Duster – Avec J.J. Abrams, le polar seventies file à toute allure sur les routes du Sud-Ouest

CRITIQUE DE SÉRIE – Quand J.J. Abrams et LaToya Morgan unissent leurs forces, cela donne une série Max qui évoque le croisement d’un roman noir pimenté et d’un film culte de muscle car, sur les routes brûlantes de l’Arizona. On suit ici une agente du FBI déterminée, lancée à la poursuite de la justice — et de la vengeance — en s’alliant avec un as du volant aussi insolent que charismatique, lui aussi hanté par ses vieux démons. Réduire Duster à la simple histoire de deux héros lassés du système serait une erreur : la vraie réussite du show réside dans son plaisir communicatif et sa capacité à offrir au public un divertissement sans complexe, rétro mais terriblement efficace.

 

L’agente du FBI Nina Hayes (Rachel Hilson) est bien plus qu’une enquêtrice hors pair ; elle prend véritablement goût à la chasse. En un temps plus juste — ailleurs qu’en Amérique au début des années 70 —, elle dirigerait déjà sa propre brigade. Mais en 1972, femme noire dans la police fédérale, chaque jour est un combat contre les barrières, bien souvent érigées par ses propres collègues. Hayes ne manque ni de courage ni de détermination, mais on la cantonne systématiquement aux affaires ingrates, et même là, il lui faut batailler pour s’imposer. Dès qu’elle décroche enfin une enquête d’envergure, elle se heurte à des délais absurdes, des partenaires aux intentions troubles et des critères délibérément inatteignables. Si elle n’a pas encore mis le feu au bureau d’Arizona, ce n’est que partiellement par sens du devoir : ce dossier touche à son enfance, à son père, et à l’homme qui les lui a arrachés.

 

 

Pied au plancher – Un chauffeur hors norme qui joue sa propre partition

 

Jim Ellis (Josh Holloway) est ce genre de type que tout le monde croit connaître mais que personne ne comprend vraiment. Depuis qu’il a obtenu son permis, il est le bras droit d’Ezra Saxton (Keith David), surnommé par le FBI « l’Al Capone du Sud-Ouest ». Pour semer ses poursuivants ou se sortir des pires impasses, il n’a pas son pareil. Cheveux longs, sourire en coin, physique de rêve : difficile de passer à côté d’Ellis. Pourtant, dans son milieu, il reste « le chauffeur », jamais la star, jamais la priorité. On voit la Plymouth Duster rouge, le blond au volant, mais Jim rêve de grandeur, d’importance. Sa relation avec Saxton, presque filiale, cache bien des blessures : il a toujours vécu dans l’ombre, relégué au rang de second fils.

Tout bascule définitivement lorsqu’il perd son frère Joe. Wade Ellis (Corbin Bernsen), patriarche de la famille, travaillait lui aussi pour Saxton, et l’avenir semblait tout tracé pour Joe. Mais un accident — du moins présenté comme tel — vient tout bouleverser : Jim se retrouve seul face à son chagrin, tandis que l’enquête est promptement classée. Cette perte le pousse vers Hayes : elle a besoin d’un informateur, et lorsqu’elle découvre des indices reliant Saxton à la mort de Joe, Jim accepte finalement de coopérer, même si chaque pas réveille ses anciennes blessures.

 

 

Poursuites, bowlings et clins d’œil de studio

 

À partir de là, Duster file à travers le désert de l’Arizona et une galerie de références pop des années 70. Jim et Hayes mènent une double vie : rivaux de façade, ils poursuivent un objectif commun dans l’ombre. Jim croise sans cesse des personnages hauts en couleur : The Blade, Sunglasses (Patrick Warburton, hilarant en mafieux fan d’Elvis régnant sur le « Great Bowls of Fire » bowling), chacun s’octroie sa propre séquence culte. Les angoisses de Jim prennent parfois la forme d’hallucinations façon Looney Tunes, et lorsqu’il atterrit dans une chambre d’hôtel aseptisée avec Howard Hughes, même lui ne distingue plus la réalité du rêve. Fusillades, bagarres, courses-poursuites en bonne et due forme, le tout rythmé par une bande-son vintage et des épisodes qui carburent à la nostalgie.

Jim apporte à la série sa fougue, sa soif de liberté, tandis que Hayes s’enlise dans la paperasse et les labyrinthes administratifs. Dès les premiers épisodes, elle est noyée sous les dossiers, mais parvient à s’allier à un autre marginal, Awan Bitsui (Asivak Koostachin), agent mi-navajo dont le portefeuille Superman reçoit plus d’attention que son histoire personnelle — clin d’œil évident au blockbuster super-héroïque à venir. Hilson prête à Nina une énergie et un humour subtils qui empêchent sa trajectoire de s’effacer derrière les péripéties débridées de Jim. Duster s’assume pleinement comme un hommage musclé aux films d’action automobiles, avec ses personnages fascinés devant Bullitt et n’hésitant pas à comparer Hayes à Pam Grier. La bande-son, bardée de classiques du rock, et le générique composé par Abrams lui-même, posent immédiatement l’ambiance.

 

 

Pas de prestige, pas de prétention – seulement le plaisir pur de la série

 

Duster s’inscrit dans la nouvelle stratégie de Max : pas d’esbroufe, mais des séries soignées et efficaces, qui épousent les genres populaires sans chercher à révolutionner le petit écran. Huit épisodes, pas un de plus ; le budget est visible, mais jamais tape-à-l’œil. Abrams et Morgan connaissent la recette : divertir avant tout, le reste suivra. Holloway incarne à la perfection le charme vintage des années 70, la muscle car rouge brille à l’écran, Hilson impose son autorité dans chaque scène, et la série ne cherche jamais à se donner des airs de grandeur.

Tout n’est pas parfait : certaines courses-poursuites manquent un peu de panache, tournées sur des routes désertes, et la saison ne passe jamais la quatrième vitesse. Mais Duster réussit assez de petites choses pour que l’on oublie facilement ces légers accros. Si l’on aime voir des héros bousculer le système, la série n’est pas là pour accumuler les récompenses, mais pour rappeler qu’une fiction peut encore être fun, rapide et délicieusement rétro.

-Gergely Herpai  „BadSector”-

 

Duster

Direction - 8.2
Actors - 8.3
Histoire - 8.1
Visuels/Musique/Sons/Action - 8.4
Ambiance - 8.4

8.3

EXCELLENT

Duster ne cherche pas à changer la donne, et ne fait pas semblant non plus. C’est une série d’action automobile spirituelle et effrénée, avec des personnages marquants et une ambiance vintage, portée par tout le charme des années 70. Pas révolutionnaire, mais chaque minute est un régal — et c’est exactement ce dont on a besoin en ce moment.

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BadSector is a seasoned journalist for more than twenty years. He communicates in English, Hungarian and French. He worked for several gaming magazines – including the Hungarian GameStar, where he worked 8 years as editor. (For our office address, email and phone number check out our impressum)

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