 : 4 novembre 2025
Age of Empires IV
Jouabilité - 8.4
Graphismes - 7.4
Histoire - 8.2
Musique/audio - 8.1
Ambiance - 7.8
8
EXCELLENT
Age of Empires IV n'est certainement pas un mauvais jeu de stratégie en temps réel. Compte tenu de la sécheresse actuelle dans le genre, le jeu est sans doute l'une des meilleures choses qui pourraient arriver aux fans en ce moment. Néanmoins, nous aurions aimé plus de courage de la part des développeurs. Au final, le jeu ressemble trop au grand Age of Empires 2. Il est trop sur le côté sûr pour ne pas se tromper. Et tout cela sans jamais réellement atteindre la même ambiance ou le même charme. Dans tous les cas, il est difficile de trouver des raisons pour lesquelles un joueur qui apprécie encore aujourd'hui l'édition définitive d'Age of Empires 2 devrait passer à Age 4. Celui qui se sent néanmoins adressé par les innovations plus mineures comme les murs des forteresses, les points de repère ou les différences ludiques entre les peuples.









