L’industrie du cinéma n’est pas encore prête à confier un premier rôle à l’IA

ACTUALITÉS CINÉMA – Alors que les influenceurs des réseaux sociaux exploitent déjà l’intelligence artificielle générative pour créer du contenu, les grands studios hollywoodiens préfèrent temporiser. D’après les analystes de Deloitte, cette prudence s’explique par l’immaturité technologique de l’IA, les incertitudes juridiques et les coûts élevés. Pour l’instant, l’IA est surtout utilisée dans les fonctions support, loin des plateaux de tournage. Les blockbusters créés majoritairement par l’IA devront encore attendre.

 

Les studios sont confrontés à des pressions financières accrues, liées à l’augmentation des coûts de production, de marketing et de distribution. Dans le même temps, ils doivent faire face à une concurrence féroce de la part des jeux vidéo, des contenus générés par les utilisateurs et des réseaux sociaux. Bien que l’IA progresse rapidement dans la création d’images, de sons et de vidéos, elle reste inadaptée à la production de films à grande échelle. Selon Deloitte, les studios américains et européens ne consacreront que 3 % de leur budget à l’IA dans la création de contenus, mais investiront plus du double dans des outils d’optimisation financière ou opérationnelle.

 

Des barrières juridiques qui freinent l’adoption créative

 

« Les créateurs indépendants ont plus de liberté pour expérimenter avec l’IA. Les studios, eux, sont freinés par les risques juridiques. La plupart des IA s’appuient sur des œuvres existantes accessibles publiquement, ce qui pose la question de l’originalité des films générés. Cela rend leur exploitation commerciale délicate », explique Márton Bakos, directeur chez Deloitte.

Il est difficile de prouver une infraction au droit d’auteur, étant donné l’ampleur des données utilisées et le flou juridique actuel. Aux États-Unis, le bureau du copyright a récemment ouvert la porte à une protection juridique pour les œuvres majoritairement humaines, avec une part limitée d’IA, mais sans préciser les seuils requis.

 

Une coopération difficile entre studios et fournisseurs d’IA

 

Les développeurs d’IA aimeraient accéder aux bibliothèques de contenus des studios pour entraîner leurs modèles, mais ces derniers sont peu enclins à partager leur propriété intellectuelle, ou seulement à prix d’or. Cela alourdirait encore les coûts pour les entreprises technologiques. En parallèle, les studios espèrent ralentir l’émergence de technologies qui menaceraient leur position. Aux États-Unis, plusieurs syndicats professionnels rejettent déjà l’IA. L’Union européenne et le Royaume-Uni imposent en plus des exigences strictes en matière de données et de conformité légale.

« Développer des modèles propriétaires à partir de contenus internes pourrait résoudre une partie des tensions, mais le coût est astronomique : jusqu’à 100 milliards de dollars. Les systèmes open source réduiraient l’investissement initial, mais les frais de fonctionnement et de personnel restent très élevés. Une solution plus viable serait d’adapter des modèles préexistants aux besoins spécifiques de chaque studio », estime Miklós Zaránd, associé chez Deloitte.

 

L’IA se rend utile dans les coulisses

 

Les studios misent plutôt sur l’IA pour améliorer leurs processus : gestion de contrats, ressources humaines, comptabilité, ventes, ou encore planification de la production. L’intelligence artificielle peut aussi faciliter l’analyse de scénarios, l’identification de lieux de tournage ou la réutilisation des archives.

 

Un blockbuster généré par IA dès 2030 ?

 

« Il y a un an, imaginer un film à succès réalisé en grande partie par l’IA d’ici 2030 semblait irréaliste. Mais avec la vitesse actuelle du progrès, c’est de plus en plus plausible — surtout que certains studios utilisent déjà des IA pour améliorer les doublages et traductions », observe Csilla Gercsák, responsable chez Deloitte.

Avec l’accessibilité croissante de ces outils, les créateurs indépendants peuvent aujourd’hui atteindre un niveau de qualité autrefois réservé aux grandes productions. La concurrence entre petites structures et majors s’intensifie.

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