CRITIQUE DU FILM – Ben Affleck et Jon Bernthal donnent à nouveau toute leur énergie à l’écran, insufflant à cette suite tordue mais dynamique une véritable alchimie. Sous la direction de Gavin O’Connor, Christian Wolff et son frère Brax tentent de recoller les morceaux de leur relation tout en s’attaquant aux ramifications d’un complot international. Même si nous n’avons pas pu découvrir ce film lors de la projection VIP d’Intercom il y a deux mois, la version française disponible sur Amazon Prime a suffi à nous motiver pour livrer cette critique.
À la fin du premier The Accountant, Christian Wolff – incarné par Ben Affleck, génie des chiffres atteint d’autisme et tueur à gages à ses heures – touche enfin au rêve de liberté dont il avait tant rêvé : mener une existence discrète dans sa caravane, loin du monde. Après avoir réglé ses comptes avec un homme d’affaires véreux et retrouvé son frère perdu de vue, Brax (Jon Bernthal), Christian tourne définitivement le dos à l’Illinois pour embrasser la route et la solitude.
Célibataire dans l’Idaho : quand le loup solitaire se met aux rendez-vous express
Dans ce nouvel opus, Christian tente de reconstruire sa vie dans la campagne de l’Idaho – et rêve, qui sait, d’un peu de romance. Dès les premières minutes, on le voit essayer nerveusement différentes tenues pour un speed dating, avant une coupe franche qui le projette dans une salle de conférence où défilent les prétendantes, toutes prêtes à séduire cet étrange mais attachant comptable autiste. Le ton est donné : O’Connor, cette fois, s’autorise une approche plus détendue, reléguant l’austérité du thriller d’action au second plan pour faire place à l’humour piquant et à une légèreté bienvenue.
En vérité, The Accountant 2 se révèle davantage une comédie de frères déguisée en thriller d’action : O’Connor et le scénariste Bill Dubuque (à qui l’on doit aussi Ozark) préfèrent approfondir la relation complexe et explosive entre Christian et Brax, plutôt que de multiplier les fusillades. Les blessures du passé, les tensions non résolues, mais aussi les éclats de rire dominent ce récit. Affleck et Bernthal forment un duo électrisant, et même lorsque l’intrigue s’embrouille ou que la logique vacille, leur complicité sauve toujours la mise.
Espions, cadavres et invraisemblances : embourbés dans les intrigues secondaires
Le cœur du film tourne autour du meurtre de Ray King (J.K. Simmons), ancien chef du Trésor devenu détective privé, embarqué dans l’histoire tragique d’une famille salvadorienne venue chercher justice aux États-Unis. Sa dernière rencontre, dans un bar crasseux de Los Angeles avec l’énigmatique Anaïs (Daniella Pineda), laisse planer le doute : les motivations de King ne sont jamais vraiment éclaircies, et le scénario préfère laisser des zones d’ombre.
Entre alors en scène son héritière professionnelle, Marybeth Medina (Cynthia Addai-Robinson), d’abord désemparée face à ce dossier embrouillé, mais qui réalise rapidement que Christian Wolff reste la clé du mystère. Marybeth rechigne toujours à collaborer avec cet ancien criminel, mais le dernier message de King la pousse à faire équipe avec lui. Au fil de l’enquête, ils comprennent que King n’était qu’un pion dans un complot bien plus vaste, orchestré par des forces prêtes à tout pour rester dans l’ombre.
Sentant que la tâche est trop lourde pour un homme seul, Christian sollicite l’aide de son frère Brax – c’est leur première vraie conversation depuis les événements du précédent film, et les vieilles blessures sont loin d’être refermées. Ensemble, ils se lancent dans la traque du meurtrier de King, s’aventurant dans les bas-fonds de Los Angeles, où la misère humaine nourrit le crime et où la vérité reste toujours hors de portée.
Duos fraternels et blessures à vif : l’émotion au cœur du spectacle
La vérité, c’est que l’intrigue policière sert surtout de prétexte à la complicité savoureuse entre les deux protagonistes – et O’Connor l’a parfaitement compris. Affleck et Bernthal partagent un rythme qui permet, à chaque rebondissement, de glisser une scène de dialogue fraternel, une bière partagée ou une réflexion sur un toit. Leur tentative de surmonter près d’une décennie de rancune donne naissance aux moments les plus touchants et authentiques du film. Danse country dans un bar local, discussions à cœur ouvert ou installation de pièges pour les adversaires : chaque scène respire cette chimie entre les frères, derrière laquelle se cachent des blessures profondes. Le ton général est plus léger qu’auparavant, mais l’univers de The Accountant n’a rien perdu de sa dureté et de son réalisme.
Ceux qui ont vu le premier film apprécieront l’évolution du personnage de Christian, rendant chaque rebondissement plus poignant. L’autisme de haut niveau reste traité de façon inégale – parfois trop caricatural –, mais Christian affirme ici encore davantage sa différence. Le film propose également une sous-intrigue pleine de tendresse et d’humour avec Justine (Alison Wright), l’amie autiste non verbale de Christian, et les élèves de la très sélective Harbor Neuroscience Academy – un croisement entre Batman et X-Men. Le héros s’efforce sincèrement d’améliorer ses rapports aux autres et s’expose à des situations qu’il aurait autrefois fui.
Des arcs absents, des mystères trop complexes
Malheureusement, Brax passe trop souvent au second plan : malgré tout le talent de Bernthal, son personnage manque parfois de profondeur. Cela tient aussi à un scénario qui, entre relations embrouillées, motivations obscures et circuits financiers complexes, se perd dans les méandres : les multiples ellipses temporelles et les retournements incessants alourdissent le milieu du film et compliquent la compréhension. Heureusement, la réalisation d’O’Connor reste rigoureuse, insufflant de l’humour jusque dans les scènes d’action, tandis que le montage, d’une précision quasi comptable, maintient le rythme. L’excès de violence pourra surprendre, mais les fans retrouveront l’énergie fraternelle qui faisait le sel du premier opus.
– Gergely Herpai « BadSector » –
The Accountant 2
Direction - 6.4
Acteurs - 7.2
Histoire - 6.1
Visuels/Musique/Sons/Action - 7.4
Ambiance - 6.8
6.8
CORREKT
Le véritable atout de The Accountant 2 réside dans la synergie entre Affleck et Bernthal, qui permet d’oublier les complications du scénario. Le film est plus élégant que son prédécesseur, mais se perd parfois dans les détails, surtout en reléguant Brax au second plan. En somme, un retour divertissant, certes imparfait, dans l’univers de l’assassin autiste.