Kojima avait-il tout prévu ? Metal Gear Solid Delta remet en lumière une prophétie glaçante

J’ai peur que Hideo Kojima ait même anticipé ce qui se passe aujourd’hui entre les États-Unis et la Russie. En rejouant à Metal Gear Solid Delta, il est impossible de ne pas repenser aux paroles de The Boss.

 

On dit souvent que Les Simpson sont les champions des prédictions, mais Kojima n’est pas loin derrière. Peace Walker avait anticipé notre dépendance aux intelligences artificielles imitant des humains, Metal Gear Solid 2 avait déjà pointé du doigt l’importance des réseaux sociaux et de la manipulation de l’information. Et MGS3 ? Longtemps, on n’y a vu aucune prophétie… jusqu’à récemment.

En me préparant à la sortie de Metal Gear Solid Delta: Snake Eater, j’ai décidé de rejouer toute la saga dans l’ordre chronologique, en commençant bien sûr par MGS3. Ce jeu est unique : tout est centré sur le dialogue entre The Boss et Naked Snake, la transmission d’un héritage, le passage de témoin. Les Cobras ne sont pas seulement des soldats : ils incarnent des émotions que Snake doit surmonter. Une fois capable d’affronter la douleur, la peur, la colère, le chagrin et l’incertitude, il peut affronter The Boss et recevoir son baptême du sang. Le serpent pénètre alors sa peau, avec tout son héritage.

Adolescent, je n’avais pas perçu la portée politique du jeu. La crise des missiles de Cuba, le rôle discret de Sokolov, la folie de Volgin avec ses armes nucléaires — tout cela m’échappait. Et surtout, lorsque The Boss confiait vouloir un futur sans capitalisme ni communisme. À l’époque, j’ai trouvé ça naïf. Aujourd’hui, adulte, cette phrase résonne en moi avec une inquiétante actualité.

En en discutant avec mon frère Juli, universitaire en philosophie et en histoire, nous avons réalisé que nous avions mal jugé The Boss. Élevée parmi les Philosophes, elle semblait être une penseuse. En réalité, elle est une soldate. Elle pose les questions essentielles parce qu’elle les vit sur le champ de bataille, mais elle n’apporte pas de réponses. Kojima le rappelle d’ailleurs dans Peace Walker en y intégrant Che Guevara.

 

The Boss : une guerrière qui questionne, pas une philosophe qui répond

 

Che ressemblait physiquement à Big Boss, mais c’est surtout intellectuellement qu’il se rapprochait de The Boss. Révolutionnaire, il prônait la lutte armée et l’entretenait même après avoir refusé le pouvoir, exhortant son peuple à poursuivre un combat sans fin. De la même manière, The Boss n’est pas une philosophe : elle incarne le questionnement, et sa place est sur le champ de bataille, pas derrière un bureau.

D’où viennent ces questions ? C’est ici qu’intervient la prophétie. The Boss avertit Snake qu’on ne peut pas être loyal envers des gouvernements ou des idéologies, car dirigeants et doctrines changent. Ni le capitalisme, ni le communisme n’offrent de solution réelle. La foi en une nation n’a pas de sens, car tout dépend de la personne au pouvoir — qu’elle soit équilibrée… ou folle. L’action de MGS3 se déroule pendant la Guerre froide, alors que les États-Unis et l’URSS s’affrontaient. La propagande américaine affirmait que le communisme limitait la liberté. Et la propagande russe ? La même chose, inversée. Ce n’était qu’une guerre par procuration entre deux géants.

The Boss rit alors et affirme qu’au XXIe siècle, Américains et Russes deviendront alliés. Quelques années plus tard, voir Trump et Poutine se serrer la main à la télévision m’a glacé le sang. Cette « amitié » de façade, terrifiante, correspond exactement à ce qu’elle décrivait. Et si elle n’advient pas, le monde risque de rester prisonnier d’une guerre sans fin. Ce qui est précisément notre situation actuelle.

 

Et si Kojima écrivait un Metal Gear aujourd’hui ?

 

Ce qui me sidère, c’est que le discours de The Boss est encore plus pertinent aujourd’hui qu’il ne l’était lors de la sortie initiale de MGS3. Vingt ans plus tard, l’écouter, ce n’est plus entendre une visionnaire, mais quelqu’un qui parle de notre présent. Car les fantômes de la Guerre froide nous hantent toujours. C’est pour cela qu’il faut rejouer à Snake Eater, qu’il s’agisse de l’original ou du remake récent. Y rejouer adulte, c’est voir un reflet effrayant de notre monde. Et le pire, c’est que tout cela avait déjà été dit il y a deux décennies. Les prophéties des Simpson sont drôles. Celles de Kojima, elles, font peur.

Source :

Spread the love
Avatar photo
theGeek is here since 2019.

theGeek Live