CRITIQUE DE FILM – Vous rêviez de voir Ice Cube sauver la planète dans un Teams apocalyptique low-cost ? Sur Prime Video, La Guerre des mondes devient un thriller insipide fait de webcams qui grésillent et de flux de surveillance crasseux – ici, la seule vraie solution à l’invasion : une commande Prime.
En 1938, Orson Welles a paniqué toute l’Amérique avec sa version radio géniale de La Guerre des mondes, transformant la science-fiction en breaking news effrayante. En 2024, le vrai danger, c’est plutôt l’ennui : cette nouvelle adaptation streaming risque bien de vous endormir, tant l’invasion et la fin du monde se résument à un analyste grincheux devant son moniteur. Ice Cube y campe un expert de la surveillance, omniscient mais incapable de repérer un bon scénario.
Ici, la « guerre » se limite à des webcams saccadées et des appels Zoom stériles, laissant au spectateur le soin de lutter contre l’ennui. Ice Cube incarne Will Radford, soi-disant agent de la Sécurité intérieure, mais qui ne fait que surveiller ses propres enfants : sermonner Faith, sa fille enceinte, sur son alimentation, et engueuler Dave, son fils gamer, pour ses heures de jeu excessives.
Pas sous ma surveillance, mec !
Après Searching de Timur Bekmambetov, on hérite ici d’un copié-collé sans âme orchestré par Rich Lee, vétéran du clip musical. Peut-être que ce serait effrayant si Amazon n’avait pas déjà envahi nos boîtes aux lettres – mais même les abonnés Prime doivent supporter deux minutes de pubs avant une heure et demie de promo déguisée, avec CGI au rabais.
Will Radford, incarné par Cube, bosse censément pour la Sécurité intérieure, mais son bureau ressemble à un open space post-apocalyptique sans collègues. Plutôt que de sauver le monde, il contrôle ce que sa fille mange et traque le score gaming de son fils, nettement plus préoccupé par la salade de Faith que par la fin du monde.
Chaos numérique, sitcom familiale en tâche de fond
Tout commence par la traque d’un hacker nommé Disruptor, bien décidé à révéler les secrets d’État. Entre deux visios avec son boss (Clark Gregg) et une agente de terrain (Andrea Savage), Will tente de localiser le signal et de suivre l’action en direct. Les monteurs Charles Ancelle et Jake York font sauter les fenêtres comme lors d’un e-sport, et Cube lâche son Not on my watch ! – qui aurait d’ailleurs gagné à être adapté en VF plus mordante.
Le choix de Cube est étonnant : il alterne entre bougon et explosif, jamais vraiment crédible en gardien numérique de l’Amérique. Lunettes épaisses obligatoires (astuce Hollywood), il devient un Ving Rhames de Mission: Impossible version famille nombreuse et jurons à gogo. Son espionnage numérique ? Scruter le frigo de sa fille et hacker l’ordi de son fils, tout en râlant sans fin.
Fin du monde : mode streaming sur smartphone
Si La Guerre des mondes veut faire passer un message, ce n’est ni sur les aliens ni sur la vie privée, mais sur le flicage parental à l’ère du Big Data. Faith et Dave sont adultes, mais Will ne lâche vraiment prise que lorsque l’apocalypse extraterrestre lui coupe enfin le Wi-Fi.
Puis, après vingt minutes, pluie de météores, villes en flammes, chaos généralisé. Sandra Salas de la NASA (Eva Longoria) alerte Will, qui rétorque : Je surveille les gens, pas la météo. Le désastre se résume à des pixels façon YouTube et des images d’archives militaires. Le seul moment fun, c’est quand un météore explose pour révéler un tripode rutilant et armé d’un laser – puis retour à la léthargie.
Sauver le monde, version Prime
Le job exact de Will reste flou, mais en pleine crise, on s’attendrait à mieux que quelques appels à ses enfants, pendant que l’humanité disparaît hors champ. Il tente aussi de protéger le boyfriend Prime-livreur de Faith (Devon Bostick), qui le rend fou à force de l’appeler Pépère.
Dans ces films, la famille passe toujours d’abord, mais le script de Kenneth A. Golde et Mark Hyman est si fade qu’on s’en fiche. Même l’accouchement de Faith en pleine invasion laisse de marbre – Will surveille juste son rythme cardiaque entre deux appels du président. Qui tiendra jusqu’à ce que le livreur Prime annonce : Passez une commande officielle Amazon pour activer le drone !? Quelques trouvailles (dont un virus informatique modernisé), mais tout l’intérêt est de voir Ice Cube gueuler : Rentrez chez vous, losers intergalactiques ! Si Amazon remboursait le temps perdu, ce film serait un best-seller du SAV.
-Gergely Herpai “BadSector”-
La Guerre des mondes
Direction - 2.6
Acteurs - 3.6
Histoire - 2.7
Visuels/Musique/Sons - 4.2
Ambiance - 2.8
3.2
MAUVAIS
Le La Guerre des mondes d’Ice Cube tient plus de la pub Amazon étirée que de la vraie SF. Une apocalypse autour de la table familiale, bardée de pubs, de clichés et d’ennui poli. À réserver à ceux qui rêvent de voir la fin du monde livrée en Prime.