ACTUALITÉS CINÉMA – Le marché du streaming s’apprête à vivre une profonde mutation : tout indique que le retour du modèle d’abonnement groupé classique pourrait rétablir l’équilibre entre fournisseurs et consommateurs. Mais est-ce vraiment la solution d’avenir ?
Après des années de croissance fulgurante, le secteur du streaming atteint ses limites. Selon Deloitte, le marché se trouve à un tournant où les abonnements individuels laissent place à des offres groupées. Les utilisateurs réclament un accès simplifié, moins cher et centralisé à leurs contenus favoris. Le SVOD (vidéo à la demande par abonnement), autrefois focalisé sur l’acquisition de nouveaux abonnés, doit maintenant miser sur la fidélisation, la flexibilité et l’agrégation des services.
Durant le boom des années 2010, le nombre d’abonnements n’a cessé d’augmenter : en 2018, un Européen était abonné en moyenne à 1,3 plateforme ; en 2024, ce chiffre dépasse 2,3. Aux États-Unis, la moyenne est d’environ 4 services. Jusqu’à présent, les utilisateurs signaient directement avec chaque fournisseur, mais Deloitte prévoit une bascule vers les offres groupées proposées par des agrégateurs. Ce changement ne rime pas forcément avec baisse de revenus : au contraire, la hausse des prix, les forfaits combinés et la chasse au partage de mots de passe pourraient même stimuler les profits du secteur.
« Les acteurs du marché doivent s’attendre à ce que les consommateurs privilégient les solutions donnant accès à plusieurs plateformes via un abonnement unique. C’est, d’une certaine façon, le retour du modèle de la télévision payante d’autrefois, mais adapté à l’ère du streaming », analyse Márton Bakos, Senior Manager chez Deloitte Conseil Technologie.
Qui seront les gagnants ?
Deloitte estime qu’à moyen terme, chaque marché national sera dominé par deux ou trois grands acteurs SVOD, épaulés par des agrégateurs rassemblant toute l’offre sur une même interface, via des packs de base ou premium, sur douze mois ou plus, et une seule facture. Ce rôle sera principalement assuré par les groupes audiovisuels traditionnels, les télécoms, les grandes plateformes technologiques ou les leaders du streaming.
« L’avantage du pack, c’est aussi l’évolution des usages. Ceux qui cumulent les abonnements ne veulent plus perdre de temps à jongler entre les comptes et à chercher leurs programmes. Aux États-Unis, la moitié des abonnés passerait plus de temps sur les plateformes s’ils trouvaient plus facilement leurs contenus favoris. Bref, l’abondance ne suffit pas si l’offre est illisible », précise Miklós Zaránd, associé chez Deloitte Conseil Technologie.
Atouts et inconvénients
L’abonnement individuel SVOD permet à l’utilisateur de choisir quoi regarder et pour combien de temps, tout en contournant les intermédiaires. Les abonnements long terme via des agrégateurs peuvent sembler être un retour en arrière, mais bien conçus, ils profitent à tous. L’offre SVOD à bas prix et facilement résiliable est moins viable pour les plateformes, surtout avec la hausse des prix, les restrictions de partage et la diversité croissante de l’offre. Pour les fournisseurs historiques, passer au tout direct-to-consumer reste un défi. D’où l’intérêt renouvelé pour l’agrégation, qui offre plus de stabilité.
Solutions et exemples internationaux
Regrouper le streaming avec la TV, les télécoms ou la banque permet aux clients d’obtenir de meilleurs prix qu’en souscrivant séparément. Les abonnements longue durée (au moins un an) limitent les résiliations, qui atteignent 40 % aux États-Unis et 20 % au Royaume-Uni. Les agrégateurs peuvent sous-traiter facturation, SAV ou publicité, tandis que les chaînes gagnent en fidélisant leurs clients. Au Royaume-Uni, Sky intègre Netflix avec pubs dans tous ses bouquets. En France, Canal+ offre Disney+ et Paramount+ à tous ses abonnés. En Europe centrale, un quart des abonnements SVOD passe par la TV payante ou les télécoms.
Les opérateurs télécoms y trouvent aussi leur compte en fidélisant leurs clients, et même les banques se lancent : dès août 2024, Barclays offrira Apple TV+ à certains clients au Royaume-Uni.
« La concurrence des plateformes vidéo gratuites – YouTube en tête, en plein essor en Europe – complique encore la donne pour le secteur SVOD. Au Royaume-Uni, un tiers des résiliations est motivé par le prix jugé trop élevé. Les pure players SVOD ne régneront pas éternellement en maîtres, et les autres devront rester agiles et coopératifs, surtout pour séduire la jeune génération », conclut Csilla Gercsák, manager chez Deloitte Conseil Technologie.