Alors que le gouvernement a levé en 2014 l’interdiction qui frappait les consoles de jeux, les fabricants s’attendaient à voir une ruée des Chinois vers leurs machines. Las, ils ont rapidement déchanté. Explications.
Quand la Chine s’éveillera… aux jeux vidéo. Voilà le livre qu’auraient pu écrire les patrons des grands groupes de jeux Sony et Microsoft. Car le marché chinois avec ses 515 millions de joueurs selon le cabinet Niko (uniquement sur PC, smartphone ou tablette) faisait saliver depuis des années les géants du gaming. Problème: ce copieux marché potentiel leur était interdit. Interdiction absolue de commercialiser des consoles sur le territoire.
Le gouvernement ne voulait pas entendre parler de ces Playstation, Xbox et autres Wii qui véhiculeraient, selon lui, des valeurs occidentales peu compatibles avec le régime. Une position conservatrice et un peu contradictoire quand on sait que dans le même temps Apple inonde le pays de ses iPhone et iPad.
Mais en janvier 2014, le gouvernement est revenu sur l’interdiction. Les Chinois peuvent enfin trouver des Xbox One et des Playstation 4 dans leurs magasins. Mais ils semblent en avoir cure. Ainsi, depuis leur lancement, à peine 550.000 consoles se seraient vendues selon l’institut Niko. Un engouement très mesuré. A titre de comparaison, il s’en est vendu 640.000 en France depuis le début de l’année alors que le marché des “gamers” est 15 fois plus petit !
Des consoles trop chères.
Pourquoi les Chinois, sevrés de consoles de jeux depuis des années, sont si timorés ? Plusieurs raisons à cela. D’abord le prix. Les consoles en Chine sont légèrement plus chères qu’en occident. Le modèle de base de la Xbox One coûte là-bas l’équivalent de 440 euros quand en France on peut en obtenir une pour 360 euros. La PS4 est un peu moins chère (420 euros) mais reste tout de même au-delà des standards chinois de pouvoir d’achat. Selon une étude du Crédit Lyonnais à Hong-Kong, 70% des gamers chinois gagnent moins de 580 euros par mois. Acheter une console représenterait pour eux un énorme sacrifice financier.
Mais le prix n’est pas la seule barrière, il y a aussi la censure. Ainsi, si le gouvernement autorise la commercialisation des consoles, ce n’est pas le cas pour tous les jeux. Les jeux jugés “immoraux” ou véhiculant trop ouvertement les valeurs occidentales se voient frapper d’un interdit comme par exemple la série des Halo et des Grand Theft Auto. Or ce sont justement ces titres qui sont les “killer apps” en occident qui font vendre les consoles.
“On n’imagine pas le poids de l’administration là-bas”
Bref au final, l’Eldorado chinois tant fantasmé se transforme petit à petit en mirage. Ce que confirme le patron France d’une grande compagnie du secteur qui a longtemps travaillé en Chine. “Il faudra des années avant que les fabricants de consoles s’imposent sur ce marché, s’ils y arrivent un jour… On n’imagine pas le poids de l’administration là-bas. Ce n’est pas parce que l’Etat a levé l’interdit qu’on peut commercialiser nos produits partout comme en France ou aux Etats-Unis. Il faut convaincre les pouvoirs locaux, les magasins, graisser des pattes… Et puis il y a le marché noir qui est très développé là-bas. Pour des marques comme nous, la Chine n’est vraiment pas une priorité.”
Et pourtant, entre les jeux sur PC et sur smartphones, le gâteau du jeu vidéo ne cesse de grossir en Chine (20,8 milliards de dollars attendus en 2015). Les fabricants de consoles devront peut-être s’habituer à n’en avoir que des miettes…