Un trésor artistique dont l’existence même paraissait incertaine depuis plus d’un siècle a été présenté à Budapest : une céramique Zsolnay représentant des femmes dansantes autour d’un grenadier. Réalisée à Pécs, elle aurait orné le pavillon hongrois reconstruit après l’incendie de l’Exposition universelle de Milan en 1906. Après avoir refait surface dans une maison de ventes française, l’œuvre a été acquise et ramenée en Hongrie par deux collectionneurs, András Szabó, fondateur de la ResoArt Foundation, et István Törő, copropriétaire de la Galerie Virág Judit. La pièce centenaire a été dévoilée à la Villa Kőrössy, à Budapest.
En 2013, la Galerie Virág Judit avait adjugé pour 19 millions de forints – un record à l’époque – un vase qui avait été l’un des joyaux du pavillon hongrois de l’Exposition universelle de Milan en 1906. Personne ne savait alors qu’un vase jumeau existait. Tout a changé au printemps 2025, lorsqu’un vase Zsolnay de 109 cm de haut et 46 cm de diamètre, décoré de femmes dansantes autour d’un grenadier, symbole de beauté et de fertilité, a été mis en vente en France. Cette œuvre fut réalisée et signée par le légendaire Sándor Apáti Abt.
« Nous avons immédiatement compris qu’il s’agissait de la pièce jumelle perdue, ou plutôt jamais vue. J’ai appelé István Törő et nous avons décidé de travailler ensemble pour ramener ce trésor en Hongrie. Nous sommes tous deux collectionneurs, passionnés par Zsolnay et par la sauvegarde du patrimoine », a déclaré András Szabó, propriétaire de la Villa Kőrössy.
Le pavillon hongrois avait fait sensation lors de l’Exposition universelle de Milan en 1906, particulièrement pour sa section d’arts appliqués, largement saluée par la presse internationale. Mais le 3 août, une tragédie survint : le bâtiment prit feu dans des circonstances mystérieuses et presque tout fut réduit en cendres. Miraculeusement, le vase de Zsolnay au grenadier survécut, bien que partiellement endommagé.
« Douze ans plus tôt, lors de notre vente à la Galerie Virág Judit, nous avions cédé une céramique portant les traces de l’incendie. Le Musée Janus Pannonius l’avait acquise, et elle reste aujourd’hui l’une des pièces maîtresses de sa collection à Pécs. C’est un événement artistique majeur que ce vase jumeau ressurgisse, et nous avons réussi à l’acquérir avec András Szabó », a expliqué István Törő, copropriétaire de la Galerie Virág Judit.
Il est probable qu’après la destruction du pavillon, cette céramique ait été exposée en remplacement, la manufacture Zsolnay réalisant souvent des paires pour les grandes expositions. La légende raconte qu’elle aurait ensuite appartenu à la famille royale roumaine.
Aujourd’hui, les céramiques Zsolnay sont considérées comme les plus précieuses pièces d’Art nouveau au monde. Particulièrement recherchées sont les œuvres uniques, produites pour les expositions universelles avec une virtuosité technique exceptionnelle. Le motif du grenadier, récurrent chez Zsolnay, symbolise l’« arbre de vie », reliant les mondes terrestres et spirituels.
« Dans la culture juive antique, le grenadier représentait la fertilité, l’abondance, l’amour et la beauté. Le christianisme primitif s’est approprié ce symbole. Dans les broderies hongroises de Kalotaszeg et de Mezőség, il représentait la fertilité, la vie, la prospérité et la richesse », a précisé István Törő.
« Malgré sa puissance esthétique et symbolique, cette céramique ne nous impose pas son message. Elle invite plutôt à l’admiration et à la réflexion. C’est une œuvre magnifique », a ajouté András Szabó.
Les deux collectionneurs ont décidé de rendre l’œuvre accessible au public. Du 19 au 23 septembre (ouverture : 11h-14h), chacun pourra l’admirer gratuitement dans le jardin de la Villa Kőrössy. À partir du 1er octobre, des visites guidées et soirées thématiques consacrées à Milan auront lieu chaque mercredi à 18 h, en hommage à l’Exposition universelle. Selon la symbolique ancienne, le grenadier est censé apporter amour et fertilité, en particulier aux jeunes couples et aux époux souhaitant renforcer leur lien. Même si cette croyance n’offre aucune garantie, l’œuvre en elle-même constitue une expérience artistique unique.
Source : AstoriaAgency
