CRITIQUE DE FILM – Guy Ritchie orchestre avec vivacité cette chasse au trésor luxueuse signée Apple, même si ses deux acteurs principaux semblent déterminés à saper tout le charme de ce pastiche d’Indiana Jones.
Avec Fountain of Youth, superproduction au budget manifestement astronomique destinée à alimenter la guerre des plateformes, Apple livre un divertissement clinquant, mais rarement du grand cinéma. Malgré les efforts considérables de Guy Ritchie pour assembler des ingrédients déjà éprouvés en un spectacle rythmé, parfois ingénieux, le scénario de James Vanderbilt – puisant librement dans son histoire familiale – peine à établir l’équilibre subtil entre drame authentique et évasion légère, indispensable à tout film d’aventure globe-trotteur digne de ce nom. Les chamailleries incessantes entre John Krasinski et Natalie Portman risquent par ailleurs d’épuiser la patience du spectateur, même si les performances lumineuses des acteurs secondaires offrent quelques précieux moments d’imprévisibilité dans ce récit autrement très convenu.
Querelles fraternelles et tableaux volés
John Krasinski incarne Luke Purdue, fils espiègle et opportuniste d’un célèbre archéologue, spécialisé dans la récupération d’objets rares aux méthodes douteuses. Sa sœur Charlotte (Natalie Portman), conservatrice d’art et mère en plein divorce difficile, venait tout juste de s’habituer à la monotonie rassurante du quotidien lorsqu’elle voit débarquer Luke dans son musée, d’où il dérobe un Rembrandt d’une valeur inestimable. Charlotte, entraînée malgré elle dans les péripéties imprudentes de son frère, perd rapidement son emploi, risque la garde de son fils Thomas (Benjamin Chivers) et devient la cible de l’inspecteur tenace d’Interpol Jamal Abbass (Arian Moayed). Luke lui offre alors une proposition séduisante : rejoindre l’ancienne équipe de recherche de leur père, financée par le milliardaire en phase terminale Owen Carver (Domhnall Gleeson), qui promet de couvrir tous ses frais judiciaires. Leur objectif paraît simple : retrouver la légendaire Fontaine de Jouvence.
Poursuivis par Interpol, Luke et Charlotte parcourent l’Europe et l’Égypte sur les traces d’indices énigmatiques, affrontant à plusieurs reprises Esme (Eiza González) et une société secrète chargée de protéger le secret de la Fontaine depuis des siècles. À mesure qu’ils approchent de ce qui pourrait être la dernière grande merveille inexplorée de l’humanité, des doutes émergent quant aux réelles intentions de Carver. Si l’immortalité existe bel et bien, mérite-t-elle vraiment d’être poursuivie ?
Indiana Jones et le temple des clichés
La quantité d’emprunts cinématographiques que réalise Fountain of Youth en deux heures de film relève presque de la prouesse. Le film puise sans vergogne dans des classiques tels qu’Indiana Jones (particulièrement La Dernière Croisade), Benjamin Gates, Tomb Raider ou encore Da Vinci Code. En soi, ces références ne constituent pas une faute – quel film d’action contemporain ne s’en inspire pas ? –, mais Krasinski abuse excessivement de son personnage de sitcom déjà trop vu, rendant son protagoniste plus agaçant qu’attachant. Luke méprise ouvertement les responsabilités de Charlotte, multipliant les platitudes sur l’importance du voyage par rapport à la destination, ignorant volontairement les conséquences réelles. Charlotte, bien qu’intelligente, demeure trop souvent passive, et Portman incarne avec justesse cette mère frustrée, contrainte de subir les extravagances de son frère. Leurs disputes fraternelles sont crédibles, certes, mais rarement divertissantes.
Les seconds rôles sauvent l’aventure
Ce sont indéniablement les acteurs secondaires qui tirent leur épingle du jeu. González livre une interprétation charismatique d’Esme, gardienne fanatique prête à tout, y compris à tuer, pour protéger le secret de la Fontaine. Son sang-froid face à l’arrogance de Luke apporte une tension bienvenue. Moayed brille lui aussi dans le rôle de l’inspecteur Abbass, distillant subtilement humour et complicité romantique potentielle avec Charlotte. Quant à Gleeson, il incarne avec un charme naturel le milliardaire mécène, à tel point que le virage dramatique de son personnage provoque presque une déception.
En réalisateur aguerri, Guy Ritchie maîtrise parfaitement les séquences d’action et de poursuite, les imprégnant de son humour incisif habituel. Malheureusement, le scénario de Vanderbilt – ou peut-être le montage de James Herbert – laisse plusieurs intrigues sans résolution claire. En dépit d’une structure inventive et de séquences élégantes, le spectateur risque de ressentir une certaine frustration devant les multiples questions restées sans réponse.
Un divertissement chic mais superficiel
Ritchie mérite une mention spéciale pour son utilisation astucieuse du morceau « Yama Yama » de Yamasuki, tandis que la costumière Loulou Bontemps excelle à habiller les protagonistes avec des tenues toujours plus luxueuses, entre imprimés floraux audacieux, velours et velours côtelé raffinés. Pourtant, sous cette esthétique sophistiquée, Vanderbilt fait précisément ce dont Charlotte accuse Luke : exploiter l’histoire familiale à des fins purement mercantiles. Ni le récit ni la réalisation ne s’attardent véritablement sur les implications éthiques ou émotionnelles que peut représenter le fait de ressusciter, littéralement ou symboliquement, des tragédies personnelles à des fins commerciales.
-Gergely Herpai « BadSector »-
Fountain of Youth
Direction - 5.2
Acteurs - 6.1
Histoire - 4.6
Visuels/Musique/Sons/Action - 8.2
Ambiance - 4.2
5.7
MEDIOCRE
Fountain of Youth est une aventure séduisante mais superficielle, maintenue à flot essentiellement grâce à ses seconds rôles remarquables et à la maîtrise assurée de Guy Ritchie. Les querelles incessantes entre Krasinski et Portman lassent rapidement, laissant peu de place à l’émotion véritable. Un film de divertissement acceptable, certes, mais qui ne marquera pas les mémoires une fois l'écran éteint.