Pris au piège – Austin Butler, du raté au survivant dans le New York sanglant d’Aronofsky

CRITIQUE DE FILM – Austin Butler délaisse le rôle de star charismatique pour incarner un loser attachant dans le nouveau film survitaminé de Darren Aronofsky. Connu pour ses drames sombres et oppressants comme Requiem for a Dream, le cinéaste met de côté l’austérité de l’art et essai pour offrir une virée fébrile et crasseuse à travers sa ville natale – une œuvre qui rappelle After Hours : Quelle nuit de galère, mais où les cadavres s’accumulent à chaque coin de rue.

 

Deux épreuves définissent une véritable star de cinéma. D’abord, la capacité à porter un film à elle seule. Dans Pris au piège, Butler réussit avec un naturel désarmant, si bien qu’aucun acteur secondaire ne lui vole la vedette. Ensuite, la faculté à attirer le public par son seul nom – réponse attendue dès le 28 août, lorsque ce polar crasseux, peuplé d’antihéros, sortira dans les salles hongroises. Butler y livre l’interprétation la plus humaine et accessible de sa carrière, malgré la violence constante qui entoure son personnage.

Pour Aronofsky, le projet marque une bifurcation nette. Butler campe Hank Thompson, barman new-yorkais désabusé qui passe ses soirées à regarder les matches des Giants, conscient qu’il aurait dû être sur le terrain à frapper des home runs. Il a toujours un swing redoutable, mais un accident de voiture lié à l’alcool a détruit son genou il y a dix ans. Ce drame le hante encore sous forme de cauchemars – un choix scénaristique habile qui diffère du roman de Charlie Huston, où les deux événements étaient distincts.

 

 

Le voisin, le chat et un brave type condamné

 

Huston a lui-même signé l’adaptation, ajustant subtilement Hank pour coller à l’aura de faux golden boy de Butler. Originaire de Californie, Hank n’a pas l’attitude blasée des New-Yorkais pressés : il remarque les gens, glisse quelques billets à un sans-abri, salue ses voisins et accepte même de garder le chat de Russ (Matt Smith), punk anglais au Mohawk orange et dealer de son état. Quand ce dernier disparaît, Hank dit oui – et s’enfonce dans l’engrenage.

Cette bonté se révèle peut-être son talon d’Achille… ou son salut. Bientôt, des malfrats débarquent chez lui à la recherche d’un mystérieux objet : une clé, dont personne ne sait ce qu’elle ouvre. Les premiers (Nikita Kukushkin et Yuri Kolokolnikov) le passent à tabac si violemment qu’il se réveille quelques jours plus tard à l’hôpital, amputé d’un rein. Et ce n’est qu’un début. Les menaces se multiplient, et Hank n’a plus que deux choix : coopérer ou mourir.

Comme son héros, le film accorde une attention singulière aux personnages secondaires. La distribution s’en ressent : Yvonne, petite amie ambulancière au caractère bien trempé (Zoë Kravitz), une enquêtrice implacable (Regina King), un patron motard sur le déclin (Griffin Dunne), le duo de brutes russes, deux frères orthodoxes d’une brutalité extrême (Liev Schreiber et Vincent D’Onofrio) et un gangster portoricain imprévisible (Bad Bunny, dans un caméo digne d’un film de Guy Ritchie).

 

 

New York, humour noir et pluie de cadavres

 

Aronofsky ne cherche pas les artifices formels de Ritchie, mais l’imprévisibilité des rencontres et l’humour grinçant rappellent par moments Arnaques, crimes et botanique. La présence de Griffin Dunne est d’ailleurs un indice clair : le cinéaste revendique son inspiration, After Hours : Quelle nuit de galère de Martin Scorsese, sublimée par les images nerveuses et poisseuses de son fidèle chef opérateur, Matthew Libatique.

Le récit s’étend sur plusieurs jours, Hank tentant désespérément de se libérer du piège laissé par Russ tout en évitant d’autres victimes innocentes. Mais il n’est pas John Wick : pas de tueur surentraîné, juste un homme ordinaire noyé dans ses remords et son alcool. Entre de moins bonnes mains, ces éléments auraient viré au cliché ; Huston, au contraire, les intègre dans un portrait subtil qui refuse toute rédemption facile.

Hank n’est pas mû par la vengeance. Même privé d’un rein, il ne cherche pas de représailles : il apprend simplement à esquiver. Ce qui le préoccupe vraiment, c’est Bud, le Maine coon de Russ (interprété par Tonic, le chat déjà aperçu dans Cimetière vivant), qui mord tout le monde sauf lui. Détail révélateur sur la nature profonde du personnage. Rarement un antihéros de polar prend le temps d’appeler sa mère entre deux descentes d’alvéoles criminelles.

 

 

L’odyssée d’un perdant dans la Grosse Pomme

 

Hank n’est pas un meurtrier, mais son passé d’athlète l’aide à survivre. Dans une poursuite à Chinatown, il glisse sous un camion comme s’il volait une base, et plus tard manie la batte de baseball comme une arme fatale. Sorti le même mois que Highest 2 Lowest de Spike Lee, Pris au piège célèbre aussi la mosaïque culturelle new-yorkaise, des terrains de Flushing Meadows et son Unisphere aux plages de Coney Island et Brighton Beach.

Alors que quatre des cinq derniers films d’Aronofsky avaient été présentés à la Mostra de Venise, celui-ci sort directement en salles, précédé d’avant-premières massives. On pourrait croire à un divertissement plus léger que Pi, The Wrestler ou The Whale, mais Aronofsky nous colle à Hank avec la même intensité. Pour Butler, le rôle n’a pas le prestige d’Elvis ou de Dune, mais le voir réduit à ses sous-vêtements gris suffit à sceller son statut de star.

-Gergely Herpai “BadSector”-

Pris au piège

Direction - 8.2
Acteurs - 8.1
Histoire - 8.4
Visuels/Musique/Sons/Action - 8.4
Ambiance - 8.2

8.3

EXCELLENT

Darren Aronofsky abandonne ses drames oppressants pour une plongée noire et ironique dans les bas-fonds de New York. Austin Butler y prouve qu’il peut porter seul un film, en transformant un loser en survivant inattendu. Pris au piège est à la fois sale, haletant et étonnamment humain.

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BadSector is a seasoned journalist for more than twenty years. He communicates in English, Hungarian and French. He worked for several gaming magazines – including the Hungarian GameStar, where he worked 8 years as editor. (For our office address, email and phone number check out our impressum)

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