Une situation explosive – Vingt minutes de compte à rebours implacable, où chaque faux pas peut tout faire exploser

CINÉMA DE CRITIQUE – Une situation explosive est un thriller de crise à la respiration coupée, tendu autour d’un compte à rebours nucléaire : pas d’esbroufe, mais des paumes moites, des écrans qui clignotent et des choix où chaque geste pèse. Le retour de Kathryn Bigelow prend la forme d’un huis clos ciselé au métronome, au cœur de la Situation Room, avec Idris Elba en président et Rebecca Ferguson à la manœuvre. La vraie question n’est pas qui sera le héros, mais si la formation et les procédures tiennent quand le minuteur hurle sans répit.

 

Une situation explosive marque le premier long métrage de Bigelow depuis huit ans : un drame nerveux réglé au millimètre. Un missile non revendiqué fonce vers Chicago, impact estimé dans vingt minutes, tandis qu’une cellule de crise tente de ramener l’impensable à l’échelle humaine. Le film s’inscrit dans la lignée des thrillers gouvernementaux, mais troque le panache martial pour la loupe de la procédure, de la marge d’erreur et de la décision sous pression. Idris Elba (président), Rebecca Ferguson (coordinatrice), Anthony Ramos (officier de site) et Jared Harris (ministre de la Défense) sont autant de rouages d’une machine qui, selon les instants, dévie la catastrophe ou broie ses propres opérateurs.

 

 

Trois points de vue, trois reprises – un test pour les nerfs

 

Le récit se scinde en trois fenêtres temporelles presque jumelles : chaque segment se concentre sur la même demi-heure, observée par un duo différent, et s’interrompt au même point d’asphyxie. D’abord, au cœur de la Maison-Blanche, le personnage de Ferguson tient le chaos en laisse, tandis qu’en parallèle, sur la base de lancement, l’officier incarné par Anthony Ramos déroule le protocole pas à pas. Puis un général fougueux (Tracy Letts) affronte un conseiller de la NSA plus circonspect et porté sur les données (Gabriel Basso) : frappe préventive ou sang-froid procédural, pendant que les secondes s’égrènent. Enfin, un ministre de la Défense soucieux de sa carrière (Jared Harris), une brève incise familiale, puis le président (Idris Elba), épaules visiblement ployées sous le poids du choix. La réalité, elle, refuse obstinément de se plier au plan.

La mécanique de la reprise fonctionne parce qu’elle alourdit chaque geste, tout en révélant les limites du dispositif : si la scène s’arrête trois fois au même endroit, la patience se raréfie. Bigelow compense en jouant les micro-accents et le rythme : de minuscules déplacements d’emphase diffractent ce qu’on a déjà vu, et les minutes rejouées gardent leur morsure.

 

 

Néons froids et minimalisme – quand la forme sert le protocole

 

La palette visuelle reste contenue : pièces closes, moniteurs, liaisons vidéo et quelques plans aériens dessinent l’espace. Plutôt que des tableaux iconiques, le film privilégie des scènes serrées, pilotées par la situation ; ce dépouillement assumé évoque parfois la stérilité d’un bureau, ailleurs il braque l’oreille sur les bourdonnements, les silences et la pression née des règles rigides et de l’horloge qui tourne. Le scénario de Noah Oppenheim emboîte avec minutie langage technique et points de décision, tout en laissant ici ou là passer un trait facile (tel ce personnage qui veut « faire l’Histoire » avec une citation entendue à l’antenne), frôlant un instant la farce. Bigelow maintient la ligne : même quand une réplique vacille, la mise en scène serre l’étau avec constance.

 

 

Pouvoir concentré, information parcellaire – le « menu » que personne ne veut feuilleter

 

L’un des constats les plus nets du film : l’incertitude n’est pas un défaut, c’est l’état par défaut. Chacun ne voit qu’un morceau de son domaine, et nul n’accède au tableau complet. Nouveau dans le fauteuil, le président est à la fois carrefour et angle mort : tout converge vers lui, donc c’est là que le bruit est le plus fort. Dans un moment d’humour noir, il parcourt un classeur d’options de riposte qu’il n’a jamais étudié ; les pages défilent comme sur une carte de diner, sauf qu’ici chaque « plat » se paie au prix fort.

Ce qui distingue le film des grandes satires atomiques, c’est que personne n’est un imbécile ni un bras cassé. Au contraire, les protagonistes sont préparés, les protocoles existent, les exercices ont eu lieu, et la question étouffante demeure : à quoi tout cela sert-il si un missile est réellement en approche ? Le film n’assène pas de réponses ; la menace continue de tictaquer dans la tête bien après le générique.

-Herpai Gergely BadSector-

Une situation explosive

Direction - 8.5
Acteurs - 7.8
Histoire - 8.2
Visuels/Musique/Sons - 8.4
Ambiance - 8.2

8.2

EXCELLENT

Une situation explosive rejoue trois fois la même vingtaine de minutes cruciales, chaque passage déplaçant le poids de la décision, d’où des pics de tension à des endroits différents. Le minimalisme clair de Bigelow met à nu l’efficacité du système comme ses fissures : pas de marionnettes, mais des professionnels aguerris, avec en fond un risque d’erreur permanent. Au bout du compte, un thriller de crise implacable, qui laisse résonner le compte à rebours bien après l’écran noir.

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BadSector is a seasoned journalist for more than twenty years. He communicates in English, Hungarian and French. He worked for several gaming magazines – including the Hungarian GameStar, where he worked 8 years as editor. (For our office address, email and phone number check out our impressum)

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