CRITIQUE DE SÉRIE – Landman, diffusée sur SkyShowtime, est l’une des dernières créations de Taylor Sheridan. Cette série offre un regard cru et détaillé sur l’univers complexe et impitoyable de l’industrie pétrolière à travers l’immensité du bassin permien texan. Portée par les performances remarquables de Billy Bob Thornton et Jon Hamm, la série adopte une approche unique en mêlant réalisme, critique sociale et un humour incisif. Bien que ses intrigues familiales moins solides en perturbent parfois l’équilibre narratif, Landman brille par son immersion captivante dans le monde pétrolier et ses subtilités. Sheridan démontre une fois de plus son talent à entrelacer drame humain et tensions sociétales.
Taylor Sheridan, déjà reconnu comme l’un des créateurs les plus influents de la télévision grâce à son épopée western Yellowstone, prend ici ses distances avec la vision idéalisée de la vie rurale. Son nouveau protagoniste, Tommy Norris (Billy Bob Thornton), affronte sans ménagement les rêves pastoraux des propriétaires terriens avec un pragmatisme implacable. Dans un échange cinglant, il déclare à un rancher : « Vous n’êtes pas vraiment un éleveur. Vous êtes un magnat du pétrole qui dépense notre argent dans du bétail. »
Disponible sur SkyShowtime, Landman place l’« or noir » du Texas natal de Sheridan au centre de son intrigue. Si la série conserve certains codes conservateurs et une virilité marquée à la Yellowstone, elle se distingue par son univers finement élaboré dans les paysages arides du bassin permien. Ce cadre minutieusement construit ancre le récit tout en renforçant son authenticité.
Le côté obscur de l’industrie pétrolière
Cette précision dans la construction de l’univers n’est pas un hasard. Sheridan, fidèle à son style, a écrit tous les scripts lui-même, tout en partageant le crédit de créateur avec Christian Wallace, animateur du podcast Boomtown de Texas Monthly. Wallace, qui a lui-même travaillé sur les champs pétrolifères, apporte une expérience directe qui transparaît dans les manœuvres expertes de Tommy Norris et dans le quotidien éreintant de son fils Cooper (Jacob Lofland). Ayant quitté l’université, Cooper se lance dans un travail exigeant et dangereux sur les plateformes de forage, révélant une facette brute et sans filtre de cette industrie.
Landman atteint son apogée lorsque Billy Bob Thornton, avec sa présence magnétique, guide les spectateurs à travers les complexités de l’industrie pétrolière et gazière, explorant à la fois des alternatives possibles et la menace omniprésente du changement climatique. La scène d’ouverture montre Norris négociant avec un membre d’un cartel, un sac sur la tête, et faisant une comparaison mordante : « Nous trafiquons tous les deux des substances addictives. La nôtre est juste plus imposante. » Cette séquence pleine de tension et d’adrénaline introduit efficacement des sujets a priori arides, comme la distinction entre les droits de surface et les droits miniers.
Le charisme de Billy Bob Thornton
Autrefois entrepreneur, Tommy Norris (Billy Bob Thornton) travaille désormais comme homme à tout faire pour M-Tex Oil, une société pétrolière fictive dirigée par le milliardaire Monty Miller (Jon Hamm). Alors que Monty négocie dans des salles de réunion aux boiseries élégantes ou depuis des jets privés, Tommy s’occupe des affaires quotidiennes de l’entreprise. Cette dynamique permet à Landman de plonger dans les paysages uniques de l’industrie pétrolière : des lotissements de luxe abandonnés que Tommy partage avec des collègues, des routes financées par des fonds privés où les cartels « empruntent » camions et avions, ou encore des files interminables de pickups M-Tex attendant leur café matinal dans des cabanes en bord de route.
Usé mais toujours intrépide, Tommy incarne les cowboys modernes typiques de Sheridan. Avec son accent texan, il prononce “oil” en “uhl”, et préfère se couper le bout de son auriculaire plutôt que de subir des opérations pour réparer sa main. Alcoolique, il estime néanmoins que la Michelob Ultra ne compte pas. Sheridan pousse parfois ce personnage à l’extrême, comme lorsqu’il réplique à une critique sur sa grande gueule : « C’est la chose préférée de ta femme chez moi, à part ma bite. » Le tout accompagné d’un doigt d’honneur. Mais Thornton équilibre ces excentricités avec des monologues saisissants sur l’industrie pétrolière et le mythe des énergies « propres ». Ces discours offrent une vision pragmatique du pétrole : une dépendance mondiale inévitable que les infrastructures actuelles ne peuvent encore remplacer.
Une dynamique familiale faible
Landman faiblit dans sa dimension de drame familial, en grande partie à cause de ses personnages féminins sous-développés. L’ex-femme de Tommy, Angelica (Ali Larter), livre des répliques mordantes et arbore des tenues voyantes, mais après cinq épisodes, elle reste cantonnée à son rôle d’archétype : une séductrice instable et avide. Leur fille, Ainsley (Michelle Randolph), est pratiquement une version plus jeune d’Angelica, avec un accent agaçant sur sa sexualité adolescente. Demi Moore, qui a récemment excellé dans The Substance, est étrangement sous-utilisée dans le rôle de Cami, l’épouse de Monty. La seconde moitié de la saison pourrait justifier ce casting prestigieux, mais pour l’instant, son choix reste inexplicable.
Ces lacunes se retrouvent aussi dans le milieu professionnel de Tommy. Une avocate bulldog chargée d’enquêter sur un accident rappelle l’agressivité de Beth Dutton dans Yellowstone, mais son personnage manque de nuance. Cette faiblesse narrative est particulièrement évidente dans la famille Norris, censée être le cœur émotionnel de la série, mais qui s’efface devant les champs pétrolifères, surnommés “the patch” par les locaux. L’absence de travailleurs hispanophones dans des rôles majeurs est également regrettable, compte tenu de leur omniprésence dans le secteur. Michael Peña, dans le rôle d’Armando, se démarque, mais son personnage macho et toxique finit par agacer, notamment dans ses interactions avec Cooper.
Une immersion réussie
Malgré ses défauts, Landman excelle dans la création d’un univers immersif, capturant une ambiance rarement vue à l’écran depuis Friday Night Lights. (La ville d’Odessa, lieu clé de Friday Night Lights, est d’ailleurs fréquemment mentionnée dans Landman.) Même si l’intrigue peine à s’assembler dans la première moitié de la saison, le cadre richement construit maintient l’intérêt des spectateurs.
-Gergely Herpai « BadSector »-
Landman
Direction - 7.6
Acteurs - 8.2
Histoire - 6.8
Visuels/Musique/Sons - 7.8
Ambiance - 7.8
7.6
BON
Avec audace, Landman explore les dures réalités de l’industrie pétrolière texane, mais ses faiblesses dans les intrigues familiales l’empêchent d’atteindre une profondeur émotionnelle véritable. Néanmoins, les performances magistrales de Billy Bob Thornton et Jon Hamm, combinées à une immersion authentique, font de cette série une œuvre remarquable.