CRITIQUE DE FILM – Depuis septembre, Mystère à Venise est à l’affiche des cinémas et est récemment devenu disponible sur Disney Plus. Ce film palpitant, basé sur l’un des romans moins connus d’Agatha Christie, ajoute une nouvelle teinte au genre policier. Réalisé par Kenneth Branagh, les mystères traditionnels prennent vie sur une scène vénitienne magique et inquiétante, où le passé et le présent s’entremêlent.

La plus grande surprise de Mystère à Venise réside dans la qualité du film lui-même : une création remarquable. Les œuvres d’Agatha Christie promettent toujours des surprises, et ce film ne fait pas exception, se révélant être un film extraordinairement bon. Bien que la projection presse du film ait été accidentellement omise en septembre, la récente première sur Disney Plus offre une excellente occasion de revisiter ce film – maintenant sous la forme d’une critique tardive – surtout que cette aventure de Poirot correspond enfin quelque peu au niveau des œuvres originales d’Agatha Christie.

Parfois, il vaut mieux commencer avec un matériau source moins fort…

En tant que fan dédié de Christie, qui n’était auparavant pas très attiré par les adaptations de Kenneth Branagh telles que Le Crime de l’Orient-Express et Mort sur le Nil, je dois reconnaître que bien que Branagh ait été convaincant en tant qu’Hercule Poirot, les films eux-mêmes semblaient plus être des retravaux somptueux mais inutiles des deux classiques célèbres de l’auteur. Une leçon de Mystère à Venise est qu’il est parfois utile de travailler avec un matériau source moins fort. Le roman de Christie de 1969 “La Fête du Potiron,” l’une de ses histoires de crimes les moins complexes, a été intelligemment réinterprétée par Branagh et le scénariste Michael Green, désormais située dans le Venise de 1947. Le thème d’Halloween est également ingénieusement utilisé, déplaçant les conventions confortables de l’histoire de détective vers un thriller de maison hantée à part entière.

Bien sûr, le résultat ne correspond pas à Ne vous retournez pas, le film d’horreur le plus riche en atmosphère jamais tourné à Venise, mais Branagh et ses collaborateurs, en particulier le directeur de la photographie Haris Zambarloukos et le chef décorateur John Paul Kelly, ont été clairement enchantés par l’une des villes les plus belles et les plus frappantes du cinéma mondial. Bien que le film soit rempli de scènes pittoresques attendues de gondoles et de canaux au coucher du soleil, la plupart de l’histoire se déroule après la tombée de la nuit dans un magnifique palais appartenant à une célèbre chanteuse d’opéra, interprétée par Kelly Reilly.

Cette soirée étoilée d’Halloween prend un tour légèrement étrange…

La chanteuse d’opéra organise une somptueuse fête d’Halloween, où Poirot se retrouve parmi les invités, accompagné de son ancienne amie américaine, Ariadne Oliver, une romancière policière populaire jouée avec une vivacité piquante par Tina Fey. Jamie Dornan, interprétant un médecin tourmenté, et l’enchanteresse Michelle Yeoh, jouant le médium connu sous le nom de “la répugnante Mme Reynolds,” qui prétend pouvoir communiquer avec les morts, sont également présents.

Mme Reynolds organise une séance, dans le but de contacter l’esprit de la fille de la chanteuse d’opéra, morte dans des circonstances mystérieuses dans le palais un an plus tôt. Peu après, une autre tragédie se produit : l’un des invités de la fête est retrouvé mort, et bien que Poirot soit officiellement à la retraite, il décide de prendre l’affaire en main. Il demande même à son amie écriv aine de crimes, Mlle Oliver, de l’aider à interroger les suspects, avant de la questionner sur ses propres faits et gestes au moment du meurtre.

En tant que Poirot, Branagh semble grandement apprécier de porter cette énorme moustache et de parler avec cet accent français particulier, rendant difficile de ne pas apprécier sa compagnie, même si les films n’étaient pas exceptionnellement bons. Cependant, cette fois, l’affaire qu’il enquête est tout aussi agréable.

Les Fantômes Hantent

L’histoire est particulièrement spectrale : le palais, comme il s’avère, est prétendument hanté par les esprits vengeurs d’enfants morts là-bas il y a des années lors d’une épidémie de peste. Branagh utilise abondamment des visuels effrayants et des effets sonores sursautants, si bien qu’un sceptique suprême comme Poirot commence à se questionner sur ce qui se passe réellement. Ces éléments d’horreur, bien que criards et dérivatifs, fonctionnent parce que le film les exploite pleinement.

Mystère à Venise se rapproche parfois de l’œuvre de John Dickson Carr, un contemporain moins connu de Christie, dont les brillantes histoires de détectives flirtaient souvent avec la possibilité du surnaturel. Néanmoins, la solution réelle du mystère, bien qu’assez astucieuse, n’est pas particulièrement ingénieuse ou compliquée.

Les Anciens Combattants et Ceux qui Pleurent des Pertes

La résonance plus profonde de l’histoire est donnée par un fort sens du temps et du lieu. Nous sommes juste deux ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, et beaucoup de suspects ont été témoins d’horreurs indicibles. Mme Reynolds, le médium, était infirmière pendant la guerre, ce qui pourrait expliquer son affinité pour les morts. Chacun, de la chanteuse d’opéra en deuil au médecin traumatisé par ses souvenirs, semble pleurer une perte.

Dans la réinterprétation de Branagh dans “Mystère à Venise,” Poirot lui-même est un vétéran de la Première Guerre mondiale. Une des raisons pour lesquelles il est un athée si convaincu est qu’il a vu trop de cruauté et de souffrance pour croire en l’existence de Dieu. À la fin de “Mystère à Venise,” ses croyances restent inchangées. Cependant, le film témoigne que Poirot émerge de sa retraite avec une foi renouvelée, croyant qu’il peut encore faire le bien dans le monde. Il attend avec impatience son prochain cas, et moi, en tant que spectateur, suis tout aussi enthousiaste de le voir.

-Gergely Herpai (BadSector)-