RETRO – Il y a vingt-huit ans, ce jeu de tir à la troisième personne a révolutionné le genre et était une merveille technique qui pouvait être jouée sans carte accélératrice 3D. Véritable tour de force technique, MDK s’est imposé comme l’un des titres les plus emblématiques de Shiny Entertainment grâce à son humour noir et à sa capacité à contourner les limitations matérielles de l’époque.
La seconde moitié des années 90 marque un tournant pour l’industrie vidéoludique, portée par l’essor des graphismes 3D et des nouvelles cartes graphiques dédiées. Après des décennies de règne de la 2D, les développeurs s’aventurent enfin vers des mondes tridimensionnels complets. Les premiers FPS et simulateurs proposaient bien des environnements pseudo-3D, mais le véritable saut technologique était encore à venir.
Dans cette course au progrès, tout le monde voulait sa part du gâteau – y compris Shiny Entertainment. Ce studio, réputé pour sa créativité débridée, a profité de l’âge d’or du PC pour sortir MDK, une œuvre née de l’esprit fou de Nick Bruty et du génie technique de Dave Perry. Parmi les premiers shooters à la troisième personne à proposer des niveaux ouverts, MDK a préparé le terrain pour bien d’autres jeux à venir.
Bruty a insufflé au jeu toute la folie qu’on avait déjà vue dans Earthworm Jim, tandis que Perry s’est chargé de rendre le jeu accessible au plus grand nombre. Résultat : pas besoin de carte 3D pour s’y plonger – une promesse tenue, même si les captures d’écran pouvaient laisser penser le contraire.
Un agent d’entretien, un fusil sniper et une mission pour sauver la Terre
Dès les premières secondes, MDK transpire le style décalé de Bruty. La Terre est envahie par des aliens, menés par le scientifique fou Dr. Hawkins. Le seul à pouvoir contrer cette menace : Kurt Hectic, ancien homme d’entretien d’une organisation secrète, désormais porteur d’une armure de combat expérimentale, la Coil Suit. Celle-ci est blindée, stylisée, et surtout, possède une tête servant de lunette de sniper. Kurt devra infiltrer d’immenses vaisseaux d’invasion et faire feu sur tout ce qui bouge.
Simple sur le papier, le jeu brille surtout par sa conception de niveaux, organique et originale. Chaque mission débute par une descente vertigineuse vers le vaisseau cible, durant laquelle le joueur doit collecter des bonus en vol – un clin d’œil aux transitions barrées d’Earthworm Jim. Une fois au sol, le carnage commence. L’armure, malgré son look minimaliste, cache une puissance de feu dévastatrice. Entre le sniper intégré au casque et le blaster à munitions illimitées, Kurt est parfaitement armé pour affronter des vagues incessantes d’ennemis.
Et ces niveaux, pour l’époque, étaient étonnamment vastes. Cela permettait à MDK de proposer une action frénétique, réputée pour sa difficulté corsée. Si vous ne tuiez pas assez vite, vous étiez rapidement submergé. Mais la vraie innovation, c’est que certains segments pouvaient être abordés en mode infiltration – un concept encore rare dans les shooters de l’époque. C’est là que MDK a su se démarquer et anticiper des mécaniques devenues aujourd’hui des standards.
Le parachute, indispensable pour glisser entre les hauteurs, renforçait cette approche plus discrète. Mais ce n’était que le début : Kurt disposait aussi de la plus petite bombe atomique du monde, et d’un jetpack pour balancer des roquettes sur ses adversaires. Les ennemis, dans le plus pur style Shiny, étaient plus comiques qu’effrayants : ils dansaient, faisaient des grimaces ou brandissaient une cible sur leur visage pour vous inciter à tirer. Le jeu ne proposait que six niveaux, certes, mais leur taille et leur richesse incitaient fortement à y rejouer.
Un exploit technique – sans carte graphique dédiée
Une des forces majeures de MDK résidait dans sa philosophie inclusive : pas besoin de machine de guerre pour en profiter. La Terre est envahie par des extraterrestres et seul Kurt Hectic, un ancien agent d’entretien d’une organisation secrète, peut les arrêter en enfilant la combinaison de combat ultime développée par ses supérieurs : le Coil Suit. Dave Perry, maître en optimisation, a conçu un moteur 3D complet, mais qui reposait uniquement sur le processeur.
À l’époque, les processeurs Pentium étaient bien plus répandus que les cartes 3Dfx. Ils avaient la puissance nécessaire pour simuler un rendu 3D en pure software. Résultat : MDK tournait de manière fluide, sans GPU dédié – une rareté. Perry a plus tard précisé que l’idée n’était pas de rejeter la technologie, mais simplement de la proposer en option.
Évidemment, avec une carte 3D, le jeu gagnait en finesse, mais même sans cela, la direction artistique de Bruty suffisait à captiver. L’univers combinait habilement décors industriels et ambiance extraterrestre. Et malgré l’absence d’accélération matérielle, le jeu affichait une fluidité remarquable, tournant sans accroc à 30 FPS – une prouesse pour 1997.
Le succès fut immédiat. MDK devint rapidement l’un des titres les plus acclamés de l’année. Une suite a bien vu le jour, mais elle a été développée par BioWare, et non Shiny – une autre histoire, pour une autre fois. Ce qu’il faut retenir, c’est que MDK a jeté les bases de tout un pan du jeu d’action à la troisième personne. Il est toujours disponible sur GOG, si l’envie vous prend de revisiter cette pépite.
– Gergely Herpai « BadSector » –