Vampire: The Masquerade – Bloodlines – Préparez-vous pour votre dernier coucher de soleil ! [RETRO-2004]

RETRO – Dans l’univers de Vampire: The Masquerade, les rues de Los Angeles abritent toutes sortes de créatures mortes-vivantes se dissimulant parmi les humains. Ici, les vampires sont des loups entre eux (et parfois littéralement des loups-garous), et chaque goutte de sang vaut plus qu’une once d’or. Nous incarnons un jeune vampire tout juste “né”, dont la non-vie ne tient qu’à un fil dès les premières secondes… À l’approche de la suite tant attendue, nous avons remis à jour cette critique rétro pour une nouvelle morsure de nostalgie.

 

Peu de créatures dans le jeu vidéo ont vu leur image évoluer autant que celle du vampire. Autrefois simple boss de fin de niveau, il est désormais devenu un véritable protagoniste. Pensons à la série Legacy of Kain, à BloodRayne ou encore au premier Vampire: The Masquerade: Redemption — autant de preuves que l’immortalité se vend bien.

Pour ma part, c’est Redemption qui a d’abord planté ses crocs dans mon âme. Depuis, je brûlais d’envie de replonger dans l’univers de VtM avec la même soif qu’un Nosferatu affamé. J’ai dévoré les romans d’Anne Rice, étudié la mythologie vampirique et prié en silence pour que le RPG en préparation chez Troika apporte enfin une véritable transfusion au genre — un jeu capable d’insuffler un nouveau souffle de vie au jeu de rôle.

Vampire The Masquerade: Bloodlines

Naissance difficile

 

Avant de commencer à disséquer (ou plutôt à saigner à blanc) les forces et faiblesses de Bloodlines, il convient de se rappeler l’histoire du Vampire: The Masquerade sur PC et de son créateur, Troika Games. Alors que White Wolf développait des systèmes de jeux de rôle en direct depuis les années 1980, la franchise n’avait encore jamais été adaptée en jeu vidéo avant Redemption.

Aucun autre monstre du jeu vidéo n’a connu une telle transformation que le vampire.

Sorti en 2000 par Activision (détenteur de la licence VtM), l’action-RPG a divisé les joueurs : certains — dont moi — l’ont adoré, tandis que d’autres, notamment les puristes du jeu de rôle papier, l’ont détesté. Les critiques ont reproché au titre sa répétitivité “à la Diablo” et l’absence d’un mode pause en combat, corrigée seulement plusieurs mois après via un patch — trop tard pour beaucoup.

Autre erreur fatale : sa date de sortie suicidaire. Un génie du marketing a eu l’idée de le lancer en même temps que Diablo II. Sans surprise, Redemption a été écrasé sous le poids du mastodonte de Blizzard et s’est rapidement enfoncé dans l’oubli.

Les fans ont longtemps réclamé une suite sur les forums de Nihilistic, mais les développeurs ont quitté le navire pour rejoindre Blizzard sur StarCraft: Ghost. Activision, refroidi par les ventes décevantes, a rangé la licence au placard — jusqu’à changer d’avis et confier le nouveau projet, Vampire: The Masquerade – Bloodlines, à Troika.

Les vampires redéfinis : les antihéros d’une nouvelle ère du RPG.
Le studio au nom vaguement slave s’était déjà fait connaître avec Fallout, bien que ses propres créations, Arcanum et Temple of Elemental Evil, aient davantage séduit les amateurs que le grand public. Pourtant, Activision leur a fait confiance au point de leur accorder la licence du tout nouveau moteur Source de Valve — une décision loin d’être bon marché. Mais le développement fut chaotique : à l’instar de Half-Life 2, Bloodlines a accumulé les retards, ne sortant finalement que parce que le jeu de Valve paraissait enfin. Le 16 novembre 2004, Half-Life 2 sortait… et Bloodlines le suivait de près, crocs dehors et avide de sang neuf.

Une nouvelle aube pour les morts-vivants.

« Je suis Lestat, le vampire. »

 

La création du personnage commence par le choix entre sept clans de vampires — masculins ou féminins — tous fidèles aux origines du jeu de rôle papier. Fini le héros prédéfini de Redemption : ici, vous forgez votre propre lignée. Vous préférez la force brute ? Optez pour les Brujah. Vous aimez la magie ? Les Tremere vous tendent les bras. Vous aimez manipuler et séduire ? Le clan Toreador est fait pour vous. Chaque clan dispose de disciplines uniques, mettant fin à tout fantasme de vampire “parfait” maîtrisant tout.

Et c’est là que le jeu brille. Contrairement à Redemption, Bloodlines est infiniment plus rejouable, encourageant des approches variées. Vous ne gagnez pas de niveaux au sens classique : chaque point d’expérience durement gagné doit être dépensé avec soin dans vos compétences et disciplines. Le meilleur ? L’expérience se gagne en accomplissant des quêtes, pas seulement en tuant des ennemis. Que vous charmiez ou massacriez, Bloodlines récompense aussi bien l’esprit que la soif de sang. Brillant !

Séduction vampirique et ténèbres s’entrelacent dans le Los Angeles de Troika.

La Cité des Anges

 

Contrairement à Redemption, qui traversait les siècles, Bloodlines se concentre sur le Los Angeles moderne — une déception pour les amateurs du Moyen Âge, mais une bénédiction pour l’atmosphère. La ville est divisée en quatre grands quartiers : Santa Monica, Downtown, Hollywood et Chinatown, chacun vibrant de vie (ou de non-vie). Si les PNJ mineurs paraissent clonés, les personnages principaux sont superbement modélisés, surpassant souvent Knights of the Old Republic grâce aux expressions faciales du moteur Source.

