CRITIQUE DU FILM – En 1961, un jeune homme se rend à moto à l’hôpital où Woody Guthrie est soigné. Il se présente comme Bob Dylan (Timothée Chalamet) et joue une chanson sur sa guitare pour l’icône folk malade. À partir de là, nous assistons aux premières années de la carrière de Dylan, qui navigue entre les attentes de l’industrie musicale, tisse des liens avec d’autres personnalités influentes comme Joan Baez (Monica Barbaro) et Pete Seeger (Edward Norton), et devient finalement l’un des artistes musicaux les plus importants du XXe siècle.
A Complete Unkown du scénariste et réalisateur James Mangold est un film qui vit dans les détails, recréant de manière vivante l’atmosphère vibrante du Greenwich Village du début des années 60. Ce n’est pas seulement l’époque et les décors qui semblent authentiques, c’est toute la communauté musicale dans laquelle Dylan s’immerge. Le film intègre parfaitement les lieux de concert de l’époque, dont certains peuvent sembler peu conventionnels au regard des normes actuelles, ainsi que les événements de l’industrie auxquels Bob se trouve entraîné à contrecœur. Tout cela constitue une base essentielle pour le point culminant du film, le controversé Newport Folk Festival, où Dylan a défié les organisateurs et est monté sur scène avec une guitare électrique, modifiant à jamais le cours de l’histoire de la musique.
Derrière le rideau : L’artiste et l’homme
Ce portrait méticuleusement élaboré se concentre non seulement sur l’ascension de Dylan au début des années 1960, mais aussi sur la manière dont il s’est constamment protégé des regards du public. Dès le début du film, on le voit construire activement sa propre image et, à la fin, il est clair pour le spectateur que ses actions préfigurent son avenir. Cet avenir est pavé de révolution, car nous assistons à l’émergence de Dylan en tant qu’interprète et auteur-compositeur, découvrant sa voix unique tout en luttant constamment contre les tentatives de l’enfermer dans certaines étiquettes.
Timothée Chalamet mérite pleinement les éloges qu’il ne manquera pas de recevoir pour son interprétation dévouée. Il a non seulement appris à jouer de la guitare et de l’harmonica, mais il a aussi parfaitement reproduit les inflexions vocales de Dylan, que ce soit en chantant ou en parlant. Ce qui est vraiment remarquable dans sa performance, c’est qu’elle ne ressemble jamais à une simple imitation. Les intonations de Dylan sont tout à fait naturelles, et Chalamet incarne sans effort l’arrogance tranquille qui définissait parfois le personnage public de Bob.
Monica Barbaro livre également une performance remarquable, capturant parfaitement la passion et la présence puissante de Joan Baez, en particulier dans les moments où Bob s’attire ses foudres et où elle n’hésite pas à faire connaître son mécontentement. Assurer une bonne performance musicale est un défi en soi, mais chanter une chanson de manière impeccable et professionnelle tout en faisant comprendre à la caméra à quel point vous êtes furieuse contre l’homme qui chante à côté de vous, c’est un tout autre niveau d’art.
Sur scène et au-delà : Le pouvoir de la musique
C’est le genre de magie que l’on ne peut obtenir que par la performance en direct d’un artiste vraiment doué. L’une des plus grandes forces du film réside dans ces séquences de concert, les acteurs jouant véritablement en direct, ce qui confère à l’expérience une authenticité et une immédiateté. Edward Norton est particulièrement captivant dans le rôle de Pete Seeger, et il y a quelque chose d’irrésistiblement charmant dans la façon dont il entraîne la foule dans une interprétation de “The Lion Sleeps Tonight (Wimoweh)”. Qu’il gratte un air folklorique classique ou qu’il se plonge dans le monde du rock and roll, la présence de Chalamet sur scène est électrisante. (Oui, le jeu de mots était tout à fait intentionnel).
La plus grande faiblesse de A Complete Unkown peut être parfaitement résumée dans le personnage de Sylvie Russo, qui est basé sur Suze Rotolo – la femme qui a illustré la pochette de l’album The Freewheelin’ Bob Dylan, mais qui était aussi une artiste, une activiste et une écrivaine à part entière.
Elle Fanning s’investit pleinement dans le rôle de Sylvie, mais ses scènes tendent à faire retomber le film dans les clichés bien connus du genre biopic musical, clichés que le film parvient par ailleurs à éviter en grande partie. Il est certainement juste d’explorer l’idée qu’un artiste musical puisse avoir des relations compliquées avec les femmes, mais malgré la reconnaissance de la vie fascinante et indépendante que mène Sylvie, le personnage de Fanning est souvent réduit au stéréotype de la “petite amie acariâtre”, la femme qui ne comprend tout simplement pas Bob.
Ceci est particulièrement évident lorsque Bob invite Sylvie à l’accompagner au Newport Folk Festival de 65, amplifiant encore le chaos des événements qui s’y déroulent. Le film présente cela comme le dernier clou dans le cercueil de leur relation, bien qu’il ait déjà dépeint une rupture antérieure. Tout cela semble plutôt inutile, car la présence de Sylvie dans ces scènes ne sert à rien d’autre qu’à rappeler au public à quel point leur relation était toxique. C’est d’autant plus gratuit qu’il n’y a aucune preuve concrète que la vraie Suze Rotolo était présente à Newport.
L’artiste énigmatique
Le titre du film ne pouvait pas mieux résumer non seulement le personnage énigmatique qu’est Dylan, mais aussi les défis inhérents au genre du biopic musical. La relation compliquée avec une femme qui ne comprend pas n’est pas le seul cliché qui se retrouve dans A Complete Unkown. (Il y a même une scène littéralement semblable à celle de A Hard Day’s Night où Dylan et son entourage sont poursuivis par une foule de fans hurlants).
Ces clichés ne nuisent pas nécessairement aux performances, mais ils empêchent le film d’être aussi frais qu’il aurait pu l’être. Cependant, il est difficile d’éviter de tels clichés, car la nature même de la narration d’histoires sur nos plus grands artistes implique souvent de rencontrer des thèmes familiers. A Complete Unkown parvient à éviter les pires clichés en se concentrant sur une période spécifique de la vie de Dylan et, plus important encore, en reconnaissant qu’avec un tel personnage, nous ne sommes jamais vraiment censés comprendre pleinement l’homme derrière le mythe. Car en fin de compte, peu importe que nous comprenions ou non Bob Dylan. Ce qui compte, c’est d’apprécier l’art qu’il a créé.
-Gergely Herpai “BadSector”-
A Complete Unkown
Direction - 8.2
Acteurs - 8.4
Histoire - 8.2
Visuels/Musique/Sons - 9.2
Ambiance - 8.6
8.5
EXCELLENT
Timothée Chalamet livre une performance captivante dans le rôle de Bob Dylan, capturant avec authenticité la personnalité énigmatique du jeune musicien et la scène musicale vibrante des années 1960. Le film ne se contente pas de retracer les débuts de la carrière de Dylan, il montre aussi comment il est devenu l'un des artistes les plus influents du XXe siècle. A Complete Unkown est un voyage fascinant dans le monde de la musique, de la révolution et de la vie d'une icône mystérieuse.