Jurassic World: Rebirth – Tel père, telle saga

CRITIQUE CINÉMA – Jurassic World: Rebirth n’hésite pas une seconde à ressusciter tous les poncifs et recettes éculées du cinéma de dinosaures, dans un tourbillon de clins d’œil et de formules usées jusqu’à la corde. Lors de la projection presse au Mamut II, l’impression dominante était celle de feuilleter un vieil album de souvenirs : des archétypes familiers, des rebondissements déjà-vus, mais cette fois enrobés d’effets spéciaux dernier cri. Gareth Edwards tente de relancer la franchise vers de nouveaux horizons, mais le film s’embourbe bien vite dans le confort des routines éprouvées – même si, parfois, la magie originelle des Jurassic resurgit, l’espace d’un instant.

 

Jurassic World: Rebirth s’ouvre sur la bévue d’un scientifique : un banal emballage de Snickers tombe à terre, et c’est tout l’écosystème de l’île Saint-Huber qui se retrouve livré en pâture aux dinosaures mutants. Un point de départ à la simplicité prometteuse, que Gareth Edwards (réalisateur de Rogue One: A Star Wars Story et The Creator) transforme pourtant en une longue exposition languissante. Au septième opus de la saga – après un Jurassic World: Fallen Kingdom qui avait fait des dinosaures une menace planétaire, puis un Jurassic World: Dominion englué dans une intrigue de sauterelles mutants – on sent la série hésiter entre réinvention audacieuse et recyclage en mode automatique.

 

 

La boucle sans fin

 

Rebirth règle promptement l’héritage de la dernière trilogie : on nous annonce sans détour que les nouveaux dinosaures, frappés de maladies dues au climat moderne, sont condamnés à disparaître. La scène d’un dinosaure mourant qui bloque la circulation à New York illustre ce point, renforcé par une séquence animée dans un musée… et, au cas où le spectateur serait distrait, Jonathan Bailey, paléontologue, vient tout réexpliquer dans une interminable tirade. Cette surenchère pédagogique – pas si rare à Hollywood – devient vite pesante, surtout que David Koepp (scénariste du Jurassic Park original) semble prendre le public pour un novice absolu. Pire, l’introduction de deux nouvelles équipes de personnages se fait à coup d’expositions laborieuses, au lieu de laisser l’action révéler leur personnalité. Le dialogue surécrit entre Zora et Duncan (Scarlett Johansson et Mahershala Ali), censés être de vieux amis, aligne les évidences et annonce chaque arc narratif sans subtilité.

Pendant ce temps, l’intrigue principale démarre péniblement : Zora, ancienne des forces spéciales, est engagée par un magnat de la pharma (Rupert Friend) pour prélever du sang sur trois dinosaures géants. Le Dr Henry Loomis (Bailey) se joint à l’expédition, direction l’île Saint-Huber désormais en proie au chaos post-Snickers. Le groupe compte aussi Duncan, le capitaine de bateau (Ali), un mercenaire joué par Ed Skrein, et deux figurants dont on devine déjà le funeste destin. Évidemment, une famille égarée – un père, deux filles et un petit ami “planant” – croise leur route, fidèle à la tradition Jurassic.

 

 

Paroles, paroles… et rugissements

 

Le premier acte s’étire en une suite ininterrompue de dialogues, à tel point qu’Ed Skrein disparaît presque dans la masse. Mais dès que les héros foulent le sol de Saint-Huber, le récit se réveille enfin. Les échanges se font plus naturels, les personnages gagnent en relief, et surtout, les dinosaures non aquatiques reviennent sur le devant de la scène. Edwards orchestre de véritables morceaux de bravoure, comme une poursuite effrénée avec un T. rex sur la rivière, tout droit sortie du roman Jurassic Park, ou une escalade vertigineuse. Grâce à la photographie de John Mathieson, on retrouve enfin ce que doit être un Jurassic : des humains fascinés, dépassés, propulsés dans l’aventure face à la majesté et à la fureur préhistoriques.

La révélation du film, c’est Jonathan Bailey, qui s’émancipe de son rôle de Monsieur-Exposition pour vibrer vraiment face aux dinosaures, notamment en duo avec Johansson. Zora abandonne peu à peu son cynisme pour se muer en héroïne d’action crédible dès que l’instinct de survie prend le dessus. Les personnages secondaires restent malheureusement très plats – Mahershala Ali, notamment, peine à exister (malgré son dernier passage remarqué dans Alita: Battle Angel), même s’il décroche une scène marquante sur la fin.

 

 

Dinos mutants, l’ombre de Spielberg

 

Malheureusement, le dernier acte s’embourbe dans un chaos de mutants où la tension s’évapore. Le film tente bien de rejouer la célèbre séquence de la cuisine du Jurassic Park originel, mais les créatures n’ont aucune vraie personnalité. L’arrivée d’un monstre encore plus imposant et étrange vire au grotesque plutôt qu’à l’effroi. Edwards multiplie les clins d’œil à Spielberg – qu’il s’agisse de Jurassic Park, Indiana Jones ou Les Dents de la mer –, mais Rebirth rate la recette du suspense familial qui a fait la légende de ces classiques. Même les morts frappantes passent sans émotion, et l’une d’elles est aussitôt annulée avant le générique.

On ressort avec l’impression que Rebirth aurait mérité une plus longue gestation : à peine trois ans après Jurassic World: Dominion, censé clôturer la trilogie de Colin Trevorrow. Edwards reste un metteur en scène efficace, les scènes d’action sont soignées, mais le scénario est surécrit, confus, peuplé de personnages fades – et même les dinosaures peinent à exister. Plutôt qu’un nouveau départ, la saga accouche d’un épisode agréable mais vite oublié, bien loin de l’impact fondateur de ses débuts.

-Gergely Herpai « BadSector »-

 

Jurassic World: Rebirth

Direction - 7.4
Acteurs - 5.5
Histoire - 2.6
Visuels/Musique/Sons/Action - 7.6
Ambiance - 5.8

5.8

MOYEN

Rebirth réchauffe sans complexe les vieux schémas jurassiques, mais sauve l’essentiel par son spectacle et son énergie. Certains membres du casting tirent leur épingle du jeu, mais l’écriture, trop lourde et éparpillée, empêche l’émotion de percer. Au lieu d’un nouveau souffle, la saga se contente d’un honnête divertissement dino, davantage rediffusion que révolution.

User Rating: Be the first one !

Spread the love
Avatar photo
BadSector is a seasoned journalist for more than twenty years. He communicates in English, Hungarian and French. He worked for several gaming magazines – including the Hungarian GameStar, where he worked 8 years as editor. (For our office address, email and phone number check out our impressum)