Aucune histoire gothique sans sang ni beauté.

Source pure ?

 

Le moteur Source fut à la fois une bénédiction et une malédiction. Visuellement, Bloodlines est splendide — sans doute l’un des plus beaux RPG depuis Morrowind. Les animations faciales sont superbes, les regards pleins de vie. Mais le jeu reste bien moins poli que Half-Life 2. Les environnements, détaillés mais imparfaits, souffrent d’une animation parfois rigide, comme si votre vampire boitait.

Le véritable problème ? L’optimisation. Là où Half-Life 2 tournait comme un charme, Bloodlines saccadait sur des zones bien plus petites. Les collisions boguées, les objets instables, tout rappelle un moteur Source encore en version bêta. Malgré tout, le jeu reste l’un des plus atmosphériques jamais créés — et dans ce genre, ce n’est pas le graphisme qui compte le plus.

Un chef-d’œuvre imparfait, mais débordant d’atmosphère.

Un pour tous, et tous pour la Camarilla

 

Troika a véritablement excellé dans la conception des missions. Vous débutez comme un jeune serviteur de la Camarilla, coincé avec des tâches ingrates, mais plus vous gagnez en puissance, plus les missions deviennent complexes et ramifiées. L’une des plus marquantes vous plonge dans un manoir hanté, rempli de phénomènes paranormaux et d’une histoire tragique racontée par des journaux intimes et des coupures de presse. Mi-horreur, mi-casse-tête, et totalement brillante.

La mission du manoir hanté reste un moment culte pour les fans.
Les missions d’infiltration s’invitent aussi à la fête — pas forcément du goût de tous, mais elles tiennent la route. Le piratage informatique et la lecture des e-mails ajoutent une touche d’humour noir, surtout avec les terminaux MS-DOS archaïques (apparemment inspirés d’une université hongroise !).

La dualité entre technologie moderne et soif ancienne.

Laissez l’ail et la croix à la maison

 

Malgré son cadre “moderne”, les armes à feu ne font quasiment aucun dégât aux vampires — fidèle au lore de VtM. Les armes de mêlée sont vos véritables alliées : couteaux, tuyaux, haches, marteaux. Malheureusement, aucun artefact médiéval ici : Troika a pris le “moderne” un peu trop au sérieux. Le combat en vue à la troisième personne fonctionne, mais reste rudimentaire, surtout comparé à la richesse magique de Redemption. L’application stricte des règles du jeu de rôle rend les affrontements parfois monotones.

Si seulement le jeu permettait une approche purement diplomatique ! Même le plus charmeur des Toreador doit finir par tailler dans le vif. Bloodlines prône la liberté de choix, mais force trop souvent le joueur à dégainer.

Le combat trébuche, mais le style et l’ambiance restent impeccables.

Histoires du soir — d’un autre genre

 

Ce qui rachète Bloodlines, c’est son écriture — probablement l’une des meilleures de l’histoire du RPG sur PC. Chaque dialogue regorge de personnalité, influencé par vos choix, votre clan et vos compétences. Charisme, Domination, Présence : tout change les résultats. Les Toreadors séduisent, les Ventrue commandent, les Brujah fracassent. Le doublage est remarquable : chaque personnage semble vivant, tragique ou inquiétant.

Charisme sombre et dialogues tranchants donnent vie aux personnages.

Le scénario, d’abord simple, se transforme en un réseau d’intrigues, de trahisons et de corruption morale digne d’Anne Rice. Mature, complexe, et bien plus audacieux que Knights of the Old Republic — un conte de fées ténébreux pour adultes aux crocs bien aiguisés.

Une histoire dans laquelle on aime replonger les crocs.

Diamant brut

 

Bloodlines aurait pu régner sur les RPG PC — mais ses innombrables bugs et son manque de finition l’en ont empêché. Entre les coupures de son, les textures clignotantes, les PNJ flottants et les crashs, la frustration était constante. Même l’intro contenait un bug flagrant. Un miracle que le jeu soit sorti en l’état.

Et pourtant, pour les vrais passionnés de RPG, Vampire: The Masquerade – Bloodlines reste inoubliable — un joyau solitaire et sanglant qui a sauvé à lui seul l’année 2004, bien pauvre en jeux de rôle. Espérons que Troika (ou ses successeurs) ressuscite un jour. Car attendre encore quatre ans pour un digne héritier ? Ce serait une éternité — même pour les morts-vivants.

– Gergely Herpai “BadSector” (2004)

Avantages :

+ Scénario excellent et mature
+ Adaptation fidèle aux règles du jeu de rôle original
+ Structure de quêtes brillante

Inconvénients :

– Rempli de bugs
– Mauvaise optimisation du moteur Source
– Système de combat moyen


Éditeur : Activision
Développeur : Troika Games
Genre : RPG d’action
Date de sortie : 16 novembre 2004

Vampire: The Masquerade - Bloodlines

Jouabilité - 7.5
Graphismes (2004) - 9
Histoire - 8
Musique/audio - 8
Ambiance - 9.5

8.4

EXCELLENT

Bloodlines aurait pu régner sur les RPG grâce à la richesse de son scénario et à la profondeur de son gameplay, mais ses combats moyens et sa multitude de bugs laissent malheureusement la couronne à KotOR.

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BadSector is a seasoned journalist for more than twenty years. He communicates in English, Hungarian and French. He worked for several gaming magazines - including the Hungarian GameStar, where he worked 8 years as editor. (For our office address, email and phone number check out our impressum)

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