Langer – Le syndrome du “Psycho” polonais : un serial killer qui tourne à vide

CRITIQUE DE SÉRIE – Il existe des histoires criminelles qui ne fonctionnent que si l’on accepte d’oublier toute cohérence : tant que les héros traquent le mal dans des contrées lointaines et imaginaires, on peut tolérer beaucoup d’invraisemblances – mais quand ce conte macabre débarque sous nos barres d’immeubles familières, la magie disparaît aussitôt. Diffusé sur SkyShowtime, Langer voudrait à la fois jouer dans la cour des grands américains et exhiber ses particularités centre-européennes, mais il n’accouche que d’un hybride fade, où négation de la réalité et clichés usés se mélangent sans jamais convaincre.

 

Ce genre de polar, qui exige une suspension extrême de l’incrédulité, fonctionne surtout comme une fable noire : s’il se déroule dans des lieux si lointains qu’ils sont déjà avalés par la pop culture, on l’accepte. Mais lorsqu’un réalisateur polonais, ou autre, essaie de transposer ces recettes dans son univers local, le résultat est presque toujours gênant. Plus on connaît la réalité du pays, plus les maladresses du scénario, les personnages factices et les clichés grossiers sautent aux yeux. Langer tombe à pieds joints dans ces deux pièges, sans vergogne.

 

 

Varsovie Noir, ou la BD qui déborde sur la réalité

 

La Varsovie vue dans cette série n’existe tout simplement pas : c’est une métropole abstraite, presque surréaliste, où un tueur en série richissime et inaccessible, Piotr Langer (Jakub Gierszał), affronte deux policières catastrophiquement incompétentes, Siarka (Magdalena Boczarska) et l’agent infiltrée Nina (Julia Pietrucha), dans un vaudeville de chat et de souris. Leur opération, préparée pendant des années, repose sur une seule et unique idée démesurée : Nina va séduire Langer – et rien d’autre. Ça ne “marche” que parce que le scénario l’exige, et surtout parce que Julia Pietrucha dégage une aura dangereuse qui pourrait bel et bien faire baisser la garde à un psychopathe. Peut-être qu’un jour, cette actrice polonaise aura enfin droit au grand rôle de femme fatale qu’elle mérite réellement.

Pietrucha est si magnétique ici qu’on en oublie presque à quel point elle incarne une policière amateur peu crédible. Mais l’avalanche de situations absurdes finit par tout écraser : Nina découvre des cadavres chez Langer, déniche une salle de torture dans sa villa, assiste à une agression brutale, arrache même des aveux sur la première victime – mais la rengaine reste “aucune preuve”. Elle ne songe même pas à sauver la secrétaire kidnappée, et la vidéo de surveillance montrant le chauffeur de Langer en train d’enlever la fille n’intéresse personne – comme si tout le monde vivait dans un rêve cotonneux. Sa supérieure, Siarka, ne fait pas mieux : elle envoie Nina affronter un psychopathe tueur de femmes sans aucune protection, et l’identité secrète est tellement bâclée que Langer la découvre en trois minutes sur Google. L’intrigue bifurque sur deux axes (côté tueur et côté policières), mais aucun n’est passionnant : la police patauge, Langer est plus fade qu’un message automatique d’absence. Je ne dis pas que le mal doit toujours avoir une justification, mais si on nous colle un démon aussi précis, le minimum serait d’en donner une explication.

 

 

Faux polar, pose en carton et atmosphère en miettes

 

Ce ne sont pas seulement les deux policières qui échouent : la série entière, adaptée du best-seller de Remigiusz Mróz, n’est qu’une simulation – un polar de serial killer où tous les ingrédients sont là, mais où rien ne vibre. Comme dans les romans de Mróz, tous les codes sont présents, mais au final, tout sonne creux : des acteurs qui errent dans des décors poussiéreux. Les dialogues sont affreusement faux, la musique irritante, la tension est remplacée par des explications interminables, et le rythme est aussi saccadé qu’une vieille VHS usée. Après quatre épisodes, impossible de deviner de quoi il s’agit vraiment – à part vouloir choquer à tout prix. Voilà le genre d’œuvres qui conforte les boomers dans leurs doutes sur la pop culture : ici, la violence est totalement gratuite, sans aucune réflexion morale ni justification, simple élément de décor. L’intention des auteurs est double : ils veulent un tueur façon Tarantino et un polar sombre et adulte, mais ça ne colle pas.

Ironiquement, le fil conducteur sur les enfants tortionnaires d’animaux aurait pu être le vrai miroir social – mais là aussi, tout retombe à plat. Le fils de Nina et son copain torturent des animaux et postent les vidéos sur Internet – cela aurait pu donner un vrai réquisitoire sur la banalisation de la violence en ligne et l’impuissance des lois. Mais on se retrouve avec un script insipide, des enfants mal dirigés et des adultes crédules qui gobent tout. Ce passage ressemble plus à une séquence moralisatrice de matinale télé qu’à un coup de poing façon Benny’s Video de Haneke. Peut-être qu’à la toute fin, on aura droit à la grosse révélation façon “certains naissent méchants” ou “les monstres sont parmi nous, invisibles” – mais je n’en miserais pas un centime.

 

 

Pub de parfum, faux luxe et perversion sans relief

 

Il reste une “couche en plus” : la romance. Les rendez-vous de Julia Pietrucha et Jakub Gierszał dans des lieux chics et lors de fêtes huppées évoquent parfois une publicité pour parfum, parfois une version édulcorée de Cinquante nuances. Mais pour Langer, la romance, c’est fracture à coups de marteau et ébats à côté d’une victime ligotée – de quoi laisser n’importe quel spectateur perplexe. Leur histoire d’amour sort de nulle part, la chimie entre les deux acteurs est indéniable, mais tout reste curieusement asexué – ce qui, paradoxalement, fait d’eux les personnages les plus intéressants de la série.

Pietrucha a déjà reçu mes louanges, Gierszał, lui, semble pleinement conscient de la faiblesse du projet – il cabotine, multiplie les grimaces et joue la caricature du méchant avec une ironie assumée. Parfois ça fonctionne, parfois non. Langer est l’exemple même de la saga populaire vidée de sa substance, devenue un thriller insipide et incohérent. Même la meilleure mise en scène et l’implication des acteurs ne peuvent rien sauver si l’histoire elle-même est aussi creuse et décousue. C’est l’un des thrillers les plus inutiles et brouillons de l’année, qu’on ne saurait recommander sans réserve, même aux fans du genre.

-Gergely Herpai « BadSector »-

 

Langer

Direction - 5.2
Acteurs - 5.4
Histoire - 4.2
Visuels/Musique/Sons - 4.6
Ambiance - 5.2

4.9

FAIBLE

Langer fait tout pour aligner les clichés du polar de serial killer, mais rien ne marche : ni suspense, ni tension, ni réflexion sociale, juste un empilement de poncifs et d’absurdités. Pietrucha et Gierszał tentent de sauver les meubles, mais le pire crime de ce “Psycho” polonais, c’est d’être parfaitement dispensable.

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BadSector is a seasoned journalist for more than twenty years. He communicates in English, Hungarian and French. He worked for several gaming magazines – including the Hungarian GameStar, where he worked 8 years as editor. (For our office address, email and phone number check out our impressum)

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