CRITIQUE DE SÉRIE – Après un long sommeil, Netflix s’est enfin réveillé et rouvre pour nous les portes du Royaume des Rêves : Sandman est de retour, et le spectacle n’a rien perdu de sa puissance visuelle, dramatique ou mystique. Cette saison ne se contente pas d’en mettre plein la vue ; elle bouscule aussi nos nerfs, alternant envolées et ralentissements, tout en offrant à l’univers des Infinis une profondeur et une vitalité inédites. La question reste entière : assisterons-nous à un apothéose mémorable, ou seuls les plus grands rêveurs tiendront jusqu’au bout ?
Après un long silence, nous revoilà plongés dans le Royaume des Rêves. Dès sa première saison, l’adaptation par Netflix du comic culte de Neil Gaiman s’est imposée, mais la suite n’a longtemps relevé que de la spéculation. Ce n’est qu’à la fin 2022 que la seconde saison est confirmée – un soulagement vite tempéré. En janvier 2025, Netflix annonce que cette salve sera la dernière. Le calendrier n’a rien d’anodin : la nouvelle tombe à peine une semaine après de graves accusations visant Neil Gaiman, même si le showrunner Allan Heinberg affirme que la structure en deux saisons était décidée de longue date. Quoi qu’il en soit, l’ultime chapitre est lancé, et s’il y a une certitude, c’est que cet univers n’a pas fini de surprendre. Ces nouveaux épisodes séduisent par leur richesse visuelle, leur construction centrée sur les personnages et leur mythologie foisonnante – même si rythme et montage vacillent par moments, faisant de cette saison un mélange fascinant de magie et de chaos.
Rêves, démons et querelles familiales : l’univers repousse ses limites
La première saison nous plongeait dans la libération de Rêve (Tom Sturridge), délivré après un siècle de captivité, reconquérant son royaume, maîtrisant cauchemars et songes récalcitrants, et se mesurant même à Lucifer Morningstar (Gwendoline Christie), tout en se laissant transformer par ses expériences humaines. Dans cette nouvelle saison, c’est son frère Destin (Adrian Lester) qui convoque la famille des Infinis : Mort (Kirby), Désir (Mason Alexander Park), Désespoir (Donna Preston) et Délire (Esmé Creed-Miles) prennent place, mais le mystérieux Destruction/Le Prodigue (Barry Sloane) brille toujours par son absence. Ce conseil de famille est provoqué par une rencontre de Destin avec les Dames Grises, qui annoncent une ère sombre et orageuse. Pendant ce temps, Rêve doit affronter son passé : délivrer son ancienne amante Nada (Deborah Oyelade) des Enfers, désigner un nouveau souverain au monde souterrain, et partir à la recherche de son frère disparu depuis longtemps.
Rêve face à lui-même et à son passé, la légende des Infinis s’étoffe
Entre les mains de Tom Sturridge, Rêve n’a jamais été aussi complexe : un être déchiré, hanté par les remords et l’introspection, qui avance – lentement – vers l’acceptation de ses fautes. Les tensions émotionnelles abondent : la quête pour libérer Nada, les conflits familiaux, la culpabilité tenace nourrissent chaque épisode. Gwendoline Christie compose un Lucifer brisé mais redoutable, tandis qu’Esmé Creed-Miles insuffle une énergie imprévisible à Délire. Mason Alexander Park et Kirby Howell-Baptiste apportent, à chaque apparition, une fraîcheur bienvenue.
Les deux grands axes de cette saison – la succession des Enfers et la plongée dans le passé des Infinis – font la part belle à la mythologie : démons, fées, dieux nordiques et panthéons entiers défilent, révélant des pans d’histoire jusque-là inexplorés. Le résultat ? Des scènes éclatantes, parfois déroutantes, où le spectacle le dispute à la profondeur – même si la structure globale manque de la cohésion de la première saison et que la tonalité, plus méditative, ralentit parfois le rythme. Reste que ce premier volume s’achève sur un cliffhanger tendu, qui promet de bouleverser à jamais le destin de Rêve et de l’univers. Le véritable affrontement n’a pas encore commencé, mais il est évident que la série pose ici les bases d’un final retentissant. Ce n’est peut-être pas l’apogée absolue de Sandman, mais tout est en place pour un baroud d’honneur mémorable.
La division façon Netflix : trouvaille diabolique ou simple calcul ?
Netflix s’est fait une spécialité de scinder ses séries phares en deux parties – il suffit de penser à La Chronique des Bridgerton, à Stranger Things ou à Outer Banks. Ce procédé accentue le suspense et met la patience du public à l’épreuve, tout en entretenant la logique du binge-watching… à condition de savoir attendre. Du point de vue de l’écriture, le pari reste risqué : réussir un véritable climax à mi-parcours, sans laisser retomber la tension, est loin d’être évident, et cette saison 2 de Sandman n’échappe pas à la règle. Ce premier volume n’est là que pour mettre en place le second, mais il ne manque pas de moments marquants, de portraits incisifs et de questions qui demeurent en suspens. Reste à savoir si le chant du cygne de Neil Gaiman sera à la hauteur des espoirs placés en lui.
-Gergely Herpai « BadSector »-
Sandman : Saison 2 épisodes 1 à 6
Direction - 8.1
Acteurs - 8.2
Histoire - 8.1
Visuels/Musique/Sons - 8.2
Ambiance - 8.4
8.2
EXCELLENT
La deuxième saison de Sandman brille par ses images et sa profondeur, même si son rythme capricieux laisse parfois le spectateur perplexe. La richesse des arcs narratifs et de l’univers compense les faiblesses structurelles, mais une question demeure : la série saura-t-elle vraiment offrir à l’univers de Gaiman une conclusion légendaire ? La réponse ne saurait tarder : tout va bientôt se jouer.