Csongor et Tünde – Un hommage délicat qui manque d’audace

CRITIQUE DE FILM – Plus de cinq décennies après que la légende hongroise de l’animation Attila Dargay l’ait imaginé, Csongor et Tünde arrive enfin sous la forme d’un long métrage d’animation. Inspiré de la pièce poétique de Vörösmarty de 1830 et réalisé avec un profond respect pour le style de Dargay, le film est indéniablement charmant, mais il joue la carte de la prudence pour devenir un nouveau classique de l’animation.

 

Il est presque impossible de dissocier Csongor et Tünde de l’héritage considérable d’Attila Dargay. Le simple fait qu’un film, autrefois mis au placard dans les années 1970, soit diffusé en 2025 est, en soi, un événement culturel. Réalisé par Cinemon Entertainment avec le soutien de l’Institut national hongrois du cinéma, ce projet passionné, longtemps en sommeil, est désormais achevé. Les réalisateurs Csaba Máli et Zsolt Pálfi sont aux commandes, sur un scénario de Krisztián Balassa et une production de Réka Temple. Irén Henrik, veuve de Dargay et partenaire créatif de longue date, a été consultante. Le résultat final ? Respectueux. Réalisé avec amour. Mais presque mémorable.

 

 

Regard en arrière, jouer la sécurité

 

La qualité la plus marquante du film réside dans sa conception visuelle. Dessiné à la main en 2D avec un soin extrême, il reflète si parfaitement l’esthétique emblématique de Dargay qu’on a parfois l’impression de regarder un épisode perdu de Vuk ou de Saffi. C’est à la fois une force et une limite. La nostalgie est forte et le style magnifiquement préservé, mais le film n’ose jamais vraiment la réinterpréter ni l’aller au-delà. C’est une lettre d’amour, certes, mais aussi timide.

L’histoire, tirée du conte romantico-fantastique de Vörösmarty, suit la quête de sens du prince Csongor et son amour fatal pour la fée Tünde. Le scénario simplifie le texte poétique complexe pour un jeune public, ce qui est compréhensible, mais parfois trop prudent. Les dialogues manquent de rythme et d’éclat lyrique, et si les thèmes du courage et du désir demeurent, le récit ressemble davantage à une histoire du soir bien intentionnée qu’à un mythe général.

 

 

Beauté sans feu

 

La musique est agréable, atmosphérique et bien intégrée, mais ne s’impose jamais émotionnellement. Cette modestie discrète imprègne tout le film. Magnifiquement animé, monté avec compétence et d’une grande précision technique, le film semble pourtant quelque peu détaché. Les moments les plus vibrants sont ceux des personnages secondaires comiques et diaboliques, qui apportent une touche de malice et de rythme. Csongor et Tünde, les protagonistes, sont doux et purs, mais émotionnellement plats. Ce sont des symboles plus que des personnages.

Le rythme est un autre problème. Certaines scènes s’éternisent ; d’autres passent trop vite à côté des temps forts. L’arc narratif est sans surprise. Il suit fidèlement le matériau source, sans jamais le remettre en question ni y ajouter de nouvelles dimensions. Au lieu d’embrasser l’ambiguïté poétique et la profondeur philosophique de la pièce, le film rogne sur la complexité au profit de la clarté, ce qui le rend un peu ennuyeux.

 

 

Hommage ou occasion manquée ?

 

Soyons clairs : Csongor et Tünde n’est pas un échec. Au contraire, à bien des égards, c’est une réussite. Il fait découvrir à une génération d’enfants (et d’adultes) un pilier de la littérature hongroise et célèbre l’un des grands noms de l’animation. Mais le film n’atteint pas la grandeur en soi. C’est un hommage, pas une déclaration. Un écho respectueux, pas une nouvelle voix.

Ce qui manque, c’est le risque. Malgré tout son soin artistique et son respect, le film manque d’audace – cette étincelle d’originalité qui rend les bonnes adaptations vitales. L’animation est méticuleuse, le son est clair, le doublage solide… mais l’âme manque de s’enflammer. On dirait que les cinéastes se demandaient : *« Dargay approuverait-il ? »* au lieu de *« Que voulons-nous dire aujourd’hui ? »*. Et cette hésitation résonne à chaque image.

En conséquence, Csongor et Tünde (2025) n’est pas tant un nouveau chapitre de l’animation hongroise qu’un post-scriptum réfléchi. Un film magnifique, fidèle et manifestement sincère – mais dont le cœur bat un peu trop doucement.

– Gergely Herpai « BadSector » –

 

Csongor et Tünde

Direction - 7
Acteurs - 6.5
Histoire - 6.5
Visuels/Musique/Sons - 7.5
Ambiance - 7.4

7

BON

Csongor et Tünde est un hommage soigné à l'animation et à la littérature hongroises, alliant charme délicat et élégance technique. S'il n'atteint peut-être pas les sommets des plus grandes œuvres de Dargay, il constitue néanmoins un retour digne, quoique légèrement prudent, à une tradition visuelle chère à son cœur. Recommandé, surtout aux nostalgiques.

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BadSector is a seasoned journalist for more than twenty years. He communicates in English, Hungarian and French. He worked for several gaming magazines – including the Hungarian GameStar, where he worked 8 years as editor. (For our office address, email and phone number check out our impressum)