Crusader: No Remorse – Aucun regret!

RETRO – Cap sur 1995, il y a trente ans, en pleine « âge d’or » du jeu PC. Les processeurs commençaient à gonfler les muscles, la RAM cessait d’être un luxe intouchable, et le CD-ROM n’était plus réservé aux encyclopédies multimédia poussiéreuses. Les studios lâchaient leur créativité sans retenue et offraient des expériences jusqu’alors inimaginables. C’est dans ce contexte flamboyant qu’est arrivé Crusader: No Remorse, un jeu d’action isométrique impitoyable sorti sur MS-DOS, gravé à jamais dans l’ADN des gamers des années 90.

 

Crusader: No Remorse a été développé par Loose Cannon Productions – une cellule interne d’Origin Systems –, sous la direction de Tony Zurovec. Non seulement il dirigeait le projet, mais il insufflait littéralement son énergie vitale dans ce carnage digital. La base technique reposait sur une version lourdement modifiée du moteur d’Ultima VIII: Pagan, poussée si loin qu’elle s’imposait comme une véritable prouesse technologique sur PC.

 

 

640×480 – La résolution qui a fait pleurer les PC

 

Crusader a osé un choix audacieux pour l’époque : du 640×480 avec 256 couleurs – presque de la science-fiction en 1995. Cette définition permettait des explosions crédibles, des ombres détaillées et des environnements plus vivants. Mais il y avait un hic. Dans le numéro 116 de Retro Gamer, Zurovec lui-même admettait avoir dû renoncer au défilement des niveaux : aucun PC n’était capable de l’assurer avec de tels graphismes.

Un sacrifice vite pardonné quand on compare aux portages PS1 et Saturn : là, oui, il y avait du scrolling, mais avec une image floue, une définition inférieure et de l’aliasing à gogo. Rien à voir avec la clarté et la force visuelle de la version PC. Et surtout, le jeu offrait une interactivité inédite : barils, caisses, générateurs, tout pouvait exploser. Même certains objets de bureau pouvaient être balayés d’un tir. Ce n’était pas encore une simulation physique complète, mais pour l’époque, ça ressemblait déjà à de la sorcellerie.

 

 

La dystopie en édition deluxe

 

Comme souvent chez Origin, il ne s’agissait pas seulement de pixels et de déflagrations : le lore et le scénario tenaient une place centrale. Bienvenue au 22e siècle, où la civilisation s’est effondrée sous le poids de la corruption, des crises économiques et du chaos politique. Sur les ruines s’est imposé le WEC, le Consortium Économique Mondial, promettant unité et prospérité – du moins, selon la propagande.

Derrière cette façade brillante, tout empestait la manipulation. Les nobles idéaux avaient été remplacés par la cupidité et le pouvoir des élites. Le fossé entre riches et pauvres s’élargissait toujours plus, laissant les laissés-pour-compte dans une misère absolue.

À la tête du WEC, Nathaniel Draygan, un tyran machiavélique prêt à écraser toute opposition. Face à lui, la Résistance : un groupe hétéroclite de marginaux et d’idéalistes bien décidés à renverser le Consortium et à rétablir un semblant d’équilibre.

Le joueur incarne simplement « le Capitaine », un ancien Silencer – super-soldats du WEC, véritables drones humains programmés pour tuer. L’intro montre trois Silencers massacrant une base rebelle ; quand ils refusent d’exécuter des civils, l’ordre tombe : éliminer les récalcitrants. Un robot Vetron tente de s’en charger, mais le Capitaine survit et pulvérise la machine d’une grenade.

Ne pouvant revenir en arrière, il rejoint les rebelles de l’Echo sector, jure vengeance et se lance dans une croisade méthodique pour faire exploser le WEC morceau par morceau.

 

 

Sabotage multiplié par seize

 

Seize missions de plus en plus corsées rythment l’aventure, chaque fois avec un objectif précis à détruire – économique ou politique. Quatre niveaux de difficulté sont proposés, et en mode ultime, les ennemis apparaissent avec des armes aléatoires : fusils d’assaut, lance-roquettes… De quoi réserver l’expérience aux vétérans les plus endurcis.

Chaque mission démarre par une insertion en téléportation, et la cible est toujours planquée au bout du niveau. Entre les deux ? Des bataillons de gardes, de soldats et de robots. Les contrôles reposent sur le clavier : flèches pour tourner et avancer, combinaisons pour straffer, s’accroupir, rouler. La survie passe par une parfaite maîtrise.

