Mickey 17 – Une parodie de science-fiction sarcastique par le réalisateur oscarisé de Parasite

CRITIQUE DE FILM – Robert Pattinson se plonge avec un sérieux déconcertant dans un rôle volontairement grotesque dans le dernier film de Bong Joon Ho — malheureusement, avec un succès limité. Pour son troisième long-métrage en anglais, le réalisateur de Parasite tente de recycler la critique sociale acerbe et l’esthétique sombre de Snowpiercer et Okja, mais le résultat final est plus chaotique qu’efficace.

 

Deux Mickey pourraient encore être amusants, mais à partir du septième ou huitième (comme le suggère le roman de science-fiction Mickey7 d’Edward Ashton), ou d’un chiffre encore plus absurde comme les 18 de l’adaptation de Bong, voir une armée infinie de clones de Robert Pattinson devient vite lassant. Avec Mickey 17, le réalisateur de Snowpiercer revient en terrain connu, livrant une satire de science-fiction délirante, située dans un futur dystopique où la Terre est devenue inhabitable, où la colonisation interplanétaire est un impératif et où le succès d’une mission de quatre ans sur la planète glacée Niflheim repose sur des copies humaines jetables, appelées les Expendables.

 

Pattinson, perdu dans l’espace

 

Pattinson n’en est pas à son premier voyage dans l’espace, lui qui s’était déjà aventuré dans l’inconnu avec High Life de Claire Denis. Cette fois, cependant, il adopte un rôle nettement plus absurde : celui d’un pauvre type désespéré de fuir un usurier terrestre au point de s’engager aveuglément dans une expédition interstellaire — sans même lire les clauses du contrat. Une erreur qui lui coûte littéralement la vie, puisque Mickey 1 (la version originale du personnage) accepte de voir son corps scanné, sa mémoire archivée et son existence reproduite et recyclée indéfiniment, chaque fois qu’une version précédente échoue lamentablement.

Un tel postulat soulève immédiatement une foule de questions logiques : pourquoi n’y a-t-il qu’un seul Expendable à bord ? Pourquoi une technologie aussi avancée de duplication mémorielle n’est-elle pas utilisée à des fins plus judicieuses ? Bong ne s’en préoccupe guère. À la place, il s’adonne à une série de gags macabres où des Mickey amorphes (ou à peine fonctionnels) sont jetés sans ménagement dans un incinérateur, prêts à être recyclés. Pattinson, adoptant un ton geignard à la Steve Buscemi, narre les événements en expliquant que chaque clone est reconstitué à partir des restes du précédent — poussière nous sommes, déchet nous redevenons — avant d’être recraché par ce qui ressemble à une gigantesque imprimante 3D.

Le scénario, censé être satirique, illustre à quel point l’équipage humain méprise les Expendables — et, par extension, à quel point Bong semble avoir une vision cynique de la nature humaine. Il appuie son propos à travers une série de scènes aussi cruelles que grotesques, comme lorsqu’un technicien distrait oublie d’installer le brancard sous le réplicateur, envoyant un Mickey fraîchement imprimé s’écraser lourdement sur le sol. Dans une autre scène, un opérateur débranche accidentellement la machine en plein processus, ce qui pourrait expliquer pourquoi Mickey 17 se révèle légèrement moins misérable que ses prédécesseurs. Mais au bout du compte, leur mission reste la même : mourir. Mickey est expédié dans des missions que les membres de l’équipage jugent trop dangereuses pour eux-mêmes.

En d’autres termes, pour apprécier Mickey 17 — que Warner Bros. sortira en IMAX le 7 mars, deux semaines après sa première au Festival international du film de Berlin —, il faut adhérer à l’idée que le film repose entièrement sur la créativité de Bong pour annihiler son personnage principal. Entre tests de vaccins et expériences sur des atmosphères extraterrestres, l’imagination du réalisateur semble sans limite. Si cette approche semble paradoxale pour un cinéaste souvent perçu comme humaniste, alors peut-être Bong n’est-il pas exactement l’idéaliste que ses admirateurs croient. Il s’impose plutôt comme un satiriste acerbe et adolescent dans l’âme — un héritier assumé de la veine provocatrice et hyper-stylisée de Paul Verhoeven dans Starship Troopers.

 

Satire acérée ou chaos ingérable ?

 

Pour les inconditionnels de Bong Joon Ho, l’humour tonitruant et irrévérencieux du film pourrait évoquer un retour aux racines de ses précédents projets anglophones, comme la satire grotesque de l’industrie agroalimentaire Okja ou le thriller social sous haute tension Snowpiercer. Pourtant, c’est précisément dans ce registre que le style de Bong fonctionne le moins bien. Si Mickey 17 mérite quelques louanges pour son humour absurde — ainsi que pour son esthétique futuriste quasi monochrome, soigneusement élaborée par le directeur de la photographie Darius Khondji et la cheffe décoratrice Fiona Crombie —, le film finit par s’effondrer sous son propre poids. Ironiquement, c’est ce même déséquilibre qui rend le méchant, interprété par Mark Ruffalo, presque insupportable dans son pastiche à peine voilé de Donald Trump.

L’intrigue reprend quatre ans après le début d’une mission de colonisation spatiale sur la planète gelée Niflheim, où Mickey 17 est laissé pour mort dans une grotte glaciale, trahi par son ami supposé, Timo (Steven Yeun). La dernière chose qu’aperçoit cet Expendable condamné, c’est la gueule béante d’une créature massive, à mi-chemin entre l’armadillo et le yéti — des monstres que Kenneth Marshall, commandant incompétent campé par Ruffalo, surnomme avec suffisance les « Kúszómászók ».

