CRITIQUE DE FILM – Dan Trachtenberg ne suit plus la proie, mais le chasseur : il nous propulse sur une planète où chaque brin d’herbe riposte. L’accent passe de la boucherie à l’ingéniosité, à la survie et à une alliance inattendue ; le carnage laisse place à une action claire et lisible. Le PG–13 pourra faire débat, mais la tension ne faiblit pas : elle fonctionne autrement. Au final, un chapitre vif, riche en idées et étonnamment sensible, respectueux des bases tout en indiquant une direction neuve.
Le canevas des Predator « principaux » est simple : des humains dans la mire d’un chasseur venu d’ailleurs. Prédateur : Badlands inverse ce principe. Dans la foulée de Prey, Trachtenberg place au centre un jeune Yautja, Dek (Dimitrius Schuster-Koloamatangi), que son propre clan a tendance à rayer de la carte. Son terrain d’épreuve s’appelle Genna, la fameuse « planète de la mort », où des arbres étranglent, des vers explosent et une herbe tranchante coupe comme une lame. Sur le papier, l’option paraît radicale ; à l’écran, elle colle naturellement à l’ADN de la saga : on troque la comptabilité des cadavres pour l’ingéniosité et la tactique, tandis que le code yautja gagne des nuances rarement explorées.
Sur Yautja Prime, où l’échelle sociale ne pardonne rien, Dek est repéré par l’alpha du clan, Njohrr — non pour une promotion, mais pour être écarté. Il ne doit sa survie qu’à l’intervention de son frère Kwei, au prix d’un exil : le voilà catapulté vers Genna en capsule. La mission semble simple — ramener la tête du Kalisk, réputé « increvable » —, mais s’avère d’une brutalité sans filet. En quelques heures, Dek comprend que le terrain sera à la fois son adversaire le plus coriace et, s’il sait l’exploiter, son meilleur arsenal.
Du chasseur solitaire au duo de survie
La tradition yautja glorifie la traque en solitaire, mais Genna rebattre les cartes. Dek s’allie à une synthétique Weyland–Yutani endommagée, Thia (Elle Fanning), qui compense l’absence de sa moitié inférieure par un sens du terrain sûr et un humour très sec. À deux, ils transforment la planète en boîte à outils : les lianes deviennent des collets, l’herbe-lame des projectiles guidés, les vers explosifs des amorces d’embuscade. En face, Tessa (deuxième rôle de Fanning) incarne la logique « corporate » : elle vise la capture vivante du Kalisk avec une efficacité quasi protocolaire.
Le conflit familial alimente la mécanique dramatique : la dureté de Njohrr et le complexe de Dek électrisent chaque affrontement. Ici, l’action tient par l’espace, pas par le hachage au montage : la géographie est limpide, les idées lisibles, et le décor peut à tout moment faire basculer l’avantage. Côté sensation, on apprend un « boss fight » exigeant mais honnête, où la carte dicte la stratégie.
Rituels, rangs, monde qui s’élargit
La série ouvre rarement la porte des usages yautja ; ici elle le fait. Le scénario de Patrick Aison et Brian Duffield, d’après une histoire de Trachtenberg, rattache des enjeux à chaque geste : cape, trophée, droit au masque cessent d’être des accessoires pour devenir des marqueurs personnels. Par sa posture et ses variations de rythme, Dimitrius Schuster-Koloamatangi alterne fanfaronnade et peur fulgurante, donnant à Dek un vrai battement sous le masque. Si le film hérite d’un PG–13, c’est surtout parce que les coups portent sur des créatures ou des synthétiques plutôt que sur des humains : moins de gore, plus d’inventivité.
Genna n’est pas un fond d’écran, c’est l’obstacle. Le film reprend ce qui faisait la force de Prey — lire le terrain et s’y adapter — et le transpose dans un bac à sable science-fantasy. L’ensemble évoque à la fois la randonnée de survie de Predators et un pragmatisme de science-fiction d’entreprise. Bestiaire joueur et venimeux, règles du danger constantes : ici, le monde ne se contente pas d’illustrer l’action, il la conditionne.
Un cœur sous l’armure
Dans un Predator, l’émotion est un terrain miné ; Prédateur : Badlands avance avec mesure. Famille, deuil, appartenance structurent le récit sans l’alourdir. Schuster-Koloamatangi dit beaucoup derrière la « tête » du chasseur — micro-gestes, cadence, poids — et Dek apparaît comme un personnage, pas seulement une icône. Elle Fanning occupe les deux pôles du facteur humain : Thia pour le regard chaleureux, Tessa pour la logique froide ; leur friction hausse les enjeux jusqu’au final. Au passage, Trachtenberg salue l’héritage Alien–Predator sans verser dans le fan-service à cocher.
Conclusion : un virage qui fait mouche
Prédateur : Badlands n’a pas l’effet coup de poing de Prey, mais trace le même sentier avec de nouveaux jalons. Masque, vision thermique, sons signatures — les repères sont là —, tandis que le rythme privilégie l’aventure plutôt que le slasher. Si l’on accepte ce déplacement, on découvre un chapitre nerveux, inventif et étonnamment humain, qui ouvre la franchise au lieu de se contenter de changer de décor.
-Herpai Gergely BadSector-
Réalisation : 76
Interprétation : 78
Scénario : 72
Visuels/Musique/Son : 84
Atmosphère : 78
BON
Résumé : Prédateur : Badlands rafraîchit la série par un changement de point de vue et transforme le décor en arsenal intelligent. L’action reste intense, la construction du monde est cohérente, les personnages gagnent en nuances. Pas parfait, mais un virage assuré et mémorable qui injecte une énergie neuve dans la franchise.