La barre d’espace sort l’arme, puis un second appui tire. Le système de visée semi-automatique aide à cibler ce qui se trouve dans le champ de vision, mais la précision dépend de l’arme, de la distance et… de vos nerfs.

 

 

Rouler, tirer, recommencer

 

Le gunplay n’était pas révolutionnaire, mais il procurait un fun immédiat. Se jeter en roulade pour esquiver une rafale puis riposter en transformant l’adversaire en tas fumant, ça avait son charme. Et le WEC ne se défendait pas qu’avec des humains.

Dès le premier niveau, on croisait le Thermatron, serpent mécanique bipède bardé de mitrailleuses, redouté même des Silencers. Puis venaient les Vetron, chars humanoïdes cracheurs de roquettes. Bonne nouvelle : on pouvait les pirater depuis des terminaux planqués et les retourner contre leurs maîtres.

Ajoutez à ça les tourelles automatiques, caméras et détecteurs. Une alarme déclenchée et c’était la vague infinie de renforts. Mieux valait vite couper le système ou se préparer à un bain de sang.

 

 

Attention, ça explose !

 

Sols piégés, tourelles dissimulées, codes d’accès à trouver sur des cadavres ou dans des terminaux… ou à faire sauter à la C4. Pas subtil, mais diablement efficace.

Des civils erraient aussi dans les niveaux : ingénieurs, employés de bureau, pauvres types. On pouvait les épargner – mais rien n’empêchait de les abattre pour récupérer quelques crédits. Moral ? Non. Utile ? Parfois.

 

 

Libération ou boucherie pixelisée ?

 

Avec le recul, une question se pose : se battait-on vraiment pour le peuple ? Chaque mission laissait derrière elle une traînée de civils morts. Le commandement rebelle, lui, ne bronchait pas – trop occupé à boire un verre.

La révolution ressemblait plus à un bain de sang qu’à une libération – mais quel défouloir. Exploser, tuer, saboter : le jeu ne s’embarrassait pas de morale. Et l’arsenal suivait la logique : armes radioactives, destructeurs en tous genres, tout y passait.

L’arme la plus marquante ? L’UV-9, qui carbonisait la chair des ennemis sous rayonnement ultraviolet, les laissant hurler de douleur. Dégueu, brutal, génial. Ajoutez des medkits, des araignées explosives et autres gadgets, et le chaos était complet.

 

 

Weasel, le dealer d’armes et le royaume des FMV

 

Au camp rebelle, on retrouvait Weasel, roi autoproclamé du marché noir, vendant tout ce qu’il fallait contre quelques crédits. Un tour à la boutique, et retour direct dans la fournaise.

Après chaque mission, on regagnait la base, avec possibilité de discuter ou de profiter des séquences vidéo en FMV. Et contrairement aux cinématiques kitsch de l’époque, celles de Crusader étaient plutôt solides. Pas du niveau Wing Commander, mais largement au-dessus de la moyenne.

 

 

Des modules plein les oreilles

 

La bande-son méritait sa propre légende. Industrial et techno signés Straylight Productions accompagnaient chaque carnage. Le secret ? L’Asylum Music System, un lecteur MOD qui embarquait à la fois les samples et les séquences. Résultat : la même qualité sonore chez tout le monde, quelle que soit la carte son.

Andrew Sega, compositeur du jeu, expliquait que ce choix garantissait un rendu identique sur tous les PC. Une idée brillante, rarement copiée, mais qui donnait à Crusader une identité sonore unique encore percutante aujourd’hui.

 

 

Chaque explosion, un souvenir sucré

 

On comprend facilement pourquoi Crusader: No Remorse reste culte. Il capture une époque où les PC prenaient enfin de la puissance et où les développeurs lâchaient les freins. Les contrôles paraissent lourds aujourd’hui, mais les graphismes et le sound design conservent toute leur force.

Et surtout : c’est toujours un plaisir coupable à jouer. Tout faire sauter, encore et encore, c’est jouissif. No Remorse reste un action game stylé et sans concession, qui mérite amplement d’être redécouvert. Fortement conseillé.

– Gergely Herpai  “BadSector” –

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BadSector is a seasoned journalist for more than twenty years. He communicates in English, Hungarian and French. He worked for several gaming magazines – including the Hungarian GameStar, where he worked 8 years as editor. (For our office address, email and phone number check out our impressum)

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