The Surfer – Nicolas Cage sombre dans la folie dans un cauchemar australien aussi stylisé que sauvage

CRITIQUE CINÉMA – Pour son quatrième long-métrage, le réalisateur Lorcan Finnegan nous embarque dans la descente aux enfers d’un homme dont la session de surf se transforme en confrontation hallucinée contre des caïds locaux, des animaux hostiles et ses propres démons intérieurs. The Surfer est une odyssée tordue, quelque part entre le thriller psychologique, la fable surréaliste et le survivalisme existentiel, portée par un Nicolas Cage au sommet de sa folie maîtrisée.

 

Honnêtement, pourquoi engager Nicolas Cage si ce n’est pas pour le laisser exploser dans toute sa splendeur dérangée ? Heureusement, The Surfer lui offre ce terrain de jeu, mais sur un mode plus feutré que d’habitude. Plutôt que de hurler dès la première scène, Cage installe lentement mais sûrement la dégringolade mentale de son personnage. Finnegan (Without Name, Vivarium) et le scénariste Thomas Martin rendent ici un hommage décalé, presque ironique, à la Nouvelle Vague australienne des années 70, en détournant les codes de films comme La Randonnée (titre français de Walkabout) de Nicolas Roeg – où l’isolement se mêlait déjà au rêve éveillé.

Le paradoxe est saisissant : bien que se déroulant presque intégralement en extérieur, The Surfer est l’un des films les plus oppressants de ces dernières années. On passe la majeure partie du récit sur une plage immense et un parking adjacent, mais l’ensemble semble plus étouffant qu’un bunker sans fenêtre. Quelques scènes nous mènent dans des toilettes publiques sordides, des voitures à l’abandon ou une cabane en bord de mer, repaire des antagonistes locaux. Les gros plans sur le visage crispé du héros, les montages elliptiques et les effets aquatiques appliqués à des scènes à sec contribuent à une seule chose : faire de cette histoire une plongée subjective dans une psychose en roue libre.

 

 

Un père, une Lexus et l’enfer en bord de mer

 

Au début, on croirait voir un père américain lambda, riche, sûr de lui, déposant son fils adolescent (Finn Little) pour une séance de surf sur la plage de Luna Beach. Mais l’endroit n’est pas choisi au hasard : malgré son accent californien, il a grandi ici. La maison de son enfance, visible depuis les vagues, est aujourd’hui à vendre. Il tente de la racheter via un agent immobilier qui est aussi son conseiller financier, mais quelqu’un a surenchéri en cash. Il lui manque 100 000 dollars australiens, et son vernis de businessman sûr de lui commence à craqueler sérieusement.

Même dans les scènes les plus « normales », Cage injecte une nervosité latente, comme si le personnage était déjà au bord de l’implosion. Les créateurs du film citent d’ailleurs The Swimmer (sorti en France sous le titre L’Homme qui nageait) comme source d’inspiration – ce classique de 1968 où Burt Lancaster traverse les piscines de ses voisins pour rentrer chez lui, dans une odyssée de plus en plus absurde et dérangeante. The Surfer reprend ce principe, mais en mode plage, paranoïa et fièvre solaire.

 

 

Bay Boys : l’accueil musclé des locaux

 

Dès qu’il pose sa planche sur le sable, le ton est donné : regards noirs, menaces à peine voilées, et un slogan répété à l’envi – « T’habites pas ici, tu surferas pas ici. » Scally (Julian McMahon), le leader inquiétant d’un gang local nommé les Bay Boys, lui signifie poliment mais fermement que les vagues sont réservées aux autochtones. La scène a des airs de western absurde, sauf que le héros ne plie pas bagage. Il s’installe sur le parking en haut des falaises, territoire rude et asphalté où il va rapidement perdre bien plus que son plan de surf.

Là-haut, il fait la rencontre de Fitz (Nic Cassim), sobrement crédité comme « Le clochard ». (Presque tous les personnages sont désignés par des titres génériques dans le générique de fin.) Petit à petit, à mesure qu’il s’entête à rester près de la plage, le surfeur voit ses possessions disparaître : planche volée, téléphone envolé, montre perdue. Et avec chaque objet, une part de sa raison s’effrite. Il devient Fitz. Ou pire encore.

 

 

Quand Cage lâche les chevaux, la folie est pure

 

Ces dernières années, Cage excelle dans les rôles de marginaux en roue libre – et ici, il brille dans un quasi one-man-show face à l’environnement, au vide et à lui-même. Il affronte tour à tour les Bay Boys, la soif, la chaleur, la faim, les animaux et ses propres hallucinations. Et sans trop spoiler, disons que la scène avec le rat est à la fois abjecte et inoubliable. Ce film fait de l’Australie non pas un décor, mais un adversaire à part entière : une terre aussi magnifique que mortelle, peuplée de créatures prêtes à vous tuer juste parce que vous respirez.

Quand notre surfeur touche le fond, il ne perd pas juste son équipement ou sa crédibilité. Il perd son identité, sa conscience, son humanité. Et pendant ce temps, nous, on reste scotchés à l’écran, fascinés par sa descente, comme si une part de nous savait qu’il n’y aura pas de retour possible.

– Gergely Herpai  „BadSector” –

The Surfer

Direction - 7.4
Acteurs - 8.2
Histoire - 7.6
Visuels/Musique/Sons - 8.2
Ambiance - 7.8

7.8

BON

Nicolas Cage signe ici l’une de ses performances les plus dingues mais aussi les plus calibrées : The Surfer est un film aussi étouffant que fascinant, où la paranoïa côtoie le surréalisme et l’absurde. Lorcan Finnegan orchestre une chute vertigineuse et brutale, où le sable brûle, les rats mordent et la folie guette à chaque vague. Une descente que vous ne serez pas prêts d’oublier.

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BadSector is a seasoned journalist for more than twenty years. He communicates in English, Hungarian and French. He worked for several gaming magazines – including the Hungarian GameStar, where he worked 8 years as editor. (For our office address, email and phone number check out our impressum)