Dans le cadre moral pour le moins bancal du film, les Expendables ont été interdits sur Terre, mais leur exploitation et leur élimination systématique sont considérées comme des pratiques acceptables sur d’autres planètes. Marshall, un politicien déchu reconverti en prophète autoproclamé à la tête de l’entité politico-religieuse supervisant la colonisation, décide donc du sort de Mickey. Selon une règle absurde et totalement arbitraire, il ne peut jamais exister plus d’un exemplaire d’une même personne à la fois — une logique qui s’oppose frontalement à l’univers de Star Wars, où une armée entière de clones dociles constitue l’épine dorsale de la machine de guerre impériale.

 

Deux Mickey, un seul survivant

 

Si Timo est persuadé que la créature a dévoré Mickey 17, ce dernier a en réalité survécu. Lorsqu’il parvient, à moitié gelé, à regagner le vaisseau, son remplaçant a déjà été imprimé, ce qui signifie qu’il y a désormais un double de trop. Bien qu’ils partagent le même patrimoine génétique et les mêmes souvenirs, chaque version développe de subtiles différences de personnalité. Mickey 18, par exemple, se révèle plus autoritaire, imposant aussitôt sa domination sur son prédécesseur plus docile. Pattinson accentue ces contrastes à travers son langage corporel : tandis que Mickey 17 se déplace voûté, coiffé d’une coupe au bol ridicule qui accentue son allure de perdant, son alter ego adopte une posture plus conquérante.

Chacun veut survivre, ce qui les pousse à s’affronter. Mais tous deux sont également attirés par Nasha (Naomi Ackie), la membre d’équipage la plus insoumise du vaisseau, dont l’attitude libertine et désinvolte ne laisse aucun doute sur ses intentions : elle apprécie l’idée que deux Mickey se disputent ses faveurs — du moins tant que sa rivale, Kai (Anamaria Vartolomei), ne vient pas tout gâcher. Ce jeu de pouvoir ambigu se complexifie encore lorsque Mickey 18 commence à fomenter une mutinerie.

Le récit reste relativement accessible, mais Bong semble déterminé à l’embrouiller inutilement. Le personnage de Ruffalo — affublé d’une improbable chevelure façon Colonel Sanders, d’un sourire éclatant digne d’un présentateur télé et d’un accent qui fluctue sans cesse — devient de plus en plus tyrannique à mesure que la mission s’éloigne de la Terre. Toujours dans son ombre, sa femme Ylfa (Toni Collette), manipulatrice hors pair, l’encourage à céder à ses pires instincts, comme son obsession paranoïaque de vouloir éradiquer les Kúszómászók. Mais elle cultive également une lubie beaucoup plus étrange : une fascination grotesque pour les sauces, qui semble prendre une importance disproportionnée au fil du film. Ce duo improbable rappelle les caricatures absurdes des dirigeants d’entreprise dans Okja, incarnés par Tilda Swinton et Jake Gyllenhaal, avec le même goût pour les costumes criards et les performances hystériques. Bong cherche sans doute à souligner l’absurdité de notre propre réalité, mais à force d’exagération, le film devient surtout épuisant.

 

Clones à l’infini, patience limitée

 

Dans le roman d’Ashton, Mickey n’existait qu’en “seulement” 10 exemplaires, mais Bong pousse joyeusement le compteur jusqu’à 17, mettant à rude épreuve aussi bien son personnage que Pattinson lui-même. L’acteur s’investit totalement dans ce rôle, abandonnant tout vestige de son image de beau gosse de Twilight pour incarner un personnage misérable au possible. Pendant la majeure partie du film, il est piégé dans une boucle temporelle façon Un jour sans fin, condamné à revivre éternellement la même existence pathétique, tout en subissant des interrogations d’une insensibilité confondante sur ce que ça fait de mourir encore et encore.

En réalité, la science moderne expérimente déjà une forme embryonnaire de cette technologie de clonage—mais uniquement à travers des cellules souches, loin d’une duplication complète de corps humains avec souvenirs intégrés. Au moins, cette méthode épargne à ses sujets les souffrances physiques et mentales d’un recyclage incessant. Mais le fait de coller le visage perpétuellement excédé de Pattinson sur ce concept nous pousse-t-il vraiment à y réfléchir différemment ?

Le film reprend des thèmes bien connus—la fracture sociale, l’impératif moral de l’empathie—mais, malgré son approche teintée d’humour noir, Bong ne semble rien apporter de réellement neuf. Mickey 17 impressionne visuellement mais peine à donner une véritable substance à son propos. Une seule séance suffira largement.

-Gergely Herpai “BadSector”-

Mickey 17

Direction - 6.4
Acteurs - 7.6
Histoire - 5.6
Musique/audio - 7.6
Ambiance - 6.6

6.8

CORRECT

Mickey 17 est une satire ambitieuse mais désordonnée, qui mise tout sur l’esthétique sans jamais vraiment délivrer un message percutant. Pattinson se donne à fond, mais la surenchère et la narration surchargée du film finissent vite par lasser. La dernière vision de science-fiction de Bong regorge d’idées, mais manque cruellement d’impact.

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BadSector is a seasoned journalist for more than twenty years. He communicates in English, Hungarian and French. He worked for several gaming magazines - including the Hungarian GameStar, where he worked 8 years as editor. (For our office address, email and phone number check out our impressum)